
Intervention de l’association Colosse aux pieds d’argile, spécialisée dans la prévention des violences sexuelles sur mineurs, au sein de la colo CCAS 12-14 ans de Soulac-sur-Mer durant l’été 2025. ©Julien Millet/CCAS
L’association Colosse aux pieds d’argile, créée par Sébastien Boueilh, ancien rugbyman victime de viols lorsqu’il était adolescent, intervient dans les colonies de vacances CCAS pour inciter les enfants à prendre la parole et agir face à ces agressions. Reportage le 28 juillet à Soulac-sur-Mer, en Gironde, auprès d’un groupe de jeunes âgés de 12 à 14 ans.
« J’ai été violé de l’âge de 12 ans à 16 ans. […] C’était le mari de ma cousine. Tous les vendredis soir, il me violait. Cinq minutes après, il buvait le café avec mes parents. » La vidéo ne dure que deux minutes et demie, mais elle capte immédiatement l’attention des 25 adolescents assis dans les locaux de l’infirmerie du centre de vacances jeunes de Soulac-sur-Mer (Gironde).
À l’écran, l’ancien rugbyman professionnel Sébastien Boueilh, agressé pendant quatre ans durant son enfance par un homme au-dessus de tout soupçon, explique comment ce dernier a réussi à l’enfermer dans la soumission et le silence. Il raconte aussi les années d’errance, la libération – longtemps après les faits – puis la reconstruction.
Cette histoire constitue le moment fort de l’intervention de Servane Langarel, lundi 28 juillet, devant un groupe d’adolescents âgés de 12 à 14 ans, venus en colo CCAS pour pratiquer, entre autres, l’équitation et la moto. La jeune femme intervient au nom de l’association Colosse aux pieds d’argile, créée par Sébastien Boueilh. Sa mission ? Sensibiliser son jeune auditoire aux risques de violences sexuelles.
Et surtout faciliter la libération de la parole sur ce sujet à la fois sensible et incontournable. Selon une étude internationale publiée en mai dernier par la revue « The Lancet », 26 % des Françaises (soit une femme sur quatre) et 13,8 % des Français ont été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans.
Violences, agressions : des repères clairs pour les jeunes
Comment aborder un tel sujet avec des enfants qui sont au seuil de leur vie amoureuse ? « J’utilise un ton assez léger en faisant parfois des petites blagues, j’utilise le même langage qu’eux, je leur dis qu’ils peuvent s’exprimer sans tabou… J’essaie d’être le plus proche possible d’eux », explique Servane Langarel.
« Je laisse toujours aux enfants la possibilité de venir me voir après mes interventions, ajoute l’intervenante, soit pour poser des questions qu’ils n’auraient pas osé poser devant le groupe, soit pour me confier des situations personnelles ou qui concernent quelqu’un qu’ils connaissent. En général, au moins un enfant vient me voir après chaque sensibilisation. »
L’interaction avec les jeunes sur ce sujet difficile mais pourtant quotidien est importante pour construire une relation de confiance avec eux, et délier les langues. ©Julien Millet/CCAS
Servane Langarel parvient à créer une atmosphère de confiance en instaurant un dialogue direct et permanent. « Quels types de violences connaissez-vous ? Est-ce que vos parents ont le droit de vous taper dessus ? Qui a le droit de vous toucher ? Quelles sont les cinq parties intimes du corps ? Quelle est la différence entre viol et attouchements ? C’est quoi le consentement ? »
Les interrogations de Servane Langarel prennent la tournure d’un jeu de questions-réponses, avec à la clé une foule d’informations et de conseils essentiels pour se protéger des agressions et apprendre à réagir si on en est victime ou témoin.
En voici un rappel :
• Les violences psychologiques (chantage, menaces, etc.) et les insultes à connotation sexuelle sont punies par la loi. Leurs auteurs s’exposent à de lourdes sanctions.
