Alerte black-out : à Savines, on imagine la France dans le noir

Alerte black-out : à Savines, on imagine la France dans le noir | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 46302 Debat ActEthique Savines le lac

Débat « La France dans le noir et dans le froid, mythe ou réalité ? », avec Sylvain Miralles, secrétaire CGT du comité d’établissement de l’unité production Méditerranée (à g.) et Stéphane Bon-Mardion, secrétaire du comité d’établissement du centre d’ingénierie hydraulique EDF de Chambéry (à dr.), le 9 mars 2018 à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes). ©Joseph Marando/CCAS

La France dans le noir : un scénario-catastrophe que beaucoup considèrent, et depuis longtemps, comme relevant de la science-fiction, mais que le comité central d’entreprise d’EDF n’estime plus si absurde.

La campagne lancée fin 2017 par le Comité central d’entreprise d’EDF SA recensait les éléments inquiétants qui pourraient faire basculer la France dans le cauchemar d’une panne géante d’électricité. En cause : le projet de fermeture de moyens de production dans le thermique, le nucléaire ou le gaz. Côté hydraulique, le découplage de certains barrages du système intégré d’énergie, via la privatisation, inquiète tout autant, faisant d’un récit d’anticipation une possible réalité… dès demain.

Au cours des dernières vacances d’hiver, les Activités Sociales ont donc lancé le débat auprès des agents et de leurs familles dans les centres de vacances de Morillon (Haute-Savoie), de Super-Besse (Puy-de-Dôme) et de Beaufort (Savoie). À Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), le 9 mars dernier, deux agents avaient rendez-vous avec les collègues et leurs familles : Sylvain Miralles, agent à l’usine hydroélectrique de Sainte-Tulle et secrétaire du comité d’établissement de l’unité de production Méditerranée, et Stéphane Bon-Mardion, agent du centre d’ingénierie hydraulique EDF de Chambéry et secrétaire du comité d’établissement. Ils étaient invités par la CCAS dans le cadre des Act’éthiques, rencontres culturelles et d’éducation populaire programmées dans ses centres de vacances été comme hiver.

Devoir d’alerte

Le soleil se couche sur Savines et sur le paysage lunaire qu’offrent en ce mois de mars les rives du lac de Serre-Ponçon, vide, ou quasiment, comme il ne l’a jamais été depuis 1984. La pointe de production cet hiver, les exportations d’électricité vers l’Italie et la prévention des risques de crues à la fonte des neiges tombées en abondance sur les sommets de la vallée ont eu raison de ces eaux dont EDF promet le retour à un niveau habituel en juillet, pour la saison estivale.

En ce dernier jour de vacances d’hiver, une quinzaine de collègues et leurs familles, qui s’apprêtent à boucler leurs valises, forment le public du débat au centre de vacances. « Le barrage de Serre-Ponçon, construit en 1961, est la plus grande retenue d’eau d’Europe, entame Sylvain Miralles en préambule. C’est un peu le château d’eau de la Provence, mais c’est aussi à partir de lui qu’est géré le niveau de la Durance tout au long de l’année. » Eau potable, irrigation des cultures et activités de loisirs viennent s’ajouter à la production électrique. « Nous sommes à peu près 500 agents d’ici à l’étang de Berre, près de Marseille, à travailler sur les ouvrages qui produisent chaque année 2 200 MW, soit 10 à 15 % de la production hydraulique nationale. »

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Le mix énergétique. ©Joseph Marando/CCAS

Le 15 novembre dernier, les élus du CCE d’EDF exerçaient leur « devoir d’alerte » sur les risques de coupures électriques. Dans leur communiqué, ils notaient : « Depuis l’hiver dernier, les centrales thermiques au fioul ont été fermées par EDF, pour cause de rentabilité insuffisante, ce qui fait un manque à produire de 2 400 MW. RTE, dans un communiqué de presse du 7 novembre 2017, indiquait qu’il ’pourrait être amené à prendre des mesures exceptionnelles, allant jusqu’à des coupures programmées cet hiver’. »

En cause : la dégradation de la capacité à assurer la sécurité d’approvisionnement par les parcs de production hexagonaux. L’expertise réalisée par l’Institut Énergie et Développement (IED), sur demande du CCE, démontre que les risques de rupture de fourniture deviennent inévitables : « D’une part, des moyens de productions pilotables thermiques, nucléaires et fossiles, dont la puissance est garantie au moment nécessaire, sont fermés ou condamnés à court terme, et ce malgré les avis négatifs des représentants du personnel unanimes. D’autre part, si la capacité installée de production d’électricité augmente, ce n’est qu’au travers du développement de nouveaux moyens de production centrés sur les énergies renouvelables intermittentes et non pilotables (photovoltaïque et éolien). Ces moyens avec un taux de disponibilité de 15 à 25% sont pas ou peu mobilisables à la pointe. »

Journal édité par les Comités centraux des entreprises Enedis, EDF SA et GRDF : https://bit.ly/2EjmRi8

La semaine précédente, la France connaissait certainement sa pointe de consommation hivernale : « Le 28 février dernier, nous avons vécu une pointe de consommation hivernale de 95 264 MW aux alentours de 19 heures, d’après l’outil de visualisation Éco2mix, explique Stéphane Bon-Mardion. Le parc hydroélectrique fonctionnait à plein. Cette énergie stockée dans nos vallées peut être injectée dans le réseau en trois minutes ! On comprend, soulignait-il, que cette filière suscite bien des appétits… »

Logique industrielle ou financière ?

D’autre part, si la capacité installée de production d’électricité augmente, ce n’est, note l’étude de l’IED, « qu’au travers du développement de nouveaux moyens de production centrés sur les énergies renouvelables intermittentes et non pilotables (photovoltaïque et éolien). Ces moyens, avec un taux de disponibilité de 15 à 25 %, sont pas ou peu mobilisables à la pointe. Par ailleurs, l’appel aux pays limitrophes via les interconnexions est techniquement limité et les aléas climatiques les frappent souvent aux mêmes périodes (le 25 janvier 2017 à 19 heures, par exemple, il n’y avait presque pas de vent ni en France, ni en Allemagne…) ».

Au terme de la soirée, une question émerge : celle de l’affrontement entre deux logiques, « l’une, industrielle, qui privilégie l’investissement dans la maintenance, la recherche et la continuité du service, et l’autre, financière, qui privilégie le marché et croit en sa capacité à surmonter tous les aléas », concluait Sylvain Miralles.

Au cœur des vallées des Alpes, de Dordogne ou des Pyrénées, en Bretagne comme sur le Rhin, quelque chose des débats que suscite le sort réservé aux barrages hydroélectriques français pourrait bien irriguer très prochainement celui d’une construction européenne de l’énergie.

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Les deux intervenants en compagnie de Franck Barailler (au centre), président de la CMCAS Gap Alpes-du-Sud. ©Joseph Marando/CCAS

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