Par Pour Festival : créer, c’est résister

Concert de HK & les Saltimbanks le 27 septembre 2015 au Par Pour Festival ©T.Princep

Concert de HK & les Saltimbanks le 27 septembre 2015 au Par Pour Festival ©T.Princep

Pour clore le mois de septembre, la base de loisirs de la CMCAS Nord-Pas-de-Calais a fait le tour du cadran : de 17h à 17h, le week-end dernier, le site a fourmillé de petits îlots associatifs, créatifs et revendicatifs. À huit mois du Festival d’Énergies, la liberté d’expression et la désobéissance civile avaient déjà un nom : le Par Pour Festival.

À l’entrée de la « tente de libre expression », un fouillis de mots tracés à la craie, à l’encre ou à la bombe de peinture recouvrent des panneaux de bois ou des feuilles de papier, jusqu’au sol où cheminent les contours de quelques pas d’enfants. Traces éphémères de l’inspiration du moment, ils viennent rejoindre les « petits baratins » proposés par les deux performeuses de cette tente secrète : sur les tables, les toiles murales et les étagères s’épanouissent des phrases à compléter, des poèmes courts et des livres dont il s’agira de se saisir pour soi-même créer.

Sous la tente de libre expression, les mots secrets se créent ... ©T.Princep

Sous la tente de libre expression, les mots secrets se créent … ©T.Princep

« J’ai pris une feuille avec des phrases à compléter » raconte Jeanne, 12 ans, petite fille d’agent bénévole sur le stand. « Au départ je ne savais pas trop quoi mettre, mais Juliette m’a aidé. Je me suis laissé aller… et c’était vraiment cool. » Pour Juliette Kapla, comédienne et chanteuse au sein du duo Free-Songs, les mots se créent au gré des timides incursions, des franches révoltes et des points de suspension. « Se passe ce qui peut se passer. Le but n’est pas d’obtenir un objet artistique à tout prix : il ne s’agit pas de collecter pour collecter, et d’utiliser les gens pour cela. Il faut que les contributeurs y trouvent eux-mêmes quelque chose d’inédit, y compris à l’intérieur d’eux-mêmes. »

Créer, c’est résister

Au Festi’Mioches, les mômes graffent librement sur des panneaux de bois, sculptent des ballons ou testent les échasses urbaines : c’est là, pour sûr, que la révolution se prépare, armée de bombes de peinture. Tout autour du terrain de tennis de la base de loisirs, des tissus et des panneaux de bois sont petit à petit recouverts de gribouillis inspirés. Raphaël Faroux, 9 ans, s’applique à gribouiller le nez du clown qui l’occupe depuis un petit quart d’heure. « Il a toujours rêvé de pouvoir faire ça. En plus, là il est libre : c’est autorisé… » s’amuse sa mère Charlène, avec une pointe de jalousie. Avec son mari Cédric, technicien clientèle ErDF à Béthune, et sa fille Rachel, 14 ans, elle passera de longs moments au Festi’bouq, d’où elle n’avait pas prévu de repartir avec tant de livres.

Les livres, nourriture de l'âme et armes d'émancipation, étaient en libre service au Festi'Bouq ©T.Princep

Les livres, nourriture de l’âme et armes d’émancipation, étaient en libre service au Festi’Bouq ©T.Princep

Au Festi’bouq, justement, c’est jour de grande braderie, et les étals arborent fièrement les projets littéraires collectifs portés par la CMCAS. Henri Tobo, ancien président de la CMCAS et membre actif du réseau solidaire, y présente le livre-symbole de la défense du service public : Ne me coupe pas, co-écrit par Ricardo Montserrat et l’atelier d’écriture des Parle (Pratiques amateurs au rendez-vous de la lecture et de l’écriture). Un sujet toujours d’actualité, puisque l’association Droit à l’énergie, Stop Coupures reprend son activité dans le Nord-Pas-de-Calais. S’ils n’ont pu être là, des rencontres avec de nombreux « désobéissants » ont ponctué la préparation du festival, confie Déborah Greffe, présidente de la SLVie de Lille [lire notre entretien en encadré].

