Défense du service public de l’énergie, enquête dessinée sur les « racailles inciviques » du 16e arrondissement de Paris, romans sur le travail ou pour les ados… Zoom sur quelques livres et auteur·es présent·es au Salon du livre d’Arras qui a ainsi honoré, comme chaque 1er Mai, ses deux revendications, expression populaire et critique sociale, en partenariat avec la CMCAS Nord-Pas-de-Calais.
Lors de la 17e édition du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale, festival qui se tient chaque 1er mai sur les places d’Arras dans le Pas-de-Calais, l’esprit était à la défense des services publics sous le chapiteau des partenaires. Bien en évidence sur le stand de la CMCAS Nord-Pas-de-Calais, un dépliant intitulé « Pour un service public de l’énergie et pour l’intérêt général » invite les visiteurs à signer une pétition dénonçant la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité consécutive à la privatisation du secteur. « Parce que le service public, c’est la seule richesse des plus pauvres », explique Henri Tobo, président de la commission territoriale et gazier à l’origine du partenariat entre les Activités Sociales et le festival, qui n’a raté aucune édition du Salon du livre d’Arras depuis dix-sept ans.
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Également sur la table, le livre « Avis, vies de tempête », qui retrace le formidable élan de solidarité entre les agents de toute la France qui se sont mobilisés et relayés lors de la tempête de Noël 1999 pour rétablir le courant chez les usagers des zones sinistrées. Une aventure humaine et professionnelle dont se souvient l’ancien président de la CMCAS Béthune-Arras (désormais rattachée à la CMCAS Nord-Pas-de-Calais) : « Ce livre est le fruit de la collaboration de l’écrivain Jean-Pierre Spilmont avec des agents mobilisés en urgence, et ceux qui les ont accueillis. C’est important que les salariés des Industries électriques et gazières puissent raconter eux-mêmes leur histoire. C’est tout le sens des actions d’éducation populaire que nous menons à la CCAS. »
Mobilisation des agents EDF pour la remise en état du réseau électrique endommagé lors de la tempête, JT du soir, France 3 Reims, 27 décembre 1999. Source : ina.fr
Ce livre est aussi la preuve, s’il en était besoin, du dévouement des électricien·nes et gazier·ères et de leur attachement au service public et à l’égal accès à l’énergie pour tous et toutes sur l’ensemble du territoire. « C’est bien pour cela que nous l’avons mis en avant car, même s’il date de 2001, ce livre est toujours d’actualité, et ce n’est pas ma voisine qui dira le contraire », précise l’ancien gazier en se tournant vers la représentante du comité d’entreprise des cheminots, qui occupe le stand jouxtant celui des Activités Sociales. « Nous sommes les deux partenaires historiques du Salon du livre d’Arras. Et nous n’avons pas attendu 2018 pour faire ’table et luttes communes’ », précise Henri Tobo, qui, cette année, a lâché le stand « crêpes » où il s’était pourtant taillé une solide réputation auprès des gourmands.
Mais c’est pour la bonne cause : il s’apprête à rejoindre le chapiteau des débats pour animer une rencontre avec les sociologues Michel et Monique Pinçon-Charlot, eux aussi habitués des 1er Mai arrageois. Ils signent à la chaîne leur dernier ouvrage, « Panique dans le 16e« , une enquête sociologique dessinée par Étienne Lécroart, qui revient sur la réunion parisienne du 16 mars 2016, destinée à présenter aux riverains un projet de centre d’hébergement d’urgence dans le très chic et très riche 16e arrondissement de Paris.
Pour protester contre cette intrusion de la réalité sociale du pays dans leur havre de paix et de prospérité, les grands bourgeois du 16e se comportent comme les « racailles inciviques et violentes » qu’ils sont si prompts à dénoncer et provoquent une véritable émeute ! À partir de cette explosion de violence qui a choqué l’opinion publique, les sociologues, spécialistes de la grande richesse, dévoilent avec humour les enjeux et les dessous de cette mobilisation des très riches pour protéger l’entre-soi indispensable au maintien de leur position de classe.
