Pour Olivier Coustère, président de l’association Trans-Forme, le don d’organes et de tissus est un enjeu d’éducation civique. À l’occasion de la Course du cœur, dont la CCAS est partenaire et qui s’est close le week-end dernier, ce sportif et transplanté rénal clarifie la notion de consentement présumé et les implications de la nouvelle loi santé sur le don d’organes.
La 31e Course du cœur est arrivée en Savoie, son étape finale, le week-end dernier. Dans quel état d’esprit en êtes-vous rentré ?
Fatigué mais reboosté ! Il n’y a que du positif à la Course du cœur, une telle synergie. Tout ce qui est donné par les bénévoles et les organisateurs est rendu, par les remerciements, les sourires, tout ce qu’on peut ressentir du plaisir des équipes. La réussite de la course ne se dément pas, mais elle est très fragile. On remet tout à zéro à chaque fois.
Quels prolongements pour cet événement fort médiatisé ?
Après le tremblement de terre de la course, il va y avoir des secousses ! La Course du cœur a des prolongements dans les entreprises, lors d’un débriefing qui va durer au moins trois mois. L’année dernière, entre 400 000 et 500 000 salariés avaient été touchés par ces actions. J’ai un agenda de conférences important, nous préparons les Jeux nationaux, européens et mondiaux des transplantés et dialysés… Nous poursuivons aussi notre travail dans les écoles, collèges et lycées, moins médiatisé mais tout aussi essentiel. L’éducation des jeunes est la clé.
La Course du cœur et autres défis sportifs sont-ils une manière de dire « la greffe, ça marche » ?
Les transplantés sont les meilleurs ambassadeurs du don d’organes : ils glorifient ce don, en vivant une vie « normale », même plus que normale, parce que détentrice d’un don. Il y a le sentiment, le devoir vécu par les transplantés de « rendre ». Ce sont aussi des ambassadeurs pour les malades chroniques : cela donne un espoir insensé aux personnes hospitalisées qui s’interrogent sur l’après. On estime que 58 000 personnes vivent grâce à un greffon fonctionnel. Le don d’organes concerne tout le monde, pas seulement les gens malades. Pas un greffé ne savait qu’il allait en avoir besoin. On alerte les gens sur la possibilité d’être donneur, mais aussi et surtout receveur. Il y a d’ailleurs plus de risque à être receveur qu’à être donneur !
Pouvez-vous expliquer la notion de consentement présumé, qui régit en France le prélèvement d’organes et de tissus ?
Ce principe [bioéthique, ndlr] existe depuis la loi Cavaillet de 1976 : si elle n’a pas dit « non », une personne majeure est présumée consentante. Mais ce n’est pas un prélèvement automatique, il y a un dialogue avec la famille du défunt, entamé par un(e) coordinateur(trice) de prélèvement ou de transplantation, qui est spécialement formé(e). C’est un acte thérapeutique, contrôlé et légal.
En quoi est-ce modifié par les nouvelles dispositions de la loi santé, applicables depuis le début de l’année ?
La nouvelle loi change seulement les modalités d’expression du refus de prélèvement de ses organes et tissus après la mort. Avant, la démarche pour s’inscrire au Registre national des refus s’effectuait par courrier, à présent on peut le faire en ligne. Par ailleurs, on pouvait dire oralement à ses proches qu’on était contre, avoir un papier sur soi. Aujourd’hui, on peut confier ce papier à ses proches : on passe de « il/elle aurait dit non » à « il/elle avait dit non ». En ce cas, la famille rédige un papier daté et signé qui explique les conditions dans lesquelles la discussion a eu lieu. Cela officialise un peu plus le refus.
« Le don d’organes est un enjeu d’éducation civique et de solidarité. »
Que dites-vous aux personnes qui s’opposent au don d’organes ?
J’en parle sans jugement : donner est difficile, et refuser de donner n’est pas blâmable. On compte actuellement 200 000 personnes sur le Registre national des refus. Sur 66 millions de Français, c’est peu ! Mais il ne faut pas croire que les autres soient donneurs déclarés. En moyenne, on compte en moyenne 15 à 20 % de personnes qui se prononcent « contre » le don d’organes. Mais on fait face à une moyenne de 30 % de refus de prélèvement de la part des familles. Ce sont donc 10 à 15 % de personnes qu’on ne prélève pas, ce qui représente potentiellement 400 organes.
L’opposition vient donc plutôt des familles, des proches des personnes décédées ?
Du côté des familles, il est des peurs qui sont liées à l’ignorance, et bien entendu à la rapidité et au traumatisme du décès, notamment lors des accidents vasculaires cérébraux (cas le plus fréquent pour un prélèvement). Surtout quand on ne s’est pas interrogé avant. Notre message est de réfléchir et d’en parler maintenant et sans délai : on dit oui, on dit non, c’est la meilleure façon de libérer ses proches de cette responsabilité. L’Agence de la biomédecine est une très bonne source d’informations, éclairée et pas prosélyte.
Comment aller au-delà de l’opposition des familles ?
Il est très difficile d’aborder la question parce qu’en général on ne parle pas de la mort. Mais j’ai envie que les familles se projettent dans la vie. On peut parler de rendre la mort utile : c’est une façon pour ces familles d’accepter la mort de leur proche. De se dire qu’il y a un peu de leurs proches dans la vie, qui continue de vivre. Ces personnes, sans plus de publicité, font ce don. Je rends hommage aux 1 500 donneurs qui permettent chaque année environ 5 500 greffes. Il y a encore plus de 22 500 personnes sur liste d’attente. Aujourd’hui, le don d’organes et de tissus est une cause sociétale qui renvoie au don de soi, quelque chose d’intime et personnel ; mais c’est aussi un enjeu d’éducation, de sens civique et de solidarité.
Association Trans-Forme
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Bonjours, j’ai bien lu l’article mais j’ai encore une question à laquelle j’espère que vous pourrez y répondre. J’aurais voulu savoir si on pouais faire un don d’organe(de son vivant) sans forcément être de la famille ou proche du patient?
J’aimerais bien être donneur d’organe mais je voudrais rendré service à des personne que je ne connais pas.
Cordialement.
Bonjour,
Vous trouverez des réponses sur le site de l’agence de biomédecine : « Quelles sont les conditions pour donner de son vivant » ?
Par ailleurs, le don d’organes et de tissus est vaste : vous pouvez par exemple être donneur.euse de moelle osseuse, afin d’aider les patients souffrant de maladies du sang. Vous en saurez plus sur http://www.dondemoelleosseuse.fr
Bravo pour votre belle démarche,
Cordialement,
La rédaction