 

Résister, c’est créer

Où que le regard porte, des citations s’affichent. Textes imprimés ou projetés, elles invitent à la lecture, célèbrent l’intelligence et questionnent les luttes passées et futures. Tout est proposition, sans que ne soit donnée l’impression qu’on nous fait la morale. « Si on écoute ce qu’il se passe dans les médias, juge Philippe Diers, président de la CMCAS Nord-Pas-de-Calais, jamais rien ne passe pour changer l’idée des gens, et faire en sorte d’avoir un monde meilleur. Même si ça parait utopiste, c’est ce qu’on souhaite. C’est dans ce but qu’on a fait venir des associations qui se battent tous les jours pour changer le monde. » Au Festi’Monde, le village des associations , on s’informe sur le don d’organes, sur les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans) en entreprise, avec l’association EnerGay, ou sur le camp de réfugiés de Norrent-Fontes du Pas-de-Calais voisin, monté par l’association Terre d’errance. Grand rassemblement festif et créatif, le Par Pour Festival a également au cœur une conscience citoyenne.

Au milieu des tables de pique-nique, le collectif Plateforme scande un extrait de Work in Regress, issu d'entretiens avec les salariés du Nord-Pas-de-Calais ©T.Princep

Au milieu des tables de pique-nique, le collectif Plateforme scande un extrait de Work in Regress, issu d’entretiens avec les salariés du Nord-Pas-de-Calais ©T.Princep

Symbole du mélange des genres qui anime le Par Pour Festival, le dimanche, la grande scène a tenté de rallumer les étoiles avec HK & les Saltimbanks, fraîchement débarqués du festival Alternatiba Paris, qui se tenait le même week-end (lire notre article Climat : les solutions sont là). Au milieu du concert, la présidente de l’association Terre d’errance explique, sur scène, que le camp de Norrent-Fontes, où logent des migrants dans des conditions précaires, est sous le coup d’un arrêté d’interruption de travaux pour absence de permis de construire… Au cœur de la fête, la « milivole et bénétante » Nan Thomas invite les spectateurs au rassemblement de soutien à l’association et aux migrants, le 10 octobre, où HK & les Saltimbanks viendront jouer bénévolement.

Lire aussi : « La vie, c’est la révolution », entretien avec Kaddour Hadadi, chanteur de HK & les Saltimbanks

Oui : sur l’immense base de loisirs de Cappelle-en-Pévèle, la révolte avait un air de fête, et la création un goût politique. Alors que le week-end s’éloigne et que les bénévoles commencent de démonter les stands, on tente de se remémorer l’image, la rencontre ou l’atelier qui résume le mieux les deux thèmes du Par Pour Festival. Pourquoi choisir ? « Ce festival, c’est pour éviter de mourir idiot  » résume Philippe Diers à l’issue de son discours, où il n’a porté qu’un message : « la culture est un droit fondamental, pas un privilège. »

« On adore ça, se faire entendre »

Déborah Greffe Présidente de La SLVie Lille © Joseph Marando/ccas

Déborah Greffe, présidente de La SLVie Lille © Joseph Marando/ccas

« La réussite de ce festival ne tient pas seulement en ces deux jours. En construisant le festival, on s’est réapproprié un temps et un espace, en frappant à la porte des entreprises pour aller à la rencontre des agents, ce qui nous est de plus en plus difficile. On est un certain nombre à penser que la situation actuelle est inquiétante. Le rapport de force qu’on subit (mondialisation, injustice sociale) a été au cœur du besoin de retrouver une forme d’action radicale, qui fasse (pardon de l’expression) « bander la jeunesse ». Notre objectif à présent est d’approfondir le Par Pour Festival : de prendre l’énergie de la nouvelle génération de bénévoles qui nous ont aidé à le construire, et de l’amener au Festival d’Énergies 2016 à Soulac-sur-mer. Il faut qu’il soit le symbole et la preuve en acte de la solidarité active. Parce que les mots ne suffisent plus. »

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