Au Monastier, la projection de « l’Atelier » de Laurent Cantet fait débat

Au Monastier, la projection de "l'Atelier" de Laurent Cantet fait débat | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 66582 Projection suivie dun debat Le Monastier sur Gazeille

Projection-débat du film « l’Atelier » au Monastier-sur-Gazeille, animée par Cédric Lépine, critique cinéma, le 16 février 2019. ©Didier Delaine/ CCAS

Samedi 16 février, c’était soirée cinéma au Monastier-sur-Gazeille, avec la projection du film « l’Atelier » de Laurent Cantet, programmé dans le cadre des rencontres culturelles d’hiver de la CCAS. Pour les Charnay, bénéficiaires de la CMCAS Haute-Normandie, c’est l’occasion de débattre de sujets d’actualité et de société, en famille et avec les autres vacanciers.

« Le cinéma est une ouverture sur le monde. Il nous aide à comprendre l’état de la société », rappelle le critique de cinéma Cédric Lépine, en préambule de la séance de ce soir. Son rôle est de recueillir, à l’issue de la projection, les appréciations des spectateurs en vacances au Monastier, et d’apporter un éclairage sur la genèse du film. Dans quel contexte a-t-il été écrit ? Quelles sont les thématiques abordées ? Quel message le réalisateur a-t-il voulu partager ?

Le nouveau film de Laurent Cantet, auteur et réalisateur du célèbre « Entre les murs » (Palme d’or à Cannes en 2008), traite des préoccupations d’une jeunesse en errance dans une ville sinistrée, La Ciotat, par le biais d’un atelier d’écriture animé par une romancière parisienne, Olivia Dejazet (Marina Foïs). Les participants, sept jeunes en manque de repères, issus de l’immigration pour la plupart, sont en stage de réinsertion sociale.

Durant ce stage, censé les réconcilier avec la littérature et la culture, ils ont pour mission d’écrire un polar. C’est sans compter la radicalisation idéologique de l’un d’entre eux, Antoine, fasciné par les idées d’extrême droite qui pullulent sur la toile. Très vite, les rôles semblent distribués… « Pourquoi une écrivaine comme vous viendrait perdre son temps avec des gens comme nous ? », lâche le jeune homme. « Pour prendre du plaisir à construire quelque chose ensemble », justifie l’écrivaine aux jeunes incrédules.

La pseudo réussite de l’une se fracasse contre la défiance des gamins, « obligés de suivre ce stage ». Mais la confrontation des deux univers éloignés glisse rapidement vers un affrontement au sein même du groupe, stigmatisant Antoine.

Brèves d’un débat en famille

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Originaires du Havre, c’est en famille que les Charnay assistent à la projection. ©Didier Delaine/ CCAS

Dès le départ, le jeune homme intrigue, se démarque clairement de la bande des apprentis écrivains, pour s’en détacher totalement. « Antoine est le personnage à contre-courant du groupe, en marge de tous les autres, c’est pourquoi l’écrivaine est attirée, fascinée par lui », analyse Amaury, 15 ans. Les provocations d’Antoine amène les stagiaires à se fédérer contre lui jusqu’à l’exclure du groupe.

Quelle est la place de l’individu dans une équipe ? Comment respecter la personnalité, le vécu de chacun dans le collectif qui, par nature, gomme tout ce qui dépasse ? Comment un groupe hétérogène peut-il fait corps pour discriminer celui qui revendique une pensée divergente ? Autant de questions soulevées par le film.

« Antoine n’est pas la tête de turc du groupe, renchérit Loriane, 21 ans, étudiante dans les métiers du livre. Il choque les autres avec son texte sur le meurtre. Dès le début, il se distingue parce qu’il n’est et ne pense pas comme eux ».

Dans la salle obscure ou au bar, les débats vont bon train, tous âges confondus.

Si Antoine n’est pas, a priori, un gamin à problèmes, il semble souffrir de désœuvrement et d’isolement. Son mal-être justifie-t-il son intérêt pour les idées extrêmes ? Son malaise explique-t-il son envie irrépressible de fuir cette ville, d’aller voir ailleurs tandis que ses camarades d’écriture s’en accommodent ? De leur histoire individuelle, on en connaîtra peu d’ailleurs. « Le groupe se construit tout de même autour de la fiction du meurtre, de la destruction symbolisée par la ville sinistrée », note Éric, le père, agent EDF au Havre.

Une relation complexe se noue entre Antoine et l’écrivaine. « Elle ressent en lui des pulsions qui l’effraient, craignant qu’elles n’amènent à une tragédie », nuance son épouse Françoise, professeure de français. « ‘Vous vous intéressez à moi parce que je vous fais peur’, lance Antoine à la romancière, avant de l’accuser : ‘Vous vampirisez les gens pour ensuite faire du fric sur leur dos' ». Selon Amaury, l’écrivaine voit tout l’intérêt de l’utiliser comme personnage pour son propre roman. Antoine agira-t-il conformément à l’idée de ce que la romancière se fait de lui ?

Après la projection, les Charnay poursuivent la discussion au bar. « En centre famille ou en colo, j’apprécie les rencontres culturelles ! », conclut Amaury.


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