Une boîte étanche percée d’un trou : voilà le principe du sténopé, dispositif photographique argentique, artisanal et instantané. Les ados en colo Sports mécaniques et Équitation, à Mesquer (Loire-Atlantique), ont pu pratiquer cette technique photographique entre le 11 et 14 juillet dernier, encadrés par deux spécialistes des techniques argentiques. Zoom sur cette pratique ancestrale et accessible à tous, qu’il est temps de dépoussiérer à l’ère du tout digital.
« Je n’avais jamais vu ça de ma vie, j’ignorais même complètement que ça existait ! Je trouve ça beau et rare ». Ylann, 13 ans, vient de se photographier à l’aide d’une boîte à café étanche à la lumière et munie d’un trou minuscule. Facile à faire soi-même et à utiliser, ce dispositif photographique appelé sténopé, permet en quelques minutes de réaliser un cliché, de le développer et de tenir ensuite le résultat entre ses mains.
Les autres tirages sont étendus sur le fil à linge et volent au vent, la chambre noire mobile permettant de développer les sténopés est dressée, les boîtes à cafés sont prêtes à être utilisées et d’étranges appareils trônent dans l’herbe. Près des tentes jaunes et bleues, tandis que la matinée est déjà bien avancée, Charles Crié et Alain Paris, photographes et amis de longue date, passionnés de procédés alternatifs, préparent leur matériel pour la première étape de La caravane photo, atelier itinérant proposé pour la deuxième fois aux agents et leur famille en vacances estivales avec la CCAS.
Mines concentrées, un brin impressionnés, les ados écoutent avec attention nos deux acolytes présenter leurs deux dispositifs : à g. Charles et l’Afghan Box, à dr. Alain et le sténopé. ©Pierre Charriau/CCAS
Pendant trois jours, à Mesquer, les deux compères vont familiariser les jeunes en colo avec le sténopé, et leur faire découvrir l’Afghan Box. Aussi appelée Street Box, cette chambre photographique ambulante fait également office de chambre noire. Objet unique construit de leurs mains à base de petites pièces sans valeur, il intrigue par ses dimensions imposantes et son aspect bricolé.
Charles et Alain défendent ce qu’on appelle la Slow photography, c’est-à-dire une photographie où l’on prend le temps de penser au cadre, à la composition de l’image, ce qui suscite la rencontre entre les individus. Là où les réseaux sociaux prônent une certaine instantanéité et un culte de l’image parfaite, et peuvent nous isoler physiquement les uns des autres, la Slow photography incite à travailler plus lentement, manuellement et dans le dialogue.
« C’est stylé, parce que c’est comme ils faisaient avant. », s’enthousiasme Karel, 12 ans. « On n’a pas besoin de téléphone ou d’appareil photo avec une énorme carte mémoire, juste de papier, de lumière, de soleil, et d’à peine 1 minute 30 ! C’est même plus simple qu’avec un téléphone ! », poursuit-il.
C’est parti pour un selfie dans l’herbe… sans bouger ! Qui pose, où et combien de temps ; photographier au sténopé est un vrai travail d’équipe qui nécessite de la réflexion. ©Pierre Charriau/CCAS
Ce qui fascine aussi les jeunes, c’est bien la magie de l’accident et l’idée d’un cliché unique, loin des photos de smartphone que l’on peut accumuler à foison. Ici, les choix sont mesurés, et il n’y pas de retouches possibles. Pour Camille, 12 ans : » Sur nos téléphones, on supprime les photos qui ne nous plaisent pas, mais ici c’est la surprise ! On ne cherche pas la perfection.” « Les photos en papier qu’on a entre les mains, on n’est pas sûrs de les réussir. Donc quand c’est le cas, ça procure une sensation de joie. En plus ça fait un super souvenir !”, renchérit Ainhoa, 12 ans. Certains ados vont même jusqu’à aimer leurs photos ratées.
