Donneurs de voix

Illustration de Jean-Luc Boiré

©Jean-Luc Boiré

Redonner le plaisir de la lecture à ceux qui sont empêchés de voir est la raison d’être des bibliothèques sonores. Visite guidée.

Cet après-midi de juin, les locaux de la bibliothèque sonore de Paris, située derrière la gare Montparnasse, bourdonnent. On y croise un « donneur de voix » venu déposer son enregistrement, une femme non voyante qui rapporte les livres « lus » dans la semaine. Échange de points de vue et de clés USB. Derrière leurs ordinateurs, une dizaine de bénévoles s’affairent. Martine, habituée des lieux depuis trois ans, est l’une des donneuses de voix. Passionnés de lecture, professeurs de français, comédiens, retraités…, elle fait partie de ces bénévoles qui enregistrent les livres chez eux. « Selon un cahier des charges bien précis. Chaque donneur de voix reçoit une formation. La lecture à voix haute, ce n’est pas du théâtre, il ne s’agit pas de surjouer le texte », prévient Martine. Il faut lire lentement. « Le lecteur de livre audio a besoin de plus de temps pour se créer son univers, ses personnages. »

La première bibliothèque sonore est née il y a soixante ans à Lille. Elles sont aujourd’hui 116 en France. Quelque 2 600 bénévoles aidés de 2 000 donneurs de voix ont constitué un catalogue de plus de 200 000 livres et revues. Les fichiers MP3 sont prêtés gratuitement sur place ou par correspondance en France aux personnes dont l’empêchement de lire est médicalement attesté (aveugles, malvoyants, handicapés moteur). Il est aussi possible de télécharger les fichiers sur internet. Depuis 2010, le catalogue s’est élargi aux livres pour la jeunesse et l’accompagnement scolaire. « J’ai eu un peu de mal à m’y habituer. On décroche plus facilement, mais quelle compagnie !, avoue Odette. Âgée de 94 ans, elle utilise les livres sonores depuis six mois. Je vis seule dans un petit village et il m’arrive de passer trois ou quatre jours sans voir personne. La lecture m’aide beaucoup à rompre l’isolement : le livre est une présence. Il m’arrive de me réveiller la nuit et de reprendre mon livre là où je l’ai laissé. »

Jordan, 24 ans, est malvoyant depuis quinze ans. Il a connu ce service il y a quatre ans seulement. « Depuis, je dévore les livres », explique-t-il, l’éventail des propositions est bien plus vaste que ce que l’on peut trouver dans le commerce. Une quarantaine d’ouvrages par an lui ont fait découvrir Cervantes, Dostoïevski, Fred Vargas… « Deux heures par jour en moyenne. Je prends mon CD, je ferme ma porte et on ne me dérange plus. Pour moi, lire, c’est sacré ! »

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