Arès : le rugby comme arme d'insertion massive ! from CCAS on Vimeo.
Le camping de la Lagune, à Arès (Gironde), accueillait le 30 juillet dernier l’association Drop de Béton, pour une initiation mixte au rugby et un débat sur la place des filles et des femmes dans le sport.
« Les filles sont souvent plus fortes que nous dans pas mal de sports. Il faut les respecter ! » En deux phrases, Charly, 10 ans, a tout dit. En vacances au bassin d’Arcachon, le jeune vendéen s’est essayé au rugby avec l’association Drop de béton, avant de prendre part au débat sur l’égalité dans le sport, en présence d’Anissa Douaifia, figure emblématique du rugby féminin à Mérignac et membre de Drop de béton.
« On a cassé les portes, on ne les a pas seulement poussées, témoigne Anissa Douaifia, embarquée dans l’aventure rugbystique par l’association lorsqu’elle était adolescente. Drop de Béton a réussi à casser l’image brute d’un sport de garçons, pour en faire un sport où les femmes arrivent à s’accomplir. Mais on a dû se battre pour gagner notre place, se remémore la fondatrice de la section féminine Les Cendrillons du ghetto, qui deviendra ensuite les Melting drop. Il a fallu être fortes pour changer les mentalités et parvenir à jouer. On est parties d’un challenge personnel entre copines, qui est devenu un droit. On s’est dit : ‘Et pourquoi pas nous ?' »
Drop de béton, l’insertion par le rugby
Créée en 1997, basée à Mérignac, Drop de Béton œuvre à l’insertion sociale des publics en difficulté grâce au rugby et à ses valeurs. Elle propose la pratique du rugby sur tous les moments et tous les lieux de vie : l’école, le quartier, la ville, la prison… et les vacances des électriciens et gaziers, depuis plusieurs années.
Joueuses, joueurs : la valse des inégalités
En France, 38 % des licencié·es sont des femmes. Dans certains sports, la proportion est encore plus faible. Un quiz auquel ont participé en soirée les vacanciers d’Arès leur a ainsi appris que si les femmes représentent 80 % des licencié·es en gymnastique, elles ne sont que 35 % en basketball ; 30 % en tennis ; 7 % en football… et moins de 5 % en rugby.
Financièrement, la différence est également flagrante. Un autre jeu proposé par l’association note les salaires mensuels moyens entre hommes et femmes dans le sport professionnel français. Et met en avant le fossé en faveur de la gent masculine : au football, le salaire des joueurs surpasse de 10 fois celui des joueuses (4 000 euros contre 40 000 euros) ; de 4 fois en basket (3 000 euros contre 12 000 euros) ; de 3 fois en handball (3 500 euros contre 10 000 euros)… les droits télévisuels d’un sport devenu spectacle expliqueraient tout, nous dit-on.
Et au rugby ? Quand les pros du Top 14 gagnent en moyenne 20 000 euros par mois, les joueuses du XV de France ont encore un statut amateur… et doivent travailler à côté.
Des échanges façon ping-pong
Assis en cercle, les vacanciers – majoritairement masculins – et les professionnel·les du sport auront ainsi passé plus d’une heure à débattre, à comparer les statistiques et à confier leurs expériences personnelles. Toujours courtois, les échanges ont fusé façon match de ping-pong. Extrait.
Frédéric : « Le sport mixte, c’est bien au plus jeune âge, mais c’est aussi un piège pour le sport féminin. On n’en fait pas la promotion et, résultat, les équipes féminines sont très rares passés les 16 ans. On assiste à une désaffection des adolescentes, qui entraîne même un traumatisme pour certaines… »
Laurent : « Le combat se mène aussi avec les parents. Certains surprotègent leurs filles : on l’a bien vu dans le documentaire, avec cette maman qui ne voulait pas que sa fille se fasse mal en jouant au rugby. C’est difficile, puisqu’il faut même négocier avec les parents pour aller jouer. »
Alain : « Ce n’est pas évident pour une femme de conjuguer une carrière dans le sport et la vie de famille, la maternité. »
Marie : « J’en connais beaucoup qui vivent très bien les deux. C’est un choix, c’est aussi une organisation. »
Nicolas : « Il y a malheureusement dans la vie sportive d’une femme une perte d’activité possible avec une grossesse… »
Marie : « Mais est-ce qu’à 5 ans, une petite fille se pose ces questions-là ? »
Frédéric : « C’est aussi l’image de la femme d’aujourd’hui : elle doit assurer dans son travail, assurer dans son foyer, assurer avec ses enfants, assurer dans son sport. On demande tout ça aux femmes. Alors que la société n’est pas aussi exigeante envers l’homme ! Pourquoi d’ailleurs ? Et quand bien même, je ne pense pas que l’homme serait à la hauteur. »
Alain : « C’est parce que les petits garçons ont joué avec des camions et pas avec des poupées (rires) »
Anissa : « Moi j’ai joué avec des camions ! Ça ne m’a pas empêché d’être une femme accomplie. Et de jouer au rugby ! »
À la question d’une vacancière sur le message à transmettre aux femmes, Anissa Douaifia répond : « Il ne faut surtout pas se donner des interdictions, et ne pas écouter les autres qui vous disent « non ». Faites ce que vous voulez faire ! » À Mérignac, les mentalités changent. Les filles ont réussi leur pari. Elles allaient voir les matches des garçons ; désormais ce sont eux qui viennent les voir jouer. Et après, c’est la 3e mi-temps pour toutes et tous !
En savoir plus sur Drop de béton
Site internet : www.drop-de-beton.fr
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