Visions Sociales : 5 faits à connaître sur Lina Soualem, marraine de l’édition 2024

Lina Soualem, réalisatrice, marraine de Visions Sociales, festival de cinéma de la CCAS, qui a lieu en mai à La Napoule, près de Canne, et en ligne sur la Médiathèque des Activités Sociales.

Lina Soualem, réalisatrice, marraine de Visions Sociales, festival de cinéma de la CCAS, qui a lieu en mai à La Napoule, près de Canne, et en ligne sur la Médiathèque des Activités Sociales. ©Marine Poron/CCAS

Difficile de résumer l’histoire riche et complexe de la réalisatrice Lina Soualem. Voici cinq dimensions du parcours de la marraine de Visions Sociales, le festival de cinéma de la CCAS.

Fille des acteurs Hiam Abbass et Zinedine Soualem, la réalisatrice Lina Soualem est la marraine de l’édition 2024 de Visions Sociales, le festival de cinéma de la CCAS, qui se déroulera cette année du 18 au 25 mai à Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes).

Elle est également l’héritière d’un double exil.

D’un côté, celui de ses grands-parents paternels, d’Algérie dans les années 1950 pour grossir les rangs de la main-d’œuvre appelée des colonies afin de reconstruire la France. De l’autre, celui de sa mère Hiam Abbass, Palestinienne est venue faire carrière en Europe contre l’avis de ses parents, qui eux-mêmes avaient subi la Nakba, l’expulsion de leurs terres lors de la création de l’État d’Israël.

De cette histoire familiale, Lina Soualem a tiré deux documentaires, projetés au festival Visions Sociales cette année, disponibles en ligne et en accès libre sur la Médiathèque durant tout le festival : « Leur Algérie » (2020) et « Bye bye Tibériade » (2024).



La question qui lui hérisse le poil : « Tu es algérienne, palestinienne ou française ? »

« Leur Algérie », Lina Soualem.

L’obsession très française de l’identité – le gimmick « choisis ton camp, camarade » – lui est difficilement supportable. « Comme si le fait d’avoir plusieurs identités nous rendait moins français ! L’identité est une réalité complexe qui nous enrichit », précise la réalisatrice.

Lina Soualem se sent malgré elle influencée par cette injonction, si bien que, lorsqu’elle a commencé à travailler sur « Leur Algérie », elle s’est surprise à poser de nombreuses questions à ses grands-parents sur leur identité. Ce sont en particulier le parcours de sa grand-mère et celui de son père qui éclairent son chemin. Quoiqu’ils soulèvent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses.

« Je me suis rendu compte que je devais me détacher de la pensée binaire pour mieux comprendre la notion d’identité. »

« Ma grand-mère vivait en Algérie sous la colonisation française ; les drapeaux français étaient partout, l’identité algérienne interdite. Lorsque je lui ai demandé ‘comment te définissais-tu ?’ », elle m’a répondu ‘je me sentais algérienne’, alors que sa carte d’identité indiquait ‘française musulmane’. J’ai trouvé cela très fort car elle n’avait que 8 ans à cette époque. Cela montre bien que le bagage culturel que lui avaient transmis ses parents la définissait bien davantage que ses papiers ! Je me suis rendu compte que je devais me détacher de la pensée binaire pour mieux comprendre la notion d’identité. »

Le père de Lina, lui, est né à Thiers (Puy-de-Dôme) en 1957 – donc sujet de l’empire colonial français – mais il n’a obtenu la nationalité française qu’à l’âge de 28 ans. « Alors, finalement, que veut dire être français ? Être algérien ? »

Quant à Lina elle-même, elle cherche sa propre voie entre toutes ces identités. Née « d’une rupture entre deux mondes », elle porte en elle l’héritage des séparations, de l’exil, du déracinement. « Je devais créer mon propre espace de liberté, alors que j’avais parfois l’impression de perdre pied. Mais chacun devrait justement avoir le choix de pouvoir naviguer entre ses multiples identités. »

Elle n’aimait pas le métier de ses parents : le cinéma

Enfant de la balle, Lina Soualem aurait pu avoir un destin de cinéma tout tracé. Son père, Zinedine Soualem, a commencé par faire du mime, avant de se lancer dans le théâtre, puis le cinéma : il a tourné avec Cédric Klapisch (« Chacun cherche son chat », « Un air de famille »…), Michel Leclerc (« Le Nom des gens ») ou Yamina Benguigui (« Inch’Allah dimanche »). Sa mère, Hiam Abbass, mène une carrière internationale à travers des collaborations avec Steven Spielberg (« Munich »), Jesse Armstrong (série multiprimée « Succession »)… ou en jouant dans des films d’auteurs (« La Fiancée syrienne » d’Eran Riklis…).

