« Berline », ou l’histoire d’une seconde chance

Céline Righi, autrice de Berline, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023 et pour animer les Rencontres culturelles estivales.

Céline Righi, autrice de Berline, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023 et pour animer les Rencontres culturelles estivales. ©Stéphane Eberhard

« Berline » raconte comment Fernand, jeune mineur enfoui sous un éboulis, mesure l’absurdité de son existence, promettant de se libérer de tout ce qui lui a coupé les ailes. En tournée dans les villages vacances de la CCAS l’été prochain, Céline Righi proposera une lecture musicale de son roman, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023.


Berline, de Céline Righi, éd du SonneurL’histoire

À la suite d’un éboulement, Fernand est emprisonné au fond de la mine. Éprouvé par le choc, blessé, le mineur rembobine le film de sa courte vie. Ressurgit la douleur de l’enfant que sa mère détestait et qui l’a toujours empêché de vivre. Lui reviennent aussi les figures amies : le père, l’oncle et la tante si pleins d’amour pour lui, Mario, son fidèle copain, puis Martha, dont il est amoureux depuis toujours… Seul face à lui-même, Fernand dissèque sa vie et prend conscience des chaînes qui l’entravent.

« Berline », de Céline Righi, Les Éditions du Sonneur, 2022.

À lire en accès libre sur la Médiathèque des Activités Sociales et à commander sur la Librairie des Activités Sociales : 11,25 euros au lieu de 15 euros (tarif CCAS, frais de port offerts ou réduits, connexion au site ccas.fr requise).


Céline Righi : « L’histoire de Fernand est avant tout celle d’une révolte »

Comment est né le roman « Berline » ?

Céline Righi – J’avais ce roman en tête depuis quelques années déjà. « Berline » est née de deux éléments. D’abord, mes deux grands-pères travaillaient dans des mines de fer et de charbon en Lorraine. C’était important pour moi de situer mon roman dans cet univers pour leur rendre hommage ainsi qu’à tous les mineurs. Puis, je me suis inspirée d’un fait divers qui m’a bouleversée, que j’ai découvert en effectuant des recherches sur les catastrophes minières dans ma région. Franz Riva, un mineur, est resté enfoui quatre jours sous une berline [wagonnet de mine, ndlr], après l’effondrement d’une mine à Rochonvillers en 1919. Je me suis demandé à quoi cet homme avait bien pu penser durant tout ce temps, piégé sous ce wagonnet.

Coincé au fond de la mine, Fernand voit défiler le film de sa vie. De quoi prend-il conscience ?

Je suis très imprégnée de la philosophie d’Albert Camus. Je voulais avant tout montrer un personnage en décalage avec sa vie, avec la réalité, comme peut l’être Meursault dans « L’Étranger ». Je voulais montrer un personnage qui se retrouve face à l’absurdité de sa vie. Fernand ne voulait pas descendre dans la mine, or il y est piégé. Le jeune homme se rend compte qu’il a fait des choix absurdes par défaut, par dépit ou par peur. Il réalise qu’il a manqué de courage. Il comprend qu’il avait tout de même, d’une certaine façon, la liberté de dire non à cette vie que lui imposait sa mère.

Et finalement, parce qu’il a obéi, Fernand se retrouve dans une situation plus absurde encore : il va probablement mourir. Tant qu’il était à la surface, le jeune mineur n’avait pas conscience de tout cela. L’histoire de Fernand est avant tout celle d’une révolte, à la Camus. C’est le récit d’une renaissance, celle d’un être qui se réveille dans le noir. Un réveil avec une porte qui s’ouvre, comme une deuxième chance. C’est l’objet de ce livre, bien que « Berline » soit souvent perçu comme un roman social.

« Berline » raconte aussi le désarroi d’un enfant mal-aimé…

Fernand ne possède pas les bonnes cartes en arrivant au monde. C’est un enfant de remplacement. Il porte le même prénom que son frère aîné mort-né, en qui la mère avait placé toute son affection. Elle ne s’est jamais remise de cette perte. Elle n’a jamais aimé Fernand. Ce dernier souffre d’un sentiment culpabilité, insidieusement transmis par sa mère, distillé comme un poison, par ses silences lourds de sens, son absence d’amour et ses reproches incessants. En fait, elle lui reproche d’être en vie tout simplement. Et Fernand va vivre avec cette chape de plomb en permanence. D’ailleurs, cela se traduit même physiquement : il est malingre, chétif, rabougri. Il n’ose pas vivre pleinement. Sa mère l’en empêche constamment. À cause d’elle, Fernand se sent sous-vivre.

« Berline » montre la mine qui emprisonne les corps, mais le roman évoque d’autres prisons plus insidieuses…

« Berline » parle de l’enfermement physique mais aussi des carcans psychiques dans lesquels on se trouve coincé. La dimension symbolique m’intéresse toujours beaucoup lorsque j’écris. L’emprisonnement psychique de Fernand dans sa vie de tous les jours fait effectivement écho à celui dans la mine.

La mère, elle-aussi, est claquemurée dans sa douleur d’avoir perdu ce premier fils. Elle est prisonnière de ses représentations, du regard des autres. Elle exige de son fils qu’il suive la voie toute tracée de ses père et grands-pères et devienne mineur, parce que c’est comme ça, et par peur du qu’en-dira-t-on. Et donc Fernand lui obéit.

Peut-on éprouver de la compassion pour cette marâtre ?

Oui, on peut éprouver de la compassion pour cette marâtre simplement parce qu’elle est un être humain, donc complexe comme tout être humain. Sa méchanceté est générée par son malheur.

Là encore, je rejoins Camus. Pour moi, chaque humain contient en lui toutes les possibilités, le pire comme le meilleur. Cette méchanceté, ici exacerbée, existe en chacun de nous. J’essaie toujours d’avoir un regard d’indulgence, de bienveillance et de compréhension envers mes congénères. C’est ce que l’on retrouve dans la philosophie de Camus, un grand amour pour l’humanité dans tout ce qu’elle a de contradictoire.


Des livres à lire, des auteurs à rencontrer

"Berline", ou l'histoire d'une seconde chance | Journal des Activités Sociales de l'énergie | culture 2023Tout l’été, retrouvez les livres de la sélection littéraire CCAS dans les bibliothèques de vos villages vacances, et rencontrez leurs auteurs au cours des Rencontres culturelles estivales.

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