Une auteure en tournée dans les colos CCAS
Sous le chapiteau des auteurs, du côté de la littérature jeunesse, la crinière blonde de Catherine Grive et son léger accent québécois la rendent immédiatement repérable parmi ses pairs, qui signent leurs livres. L’auteure de « La fille qui mentait pour de vrai » et de « la Plus Grande Chance de ma vie », des romans destinés aux 10-14 ans, sera en tournée dans les colos de la CCAS cet été pour rencontrer ses jeunes lecteurs et lectrices.
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Une « aventure » qu’elle attend avec impatience, « tout particulièrement pour avoir le ressenti des ados sur mon livre où il est question de la chance… À partir d’une question assez intime, voire anecdotique, on peut dériver sur des questions plus profondes, comme les inégalités, en fonction du continent où l’on est né ou de son origine sociale » précise Catherine Grive qui a également publié « Reste le chagrin », un roman pour adultes retraçant le voyage en paquebot depuis New York d’un groupe de femmes et de mères de soldats américains morts pour la France durant la Première Guerre mondiale.
Le prix Amila-Meckert remis à un polar drolatique
Bien sûr, le Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale d’Arras, c’est aussi le prix Amila-Meckert, créé en 2005 par le conseil général du Pas-de-Calais et l’association Colères du présent, organisatrice du salon. Remis cette année par Natacha Appanah, la lauréate de l’édition 2017, il a récompensé Jacky Schwartzmann, pour « Demain c’est loin », un polar sous haute tension mettant en scène François Feldman, un petit gars de banlieue qui tente de s’en sortir en montant une boutique de tee-shirts humoristiques, et Julianne Bacardi, qui n’est autre que sa banquière… « Entre elle et moi, de sales petites bestioles ne cessaient de se reproduire et de pourrir notre relation, ces sales petites bêtes contre lesquelles nous ne sommes pas tous égaux : les agios », écrit l’auteur. Mais le rapport de force va s’inverser quand, un soir, François lui sauve la mise, un peu malgré lui, suite à un terrible accident… Ils vont devoir laisser leurs préjugés au bord de la route, faire front commun. Et c’est loin d’être gagné.
« Un nom de juif, une tête d’Arabe, le physique de Philip Seymour Hoffman et la domiciliation aux Buers, c’est ce qu’on peut appeler un mauvais départ dans la vie. C’est un peu comme si on me demandait de battre Usain Bolt à la vitesse, mais en moonwalk. »
(Extrait de « Demain c’est loin », lire la suite)
Comme son héros masculin, Jacky Schwartzmann est déterminé. Il a décidé, après deux ans d’études de philosophie, de devenir écrivain. En parallèle, il enchaîne les « boulots alimentaires » : éducateur, libraire, serveur, chef de rang dans la restauration, salarié dans un centre d’appels, et actuellement approvisionneur à General Electric. « C’est important car ces expériences ont nourri mes livres. C’est mon choix de vie. Pour écrire, il faut avoir quelque chose à raconter. Je ne crois pas au mythe de l’écrivain dans sa tour d’ivoire. On n’a rien à raconter si on ne connaît rien aux relations humaines… »
Pour aller plus loin
« Avis, vies de tempête », de Jean-Pierre Spilmont, éd. La passe du vent, 2001, 152 p., 14,50 euros.
« Panique dans le 16e« , de Monique et Michel Pinçon-Charlot, illustré par Étienne Leécroart, La ville brûle, 2017, 96 p., 16 euros.
« La Plus Grande Chance de ma vie », de Catherine Grive, Éditions du Rouergue, 2017, 138 p., 10,70 euros.
« Demain c’est loin », de Jacky Schwartzmann, Seuil, 2017, 192 p., 17 euros (version numérique : 11,99 euros).
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