Vacances : « la société intime à chacun de partir »

Vacances : "la société intime à chacun de partir" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 42971 Saskia Cousin Anthropologue

Saskia Cousin, anthropologue et maître de conférence au Centre d’anthropologie culturelle à l’université Paris-Descartes. ©Bertrand de Camaret/CCAS

Pour l’anthropologue Saskia Cousin, si tous les Français ne sont pas égaux devant les vacances, ces dernières n’en sont pas moins vécues « comme une obligation sociale et un impératif individuel ». Mais aussi comme un moment de (re)construction personnel, familial et amical. C’est l’une des thèses de « Sociologie du tourisme » (2016), qui insiste sur les enjeux politiques et identitaires du tourisme.

La notion de grandes vacances est-elle en train de disparaître ?

Même s’ils partent moins longtemps et dépensent moins pendant leurs vacances, les Français partent majoritairement en été pour un séjour de plusieurs semaines. Le modèle très majoritaire est le séjour en France, à la mer, chez des parents ou amis dans des hébergements non marchands, avec, pour motivation principale, le désir de se retrouver en famille et/ou de voir des parents ou amis.

Ceux qui partent de manière répétée, pour de plus courts séjours, à l’étranger, sont ceux qui peuvent choisir leurs périodes de vacances et ont des revenus pour multiplier les formules : villégiature, week-ends urbains, voyage touristique à l’étranger, etc. En bref, il y a moins morcellement des vacances que diversification pour certaines catégories sociales, tandis que d’autres, plus populaires, privilégient toujours les grandes vacances même si elles sont raccourcies pour des motifs économiques.

« Rite initiatique pour les jeunes aristocrates, puis outil de divertissement et d’émancipation pour les classes populaires, le tourisme est devenu, en l’espace de deux siècles, un enjeu politique et une activité économique à part entière. »
Extrait de « Sociologie du tourisme » (2016). 

Que recherchent les vacanciers ?

Les vacances sont vécues, dans la plupart des pays occidentaux, comme une obligation sociale et un impératif individuel. Obligation sociale, notamment vis-à-vis des enfants : des médias estivaux enchaînant les publireportages sur les plages de rêve à la traditionnelle rédaction de rentrée « racontez vos vacances », la société française intime à chacun de partir. Par ailleurs, l’augmentation des cadences, le lieu de travail de plus en plus éloigné du domicile font que le travail n’est plus un espace de socialisation. Les vacances sont un moment de (re)construction personnel, familial et amical. Seuls 7 % des séjours ont pour principal motif « exercer une activité sportive » et 7 % « visiter des églises, des monuments, des sites historiques », alors que 15 % déclarent comme motif principal « se reposer, sans activité particulière ».

« Avec les ordinateurs et, surtout, les smartphones, les touristes sont moins dépendants des guides, des agences et des offices de tourisme. »

Quelle est l’influence d’Internet sur les pratiques vacancières ?

Avec les ordinateurs et, surtout, les smartphones, les touristes sont moins dépendants des guides, des agences et des offices de tourisme. Année après année, ils accumulent des expériences et une plus grande aisance dans la compréhension des informations et leur décryptage. On peut désormais parler d’un touriste 2.0, voire 3.0 : parce qu’ils sont alimentés par les voyageurs eux-mêmes, les blogs, les réseaux sociaux et les plateformes dédiés au tourisme et à l’évaluation des lieux et des activités, sont considérés par nombre de touristes comme plus fiables que les sites professionnels ou institutionnels, accusés de partialité. Les catégories de touristes, vacanciers, hôtes, habitants et même « professionnels du tourisme », s’en trouvent profondément déstabilisées.

Qu’est-ce qui ne change pas ?

Ce qui ne change pas fondamentalement sont les expériences recherchées : aujourd’hui comme hier, on cherche le vide (le désert, la campagne ou une montagne isolée…), le plein (la ville, Ibiza, la fête), le rien (farniente, plage), le trop (alpinisme, tour des musées), l’autre (tourisme solidaire, tour du monde) et le soi (famille, amis, tourisme des racines…). Selon les époques, les modes, l’histoire de chacun et les caractéristiques de la destination, la motivation, les expériences recherchées et vécues seront différentes.


Pour aller plus loin

Vacances : "la société intime à chacun de partir" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Sociologie du tourisme 100x150 1« Sociologie du tourisme », avec Bertrand Réau, éd. La Découverte, 2016, 128 p.
> Feuilleter le livre

Un aperçu des travaux de Saskia Cousin sur le site du Centre d’anthropologie culturelle de Paris-Descartes.

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