Guerre au Proche-Orient, explosion des prix du pétrole, appel à la sobriété énergétique… Cela vous rappelle quelque chose ? C’était en 1974, lors des premières mesures d’économie d’énergie, d’une vigueur que l’on peine à imaginer aujourd’hui.
En octobre 1973, un nouvel affrontement militaire éclate entre Israël et la Syrie et l’Égypte. La guerre du Kippour se termine par une victoire israélienne. En représailles, l’Organisation des pays producteurs de pétrole, dominée par les pays arabes, décide de diminuer la production pétrolière. S’en suit un quadruplement, en quelques mois, des prix du pétrole, qui déstabilise profondément l’économie mondiale.
Une idée jusqu’alors impensable surgit dans les discours gouvernementaux de l’ensemble des pays occidentaux : économiser l’énergie.
« Économies d’énergie, déjà vu dans les années 70 ».
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Ce que l’on a appelé les « Trente Glorieuses », cette période de croissance économique ininterrompue entamée à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, s’achève soudainement à la fin de l’année 1973. Rares étaient alors ceux qui comprenaient à quel point cette croissance dépendait d’une énergie bon marché, et en particulier du pétrole en provenance du Moyen-Orient.
La France de 1960 était auto-suffisante aux deux tiers en énergie grâce à son charbon et à ses barrages hydro-électriques. Dix ans plus tard, le ratio s’est inversé : le pays dépendait aux deux tiers des importations énergétiques.
« En France, on n’a pas de pétrole… »
C’est dire si ce premier « choc pétrolier » ébranle l’économie française. Le premier ministre, Pierre Messmer, en prend la mesure dans un discours du 30 novembre 1973. Il y annonce des mesures sans précédent, comme la limitation de vitesse à 90 km/h sur route et 120 km/h sur autoroute, ou encore l’extinction de l’illumination des monuments publics ou des émissions de la télévision – alors deux chaînes publiques – à 23 heures, sauf le samedi. L’organisation de rallyes et courses automobiles est suspendue. L’interdiction de la circulation automobile le dimanche, que le premier Ministre dit avoir envisagée, est cependant exclue.
En 1974, pour faire face aux suites du choc pétrolier de 1973, la nouvelle Agence pour les économies d’énergie diffuse une publicité dont le slogan est resté célèbre : « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ».
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Dans une allocution solennelle, le président de la République Georges Pompidou, qui se sait malade et décédera d’ailleurs quelques mois plus tard, enfonce le clou le 20 décembre 1973. Il incite Français et Françaises à faire preuve de civisme en diminuant volontairement leur consommation d’énergie.
Mais la coercition n’est jamais loin. Le haut-fonctionnaire Jean Blancard, délégué général pour l’énergie, martèle que la consommation de gaz des ménages doit diminuer d’un quart, quitte à ce que la température domestique diminue de 4 degrés.
Il faut accepter, dit-il, de prendre « une douche et non un bain » : une déclaration stupéfiante après trois décennies de croissance ininterrompue, synonyme de confort croissant, qui ne se posaient pas la question du prix de l’énergie. Les récalcitrants se voient menacer de rien moins qu’une résiliation autoritaire de leur abonnement au gaz.
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En 1975, Jean Blancard deviendra président de Gaz de France. Mais les mesures coercitives qu’il préconisait pour diminuer la consommation énergétique ne furent jamais appliquées pour deux raisons. La première est que les prix du pétrole se stabilisent après leur brutale envolée de la fin 1973. La seconde est que l’État français met en œuvre le « plan Messmer » de développement à marche accélérée du parc électro-nucléaire, qui va permettre au pays de retrouver son indépendance énergétique. EDF consommait à elle seule le dixième des importations de pétrole françaises, pour alimenter ses centrales au fuel. Ce poste massif de consommation d’hydrocarbures va petit à petit décroître avec la construction de centrales nucléaires.
L’effort de sobriété énergétique de 1974 s’avérera ainsi éphémère. Avec le second choc pétrolier de 1979, il prendra une nouvelle forme, celle de « la chasse aux gaspis ». Laquelle disparaîtra à son tour avec l’effondrement des prix du pétrole au milieu des années 1980. Economiser l’énergie, comme on le dit aujourd’hui sur fond de réchauffement climatique, est donc un slogan vieux d’un demi-siècle. Ce qui n’enlève rien à sa pertinence.
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