En dépit de la crise inédite qui secoue le secteur, un tourisme plus respectueux des hommes et de la nature est en train d’émerger, estime Caroline Mignon, directrice de l’association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES), partenaire des Activités Sociales.
Que représente aujourd’hui le tourisme durable, cette forme de tourisme qui se veut plus proche des hommes et de la nature ?
Caroline Mignon – Aujourd’hui, il n’y a pas d’indicateurs qui mesurent la part du tourisme durable dans le secteur du tourisme et son impact positif sur les territoires et les populations. C’est une de nos revendications. L’ATES fait partie du collectif « Acteurs pour un tourisme durable », qui regroupe la plupart des acteurs du secteur, et qui est depuis deux ans l’interlocuteur privilégié des instances touristiques nationales. Nous commençons enfin à être entendus.
Avec la crise sanitaire qui se prolonge, les Français vont-ils privilégier les vacances de proximité plutôt que les séjours à l’étranger ?
Caroline Mignon – Je n’en suis pas sûre. Mais je suis assez optimiste pour les années à venir. Je pense que le tourisme durable a un vrai rôle à jouer. Si le secteur touristique se sort de la crise actuelle, je crois que les valeurs que nous portons auront de plus en plus la cote. Ce que nous proposons peut vraiment avoir un écho favorable auprès des consommateurs : voyager au plus près des habitants plutôt que dans des gros clubs peu soucieux des conditions de travail de leurs salariés ; soutenir les artisans et commerçants locaux, etc.
Dans l’immédiat, craignez-vous que certains de vos membres ne survivent pas à cette crise ?
Caroline Mignon – Les adhérents de l’ATES sont un peu des artisans du voyage. Ce sont des microstructures qui, je pense, sont un peu plus résilientes que les grosses. Par ailleurs, les partenaires avec lesquels nous travaillons à l’étranger ont souvent une autre activité qui leur permet de maintenir un revenu même quand il n’y a pas de touristes. Nous luttons contre la mono-activité touristique qui crée souvent une dépendance dangereuse pour les populations concernées.
« Dans le tourisme comme dans d’autres secteurs, comme l’alimentation, quand le produit n’est vraiment pas cher, c’est qu’il y a un loup derrière. »
Le prix est souvent déterminant dans le choix de la destination ou du type de vacances. Le tourisme responsable peut-il concurrencer le low-cost ?
Caroline Mignon – C’est ce que nous faisons déjà ! Nous luttons contre le fait de considérer le tourisme comme un bien de consommation classique. Pour nous, un grand voyage doit rester quelque chose d’exceptionnel du fait de son fort impact environnemental. L’impact environnemental est d’ailleurs une question que de plus en plus de gens se posent. Nous ne disons pas « ne voyagez plus » ! Nous disons : « voyagez mieux » ! On peut voyager moins souvent à l’étranger mais sur des séjours plus longs.
Dans le tourisme comme dans d’autres secteurs, comme l’alimentation, quand le produit n’est vraiment pas cher, c’est qu’il y a un loup derrière : des gens mal payés, exploités, qui travaillent dans des conditions difficiles… D’un autre côté, le voyage a aussi beaucoup d’impacts positifs. Il favorise la paix, la compréhension entre les peuples, la rencontre avec l’autre. Il aide les économies locales à se développer. Ce que nous voulons, à l’ATES, c’est que cet argent aille aux bonnes personnes, c’est-à-dire plutôt à des prestataires locaux plutôt qu’à des grands groupes internationaux.
Y a-t-il un lien entre tourisme durable et tourisme social ?
Caroline Mignon – Bien sûr ! On réduit souvent le tourisme social à des programmes d’aide au départ en vacances. Mais il consiste aussi à se demander qui on fait partir en vacances. La dimension sociale concerne également la destination : s’il s’agit de faire partir des groupes à prix bradés dans des clubs, on n’est plus dans le tourisme social.
Un acteur comme la CCAS permet justement à ses ayants droit de voyager en passant par d’autres opérateurs, comme les membres de l’ATES, grâce à des aides financières. Et de partir en Thaïlande, au Cambodge, au Kirghizistan, au Pérou… L’ATES est aussi membre de l’UNAT (Union nationale des associations de tourisme et de plein air). C’est même l’UNAT qui est à l’origine de notre association.
Vous êtes aussi en train de développer une offre dans l’Hexagone…
Caroline Mignon – Oui, nous avons commencé il y a trois ans à travailler sur un label tourisme équitable en France. Nous nous sommes dit qu’il était dommage de valoriser des démarches vertueuses à l’international et de ne pas le faire chez nous. Nous partageons cette orientation avec la CCAS.
En octobre dernier, vous avez lancé « Fair Breizh », premier label de tourisme équitable en Bretagne. Allez-vous reproduire cette initiative dans d’autres régions ?
Caroline Mignon – Je l’espère ! C’est l’un des enjeux majeurs du moment. Mais, bien entendu, nous n’abandonnons pas notre offre internationale car nous restons dans le champ de la solidarité internationale, avec l’idée de faire du tourisme un levier de développement dans les pays qui en bénéficient peu ou pas de la bonne manière.
L’ATES en bref
L’association pour le tourisme équitable et solidaire (ATES) est un réseau d’acteurs du tourisme équitable et solidaire (Visions du monde, Culture contact, Accueil paysan…) qui considèrent le tourisme comme un levier de développement et de solidarité avec les populations locales. Ils proposent, en France et dans le monde, des séjours aux antipodes du tourisme de masse :
- en petit groupe, loin des grands complexes hôteliers
- chez l’habitant ou dans des petites structures
- dans le respect des populations et de leur environnement
- en favorisant l’économie locale
- en finançant des projets de développement locaux
Site internet : www.tourismesolidaire.org