Grandes grèves de 1919 : une nouvelle génération militante

Grandes grèves de 1919 : une nouvelle génération militante | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 76075 Les greves de 1919

©Frédéric Guyot/CCAS

Malgré une amélioration des conditions de travail et une syndicalisation en hausse, le mouvement social de 1919 porte une majorité conservatrice à l’Assemblée. Mais a aussi formé une nouvelle génération de militants en première ligne en 1936. C’est le dernier épisode de notre chronique sur les grandes grèves de 1919.

Les grandes grèves du printemps 1919 ne débouchèrent sur aucun acquis social majeur. Bien au contraire, les élections de novembre portèrent à l’Assemblée une majorité très à droite, « bleu horizon » comme on disait alors, marquée par le poids du patriotisme des anciens combattants.

Est-ce à dire que ces luttes sociales d’ampleur n’eurent aucune conséquence ? Certainement pas. D’une part, elles permirent d’obtenir, comme on l’a vu au précédent épisode dans le cas des électriciens et gaziers, des améliorations conséquentes des conditions de travail. D’autre part, elles formèrent une nouvelle génération de cadres syndicaux qui furent à l’origine des grandes grèves du Front populaire.

Les deux âges de l’histoire ouvrière

L’historien Gérard Noiriel, spécialiste de l’histoire ouvrière, a été un des premiers à tirer le bilan des grandes grèves de 1919. Pour lui, « l’importance des grèves de 1919 tient surtout au fait qu’elles représentent un moment charnière entre deux âges de l’histoire ouvrière, deux âges qui coexistent dans les grèves et qui permettent de rendre compte de l’opposition réformiste/révolutionnaire ».

Avant 1919, et à vrai dire avant 1914 tant la guerre a suspendu toute activité revendicative, le mouvement ouvrier organisé était surtout représenté par l’élite ouvrière et artisanale, dont l’exemple type était l’artisan du faubourg Saint-Antoine parisien, au cœur de toutes les révolutions du XIXe siècle.

Après 1919, l’industrialisation de l’armement étant passée par là, c’est un tout autre type d’ouvrier qui apparaît. Les hommes ayant été envoyés au front, il a fallu, outre les femmes, enrôler dans les usines des paysans inaptes au combat, des employés, des coloniaux, tous sans expérience syndicale. « En 1919, la base ouvrière est dans son ensemble sans expérience syndicale. La plupart des ouvriers mobilisés en mai-juin 1919 sont des travailleurs déracinés, peu qualifiés, sans expérience », poursuit Noiriel (dans l’article « Les grèves de 1919 en France : révolution manquée ou mouvement d’humeur ? », revue « French Politics and Society », hiver 1990).

Des directions sapées par leur base

Ce manque d’expérience politique de la jeune génération qui fit les grandes grèves du printemps 1919 éclate au grand jour dans les tensions entre militants et directions syndicales. En juin 1919, le syndicaliste métallo Alphonse Merrheim signe avec le patronat la première convention collective de branche, mais il est aussitôt désavoué par sa base.

Merrheim était pourtant des courageux militants qui s’étaient rendus à la conférence socialiste de Zimmerwald (Suisse) en 1915 pour tenter de rétablir les principes de l’Internationale et ses convictions pacifistes. Autre exemple de cette dissension croissante entre base militante et direction syndicale : le 21 juillet 1919, syndicats belges, italiens, français et britanniques décident d’une journée d’action commune contre l’intervention des armées alliées dans la Russie révolutionnaire. Mais la CGT française décide finalement d’annuler sa participation à cette journée d’action.

Vers une scission syndicale

C’est donc une nouvelle génération militante qui naît des grandes grèves de 1919. Formée par la guerre, habituée à la dureté du travail à la chaîne, nourrie de l’espoir de la révolution russe, elle va prendre un rôle croissant dans l’histoire syndicale française, jusqu’à aboutir à la première scission entre CGT (proche des socialistes) et CGTU (proche des communistes) en 1921, elle-même consécutive à la scission du Congrès de Tours de décembre 1920 qui vit les deux branches du mouvement ouvrier français se séparer irrémédiablement.

Mais, comme l’observe Gérard Noiriel en conclusion de son article, dont il a récemment repris les analyses dans « Une histoire populaire de la France » (Agone, 2018), « les grèves de 1919-1920 resteront dans la mémoire de leurs acteurs et joueront un rôle essentiel dans l’apparition de la nouvelle culture militante qui s’épanouira en 1936 dans la banlieue rouge ».

Chronique : les grandes grèves de 1919

Oubliées de la mémoire collective, les grandes grèves du printemps 1919 furent les plus puissantes jamais organisées jusqu’alors par le mouvement ouvrier, avec 2 000 grèves mobilisant 1,4 million de grévistes, quatre fois plus que lors du mouvement de 1906.

Et si elles ne furent pas victorieuses, elles contribuèrent à former une génération de militants qui donnera sa pleine mesure durant le Front populaire.

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