À la fois derrière et devant l’objectif, les jeunes doivent rester statiques sous peine de créer une surimpression (qui a aussi son petit effet !). Une fois la photographie développée, certains ne se reconnaissent pas. Les rires fusent : « C’est quoi ça ? », se demandent-ils. Face à ces photos étranges, en noir et blanc, qui semblent provenir d’un autre temps, Justine, 14 ans, s’épanche : « J’ai l’impression qu’on retourne dans le passé. Ça me fait penser aux photographies avec ma mamie ! »
La caravane photo : un projet tourné vers l’humain
Si les jeunes découvrent pour la première fois le sténopé et l’Afghan Box, le projet vit déjà depuis quelques années. Animés par la volonté de redonner ses lettres de noblesse à la photographie et de la réveiller, Charles et Alain se lancent dans le projet de La caravane photo, grâce à une rencontre artistique avec Frédéric Tréhin, agent EDF ayant réalisé en 2017 un atelier streetbox avec des migrants accueillis à Saint-Brévin. L’échange entre photographe et photographié y est apparu comme primordial.
En 2019, Charles et Alain sillonnent donc la France entière à la rencontre des bénéficiaires, de Nantes à Saint-Cyprien, en concluant par le festival Contre Courant en Avignon. Le succès fut au rendez-vous pour cette première édition, initié par Christophe Vanhoutte, alors président de la Commission culture de la CCAS. Cette année, le projet est reconduit avec l’appui de Delphine Idier, trésorière générale de la CCAS et nouvelle élue de la culture et avec le soutien de la CMCAS Haute-Bretagne. Tout l’été, les deux aficionados partent à la rencontre des bénéficiaires en vacances en Bretagne, Normandie et Pays de Loire, et leur font découvrir la photographie alternative… Une belle manière de célébrer les 75 ans des Activités Sociales !
Découvrir sa photo réalisée quelques minutes plus tôt : l’appréhension mêlée à l’excitation ! © La caravane photo et Pierre Charriau/CCAS
Habitués aux photos entièrement numériques, l’aspect matériel de la photographie reste important pour les ados. Anne, 14 ans, avoue régulièrement télécharger ses photos sur une clef USB, par peur de les perdre. Quant à Leeloo, 14 ans, elle les imprime. Le sténopé, c’est donc pour eux une nouvelle occasion de se créer de beaux souvenirs : avoir l’objet en main, le donner à un ami, l’encadrer comme le propose Karel… et raconter qu’on l’a fait en colo.
Le sténopé aura réussi pendant plusieurs jours à captiver filles et garçons, dans une bonne humeur communicative. Tandis que certains envisagent déjà d’en refaire chez eux, d’autres comme Justine aiment cependant que cela reste des moments uniques en colonie, encadrés par des professionnels. Quant à la caravane photo, elle poursuit sa route cet été, et sera du 22 au 24 août au Pouldu avec les 9-14 ans de la colo Voile, Équitation, Sports et du 25 au 28 août au village vacances de Morgat.
Le sténopé : ça vous branche ?
Le concours photo national Émoi d’images, organisé par les PARLE (Les Pratiques Amateurs aux Rendez-vous de la Lecture et de l’Écriture) comporte cette année quatre thématiques dont une dédiée au sténopé. L’occasion pour les ados d’envoyer leurs plus beaux clichés !
Les gagnants du concours se verront offrir un kit sténopé et le catalogue de l’exposition de photographie internationale du Mucem, Civilization – Quelle époque, réalisé par William A. Ewing, qui présente le travail de plus de 100 photographes d’Asie, d’Australie, d’Afrique et du continent américain. Cet ouvrage permet de faire côtoyer jeunes talents et photographes renommés.
Plus d’infos sur ccas.fr > rubrique Culture et loisirs > Parle
En savoir plus sur la Caravane photo
Tags: À la une Article phare Colos Éducation populaire Jeunes Photographie Pratiques amateurs