• Idem pour les violences en ligne, sur les réseaux ou les jeux en ligne. Précisons que les auteurs peuvent être retrouvés car on n’est jamais anonyme derrière son téléphone, sa tablette ou son ordinateur.
• Les attouchements sont des agressions sexuelles même s’ils n’impliquent pas de pénétration, élément constitutif du viol.
• Nous avons toutes et tous cinq parties intimes qu’une autre personne ne peut toucher qu’avec notre consentement : le sexe, les fesses, la poitrine, l’intérieur des cuisses et la bouche. En cas contraire, il s’agit d’une agression sexuelle. Les autres parties du corps ne sont pas non plus en libre-service : si ce n’est pas interdit par la loi, il n’est pas correct de toucher quelqu’un sans son consentement (cheveux, joue, main…).
• Le consentement, ce n’est pas « oui, si ça te fait plaisir ». C’est « oui, parce que j’en ai envie ».
Paroles de jeunes
« Ce type d’intervention, ça nous apprend à réagir, à savoir comment aider les victimes de violences et à savoir quoi faire si ça nous arrive. Je ne connaissais pas le numéro 3018 sur le cyberharcèlement. Je pourrai l’utiliser en cas de problème. »
Célia, 13 ans« Je connaissais déjà un peu le thème. Mes parents m’avaient offert la BD Titeuf pour m’aider à comprendre le sexe. Maintenant, je vais faire attention à ne pas dire des choses trop blessantes aux filles. »
Nathan, 12 ans« J’ai subi du harcèlement à l’école. Il ne faut vraiment pas hésiter à en parler à un adulte de confiance. Il peut nous aider et nous sauver d’une situation difficile. Moi j’en ai parlé et maintenant je vais beaucoup mieux. »
Lili, 14 ans
Consentement sexuel : des repères clairs
Pour rappel, pour exister, le consentement doit être :
- Libre. On ne peut consentir que si l’on en est capable, et si l’on ne subit pas de contraintes. Être endormi, très alcoolisé ou sous forte emprise de drogues de même qu’être menacé, avoir peur ou ressentir une pression à agir n’est pas compatible avec un consentement libre.
- Éclairé. On ne peut consentir que si l’on est « sur la même longueur d’ondes » à propos de la situation ou des pratiques. Si l’une des personnes ment, dissimule ou omet délibérément certaines intentions, le consentement est altéré.
- Spécifique. Consentir à certains actes ou rapports n’implique pas forcément de consentir à d’autres. Par exemple : oui pour s’embrasser mais non pour être caressé à tel ou tel endroit…
- Réversible/révocable. Le consentement peut être retiré à tout moment, même si un acte est déjà initié : aucune situation ne justifie de continuer si on n’en a pas envie. Par ailleurs, avoir consenti auparavant n’impose pas de consentir à nouveau.
- Enthousiaste/volontaire. La relation doit être désirée, et non obligée pour faire plaisir à l’autre, pour qu’il ou elle arrête d’insister, etc. Le non-consentement peut s’exprimer par des mots mais aussi par des attitudes non verbales (expression de malaise, tentative pour changer de sujet, hésitation…) : ce n’est pas parce qu’on n’a pas dit « non » que c’est OK !
- Réciproque. Les deux personnes en ont envie, tout simplement !
Violences sur mineurs : les numéros à connaître
Le 119 : Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger
Numéro gratuit et confidentiel que les enfants et les adolescents peuvent appeler 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 h s’ils se sentent en danger ou s’ils ont été agressés ; ou encore s’ils connaissent un autre enfant ou adolescent qui est dans cette situation. Un adulte peut aussi appeler ce numéro pour signaler un enfant en danger.
Le 3018 : cyberharcèlement et violences numériques
Numéro gratuit que les enfants et les adolescents peuvent appeler s’ils sont victimes de cyberharcèlement dans le cadre scolaire. Existe aussi sous forme d’appli.
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