Saint-Martin : le tourisme, sinon rien

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Des milliers de croisiéristes débarquent chaque jour à Philipsburg, la capitale de Sint Maarten. ©Samy Archimède/CCAS

Dévastée il y a moins d’un an par l’ouragan Irma, l’île franco-néerlandaise, toujours convalescente, est repartie à la chasse aux touristes, sa seule véritable ressource. Reportage.

Sous un soleil de plomb, Gilbert replie un à un les transats alignés sur la plage. « Aujourd’hui, on remballe plus tôt parce qu’il n’y a pas de business », explique-t-il dans un anglais parfait, sans se départir de son sourire. Il est à peine 15 h 30 ce dernier jour de mai et les touristes se font rares sur Great Bay, le long croissant de sable qui borde Philipsburg, capitale de Sint Maarten, la partie hollandaise de l’île. Mais le retour progressif des touristes est déjà un miracle. Il y a neuf mois, le passage d’Irma, le plus puissant cyclone jamais enregistré dans les Caraïbes, avait transformé l’île en champ de ruines. Sur le front de mer, plusieurs restaurants et hôtels ont rouvert. Comme le Holland House, sa terrasse ornée de somptueux bougainvilliers, son bar et son carré de plage semi-privatisé. Au pied de cette belle bâtisse refaite à neuf, une pancarte annonce le programme : « 2 transats, 1 parasol, 4 boissons + wifi et toilettes gratuits : 25 dollars la journée ». Tous les moyens sont bons pour attirer les croisiéristes qui débarquent à Philipsburg tous les matins.



Les croisiéristes, de l’or en lingot

Ces touristes de passage sont de l’or en lingot pour Sint Maarten, petit territoire de 37 km² rattaché au royaume des Pays-Bas, qui forme la partie sud de Saint-Martin. Un trésor à cajoler à tout prix. Juste derrière le front de mer, Front Street vit au rythme des bateaux de croisière, ces mastodontes pouvant transporter jusqu’à 6 000 personnes. Des Américains en majorité, venus se prélasser sur les plus belles plages des Caraïbes, se balader en quad, faire du jet ski et remplir leurs valises
de produits détaxés. Alcools, cigarettes, linge de maison, diamants… La rue la plus commerçante de Sint Maarten est particulièrement fournie en bijouteries. « Les croisiéristes, c’est nos assurances ! Ils sont toujours les premiers à revenir après un cyclone », lance Cornelius de Weever, le ministre du Tourisme. Malgré
un impact écologique négatif, ce tourisme de masse n’a cessé de progresser dans les Caraïbes. Avec 35 % de parts de marché, la région est de loin la première destination mondiale des navires de croisière, devant la Méditerranée (18 %). « Le tourisme est notre seule industrie, se défend le ministre. Nos invités passent en moyenne sept heures chez  nous et nous devons prendre soin d’eux. »

Des hôtels sur les plages

Saint-Martin est un cas à part. Depuis 1648, elle est séparée en deux par une frontière invisible. Au sud, la partie hollandaise, son ballet de paquebots, ses grands hôtels et son aéroport international. Au nord, la partie française, sa marina, ses résidences hôtelières… et son chômage record (environ 30 %). Concurrentes sur un territoire à peine plus grand que l’île de Ré, les deux parties jouent dans la même cour, mais pas avec les mêmes règles. Quand Saint-Martin est soumise aux normes européennes (et françaises) en matière d’urbanisme, Sint Maarten en est exonéré. De quoi entretenir, côté français, un sentiment d’injustice. En 2016, 95 % des 2,3 millions de touristes accueillis sur l’île sont arrivés côté hollandais.

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Dans Front street, les bijoutiers se livrent une concurrence effrénée pour attirer les touristes. ©Samy Archimède/CCAS

Pourtant, Irma semble avoir rapproché les deux concurrents qui viennent de signer un contrat de coopération économique. « C’est une grande première, se réjouit Cornelius de Weever. Nous avons décidé de promouvoir notre île ensemble et non plus chacun de notre côté. » Mais pour Daniel Gibbs, président (Les Républicains) de la collectivité de Saint-Martin (1), le vrai combat à mener, côté français, concerne les réglementations qui, selon lui, entravent le développement économique : « Nous vivons à 95 % du tourisme. Je ne vois pas comment continuer à interdire la reconstruction des hôtels sur nos plages alors que tout autour nos concurrents – Sint Maarten, les îles Vierges ou Anguilla – peuvent le faire. » Tout en affirmant son attachement au respect des lois qui protègent le littoral, Daniel Gibbs compte obtenir le soutien de l’État pour voir arriver à Saint-Martin un terminal de croisières et une marina en eaux profondes.

Côté hollandais, l’optimisme affiché est encore plus marqué. « L’ouragan Irma a été un mal pour un bien, assure Cornelius de Weever. Nous allons agrandir notre port et reconstruire des hôtels plus grands, de meilleur standing et plus solides. J’y crois fermement. D’ici à la fin du deuxième trimestre 2019, nous devrions avoir récupéré la totalité de notre capacité hôtelière. » À l’entrée de Great Bay, à Philipsburg, un grand chantier est en cours sur les décombres du Great Bay Beach Resort et ses 400 chambres : la construction d’un grand complexe Planet Hollywood. Pour les grandes enseignes, Sint Maarten reste, malgré les cyclones, the place to be.

(1) Rattachée à la Guadeloupe jusqu’en 2007, Saint-Martin est devenue une collectivité disposant d’une autonomie en matière de fiscalité et d’urbanisme.

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