Pourtant, quand, enfant, Lina arpentait les plateaux de tournage, ce qui arrivait souvent, elle n’avait pas d’étoiles dans les yeux. Elle s’ennuyait ferme en attendant de pouvoir se jeter dans les bras de ses parents après le « coupez » libérateur.

« J’ai toujours été fascinée par leur parcours […]. Je pensais ne jamais parvenir à faire aussi bien qu’eux. »

« J’ai été cependant toujours fascinée par leur parcours : ils viennent tous deux de familles d’agriculteurs ou d’ouvriers et, malgré ça, ils ont fait ce choix professionnel. Je pensais ne jamais parvenir à faire aussi bien qu’eux. » Studieuse, la jeune fille a soif de connaissance. Elle a entamé des études d’histoire, puis de sciences politiques, bien décidée à trouver sa propre voie. « Je voulais comprendre le monde dans lequel je vivais, étudier le passé pour éclairer le présent. »

Et c’est finalement dans la réalisation de documentaires qu’elle parvient à conjuguer la fibre artistique qui lui a été transmise et son intérêt pour les sociétés contemporaines, l’histoire des civilisations, « les questions de transmission, d’héritage, d’identité, d’exil et de construction de la mémoire qui [la] travers[ent] ». Questions qu’elle a voulu aborder « non pas comme journaliste, non pas comme historienne, mais vraiment comme cinéaste ». L’exigence d’objectivité propre au journalisme lui semble décalée par rapport à un récit qu’elle souhaite plus libre et plus personnel.

Elle s’est offert néanmoins quelques pas devant la caméra, d’abord dans le film « Héritage », réalisé par sa mère en 2012, puis dans « À mon âge je me cache toujours pour fumer », de Rayhana Obermeyer (2017), et dans « Tu mérites un amour », de Hafsia Herzi (2019). « J’ai du mal à dire que je suis comédienne, je ne suis pas passée par le circuit traditionnel des castings : il s’agissait davantage pour moi d’opportunités de jouer dans des projets ‘amis’ ». Trois petits tours et puis s’en va ? « Le jeu m’intéresse, mais je préfère pour le moment me consacrer à la réalisation. »

Elle garde de bons souvenirs d’enfance en Palestine

« Bye Bye Tibériade », Lina Soualem.

De ses voyages en Palestine étant enfant, Lina Soualem garde des souvenirs chaleureux et « un sentiment d’appartenance très fort à la famille ». Si elle a du mal à distinguer ses propres souvenirs des images d’archive filmées par son père dans les années 1990, elle évoque avec un brin de nostalgie ses longues baignades dans le lac de Tibériade, où sa mère l’emmenait chaque été à partir de ses 2 ans.

Avec sa bande de cousins, elle jouissait d’une certaine liberté pour s’ébattre dans le village, « pas comme à Paris, où les parents ne veulent absolument pas laisser les enfants jouer seuls dans la rue ».

« Je me suis toujours sentie chez moi là-bas, protégée, car toute la famille me transmettait énormément d’amour. »

« C’était des moments très forts de convivialité que j’adore retrouver encore aujourd’hui quand j’y retourne, car nous étions une grande famille : mon arrière-grand-mère, ma grand-mère, mes tantes, mes voisins, tout le monde venait nous voir puisque nous arrivions de l’étranger, et tout le monde cuisinait ensemble, mangeait ensemble. Je me suis toujours sentie chez moi là-bas, protégée, car toute la famille me transmettait énormément d’amour. »

Dans les années 1990, au cours desquelles le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin a été assassiné par un extrémiste juif pour avoir signé la paix avec Yasser Arafat (en 1993), le climat en Israël était assez tendu. Sur les images filmées par Zinedine Soualem, que Lina insère dans « Bye bye Tibériade », on aperçoit de nombreux soldats. Elle n’en garde pourtant aucun souvenir.

