L’humanité pourra-t-elle un jour disposer, avec la fusion nucléaire, d’une source d’énergie inépuisable et non polluante ? La réponse à cette question sera, d’ici deux décennies, apportée par la machine ITER en cours de construction, dans le cadre d’une collaboration internationale, à Saint-Paul-lez-Durance. Reportage exclusif dans les Bouches-du-Rhône sur le chantier le plus complexe de l’histoire de l’énergie, récemment raccordé au réseau RTE.
Le cœur de la plateforme ITER (42 ha) est occupé par le complexe tokamak (7 niveaux dont 2 souterrains) dont les premiers niveaux commencent à émerger. Au centre de ce bâtiment de 440 000 tonnes, le bâtiment tokamak, qui abritera la machine. Côté nord, le bâtiment tritium, dans lequel sera géré et stocké le tritium (isotope de l’hydrogène qui constitue, avec le deutérium, le « combustible » d’ITER et des futurs réacteurs de fusion).
Côté sud, le bâtiment diagnostics qui abrite tous les systèmes qui vont ausculter le plasma en temps réel. Quand le complexe tokamak aura atteint son 5e niveau, une structure métallique viendra prolonger le hall d’assemblage, de manière que le pont roulant puisse positionner les pièces à assembler dans le « puits » du tokamak.
Dix-huit colonnes massives, dressées sur le plancher de l’installation (lequel repose sur un système de protection parasismique), constituent la structure de support du bâtiment tokamak. Sur l’image, on se trouve entre le plancher et le deuxième niveau souterrain. Ces colonnes, fortement armées, se prolongeront sur une hauteur de 30 m.
Pile dans l’axe du plasma ! C’est dans le puits circulaire que la machine sera assemblée.
Le ferraillage du béton atteint dans certaines zones des densités exceptionnelles. Alors que l’on compte en moyenne 200 à 250 kg d’acier par m3 de béton armé, on atteint dans certaines zones particulièrement stratégiques 600, voire 750 kg d’acier par m3.
Le seul complexe tokamak consomme chaque mois 300 à 500 tonnes de barres d’acier.
La contribution des membres d’ITER se fait principalement en nature. Les pièces et les systèmes de la machine et de l’installation sont fabriqués dans leurs usines sur trois continents et livrés sur le site d’ITER. Entre le port de Marseille Fos, où les pièces sont débarquées, et le site d’ITER distant d’une centaine de kilomètres, la France a aménagé un itinéraire (élargissement de routes, création de pistes, renforcement/reconstruction d’ouvrages d’art, etc.) permettant d’acheminer ces pièces dont les plus lourdes pèsent jusqu’à 600 tonnes, mesurent jusqu’à 10 m de haut et font 10 m de large.
Les dimensions des plus grosses bobines annulaires qui ceinturent la machine (Poloidal Field Coils, de 17 à 24 m de diamètre) ne permettent pas de les transporter par la route. Elles sont donc fabriquées sur place dans un vaste atelier de bobinage (257 m long).
Les câbles supraconducteurs, gainés dans une jaquette d’acier, sont livrés sous forme de tourets pesant une vingtaine de tonnes et contenant environ 400 m de câble. La première opération consiste à dévider ce câble très rigide, à le nettoyer, l’envelopper d’un ruban de fibre de verre isolante, puis à le former à l’angle de courbure de la bobine. Sur cette table de bobinage, on va enrouler plusieurs spirales de câble qui constitueront des doubles galettes qui, une fois assemblées, formeront une bobine de 200 à 400 tonnes en fonction de son diamètre.
Le câble supraconducteur est constitué de brins de cuivres et d’un alliage niobium-titane. Une fois refroidi à 4 K (4 kelvin), soit -269°C, par circulation d’hélium liquide (orifice au centre), cet alliage devient supraconducteur. Dans la machine ITER, 10 000 tonnes d’aimants supraconducteurs doivent être refroidis, ce qui a conduit à construire l’usine de production de froid la plus puissante du monde (Air Liquide).
Une des deux tables de bobinage.
Une fois les doubles galettes individuellement imprégnées de résine isolante, elles sont empilées (de 6 à 8 en fonction de la taille des bobines), compressées et de nouveau imprégnées de résine. La bobine est alors finalisée, prête à être intégrée dans l’assemblage de la machine.
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Tags: Innovation Nucléaire
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