Élodie Font, journaliste, a relaté dans un podcast puis un roman graphique comment elle a accepté son homosexualité et ainsi fait son « coming in », là où le « coming out » consiste à la révéler aux autres. Un parcours intime plutôt difficile, et qui prend du temps.
Propos recueillis par Apolline et Julitte, de la colo Journalistes en herbe, en juillet 2022
➥ En savoir plus sur la colo Journalistes en herbe
À lire
« Coming in », roman graphique d’Élodie Font et Carole Maurel (illustration), Payot Graphic, 2021, 144 p.
➥ Ce livre a été sélectionné par la CCAS pour ses bibliothèques et sa Librairie : connectez-vous sur ccas.fr (NIA et mot de passe) oui commandez-le sur ccas.fr > rubrique Culture > Librairie au tarif de 14,25 € (au lieu de 18 euros).
Y a-t-il une part de fiction dans Coming in ?
Élodie Font – Tout est vrai, mais des scènes ont été raccourcies ou modifiées, pour que la lecture soit plus fluide. Par exemple, la rupture avec ma première copine aurait pris trois pages. [Rires.] Par ailleurs, quelques passages de mon « coming in » n’y figurent pas : on ne voit que ma mère et mes grand-mères, mais pas les membres de ma famille qui ont eu des réactions moins heureuses et s’en souviennent à peine aujourd’hui.
Pourquoi parler publiquement de votre parcours intime ?
Je fais de la radio : je fais plutôt parler les autres. Le fait est que l’on entend souvent parler du coming out, mais peu de l’étape d’avant, qui est d’accepter soi-même son homosexualité. J’ai donc recherché des témoignages, et ça a été l’avalanche. Le podcast « Coming in » est sorti en 2017. Ça a donc été une sorte de coming out public, que je n’avais jamais fait par simple manque d’envie et de besoin : je ne suis pas très connue. [Rires.]
Quel impact a eu ce coming out sur votre vie ?
Ma vie a complètement changé après ce podcast, qui a d’ailleurs très bien marché : j’ai reçu des centaines de messages de filles et de mamans – mais pas beaucoup de papas [rires] – me remerciant de leur permettre de mieux comprendre leur situation. Il y avait un vrai besoin de cette histoire.
Ensuite, c’est grâce à ce podcast que j’ai retrouvé mon premier amour, qui est aujourd’hui mon épouse et l’autre maman d’Élio, notre fils de bientôt 1 an. J’étais d’ailleurs enceinte lors de l’impression du livre ; je ferai peut-être un tome 2, sur l’homoparentalité. [Rires.]
Quel a été le déclic pour vous accepter comme lesbienne ?
Une vingtaine d’amies très différentes m’ont dit qu’elles pensaient que je l’étais. J’ai donc fini par m’interroger sur ce que je renvoyais, et ce que j’étais. Je me suis replongée dans mon journal intime du lycée, dans lequel je me pose des questions, où je parle de l’effet que m’a fait cette fille dans ce téléfilm [rires] ou de cette première rencontre dont je parle dans la bande dessinée… C’est tout cela qui a fait que je ne pouvais plus faire semblant.
Rencontrez-vous encore des remarques homophobes ?
Peu, car je me suis entourée de personnes qui savent que je suis lesbienne – et qui m’épargnent donc les remarques homophobes qu’on lance en pensant que tout le monde est hétéro autour – et je travaille, tout comme ma compagne, dans un milieu, le journalisme, où il est plus facile d’être « out ». Par contre, je subis comme tout le monde l’homophobie ordinaire de la société.
Aujourd’hui, vous assumez entièrement votre homosexualité ?
Oui complètement, même si je n’aime pas trop le mot « assumer ». Mais le pire mot, à ne jamais employer, c’est : « avouer » ! On n’avoue pas son homosexualité, ce n’est ni un crime ni un délit ! Je l’accepte, tout simplement. D’ailleurs, lorsqu’on met un enfant au monde, on doit être au clair avec soi. Et puis, quand on parle de nos relations amoureuses entre copines, ou de nos enfants, on s’aperçoit qu’on vit toutes les mêmes choses : on se parle d’amour.
Quel message voulez-vous faire passer avec votre travail ?
Je souhaite dire aux gens qui m’écoutent ou me lisent : vous n’êtes pas seuls ! Quand j’avais votre âge [de 12 à 16 ans, ndlr], il existait zéro visibilité lesbienne : personne n’en parlait, il n’y avait rien à quoi se raccrocher. Eh bien, pour identifier ce qu’on ressent quand ça n’existe pas autour de soi, c’est très compliqué. Et même si votre génération et celle de vos enfants vivront un monde dans lequel ce sera banal, je remarque, notamment quand j’interviens dans des lycées, qu’il est plus facile d’en parler « en général » que lorsqu’on est soi-même concerné : cela reste difficile à accepter pour soi. Ma pierre à l’édifice est d’aider les jeunes à identifier ce qu’ils ressentent. Mon message est donc : si cela vous arrive, ce n’est pas grave, on vit très bien avec ! [Rires.]
Vous avez dit LGBTQIA+ ?
Différentes formes de sexualité et de genre s’affirment aujourd’hui pour témoigner qu’il existe autre chose que la norme hétérosexuelle et l’identité binaire homme-femme. Elles sont rassemblées dans l’acronyme LGBTQIA+. Explications.
- L pour… lesbienne, fille qui est attirée par une autre fille
- G pour… gay, garçon qui est attiré par un autre garçon
- B pour… bisexuel·le, personne qui est attirée par les deux genres, masculin et féminin
- T pour… transgenre, personne née homme ou née femme et qui ne se sent pas appartenir à ce genre. Une personne trans n’a pas forcément changé de sexe génital ou à l’état civil
- Q pour… queer, personne qui ne se reconnaît pas dans la sexualité hétérosexuelle ou qui ne se sent pas appartenir à un genre défini
- I pour… intersexe, personne née avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires du sexe
- A pour… asexuel·le, personne qui ne manifeste aucun désir sexuel pour autrui
- + pour… ce caractère englobe un ensemble de réalités de type aromantique (ne pas ressentir de sentiment amoureux), pansexuel·le (personne qui revendique une attirance pour n’importe quel genre ou sexe)…
Texte : Marianne, de la colo Journalistes en herbe (Mende, juillet 2022)
Tags: Bande dessinée Droits LGBT