« Bien sûr, on entendait beaucoup d’histoires à ce sujet, mais nous, enfants, étions relativement préservés de tout cela par les adultes, qui voulaient nous laisser profiter de notre enfance. » Après ses virées avec ses cousins, elle revenait au bercail, attirée par l’alléchant parfum des aubergines grillées, qu’elle mangeait dans du pain pour le goûter.

Elle a été programmatrice d’un festival d’ampleur à Buenos Aires

C’est en Argentine qu’elle a découvert le média qui allait devenir le sien. Le pays l’appelait, irrésistiblement. Sans qu’elle en comprenne la raison. Elle est donc partie pour quelques mois y faire son stage de fin d’études, et a fini par devenir programmatrice au Festival international de cinéma des droits de l’homme de Buenos Aires.

« Buenos Aires est une ville incroyablement vivante artistiquement. Il y a des festivals de cinéma toutes les semaines… et une immigration des quatre coins du monde. »

« Lorsque je suis arrivée en Argentine, j’ai tout de suite rencontré des membres des communautés syrienne et libanaise que je connais bien. » Happée par la richesse culturelle du pays, elle s’est plongée dans son histoire, qui résonne parfois cruellement avec celle des Palestiniens ou celle des Algériens : le déracinement des « pueblos originarios », les peuples natifs mapuches, expulsés de leurs terres par la colonisation occidentale, le chemin douloureux de la reconstruction et de la reconnexion à leur culture, les disparus de la dictature argentine qui font écho aux victimes de la guerre civile qui a sévi en Algérie dans les années 1990…

« Buenos Aires est aussi une ville incroyablement vivante artistiquement, s’exalte la réalisatrice. Il y a des festivals de cinéma toutes les semaines avec des focus sur les cinémas portugais, brésilien, africain ou du Maghreb… et une immigration des quatre coins du monde ». Elle y est restée deux ans.

Elle est fan de l’auteur portugais José Saramago

Si elle admet volontiers avoir littéralement « lu tous les livres qu’on lui mettait entre les mains lorsqu’[elle] était adolescente, parce qu’il fallait avoir de bonnes notes », Lina Soualem hésite quelque peu à évoquer ses références culturelles parce que « [sa] réponse sera différente selon le jour et l’heure ». Si elle reconnait avoir été « fan de Maupassant » étant plus jeune, elle cite plutôt des écrits très engagés, des auteurs qu’elle a découverts plus tard et qui nourrissent son travail, « parce qu’on ne se pose certaines questions sur l’état du monde qu’une fois adulte ».

« José Saramago est un autodidacte qui n’a percé qu’à partir de 60 ans. Il me fascine totalement. »

Les écrits féministes de bell hooks, ceux de Frantz Fanon, penseur de l’anticolonialisme, ont été des sources d’inspiration évidente. Mais c’est l’auteur portugais José Saramago, découvert lors de son voyage en Argentine, qui retient toute son attention : « C’est un autodidacte qui n’a percé qu’à partir de 60 ans. Il me fascine totalement. » Son livre phare, « Les Intermittences de la mort » évoque une société dystopique où la mort ne fait plus son travail, ce qui pose des questions tant pratiques que philosophiques.

Défenseur infatigable de la cause palestinienne, Saramago a par ailleurs fait scandale avec une relecture toute personnelle des Évangiles. Ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir le prix Nobel de littérature en 1998.


Visions Sociales, c’est à la Napoule et en ligne

En parallèle du festival Visions Sociales, qui se déroule du 18 au 25 mai dans les Alpes-Maritimes, la Médiathèque vous offre en exclusivité une sélection de films en accès libre, à voir durant le festival. Réservez vos soirées cinéma, certains ne sont visibles que durant 48 heures ! Et pour patienter, la Médiathèque vous propose une rétrospective de films projetés lors des éditions précédentes, en accès libre durant tout le mois de mai.

Sélection Visions Sociales 2024, films programmés lors des éditions précédentes, en accès libre sur la Médiathèque

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