
En 1970, la CCAS expérimente l’accueil d’enfants handicapés dans les colonies ordinaires. Une première en France. ©Archives CCAS
Accueillir en vacances les enfants et les adultes en situation de handicap dans un cadre non médicalisé : c’est le projet précurseur et innovant que la CCAS a initié dès 1970. Marianne Boyer, médecin-conseil à l’origine des colonies de vacances plurielles, raconte la mise en place de ce dispositif, à rebours des pratiques de l’époque.
« Un p’tit truc en plus », le film d’Artus, est un succès populaire, avec 10 millions d’entrées dans les salles françaises. Pourtant, « le handicap reste indétrônable sur le podium des discriminations », souligne Sylvie Salla, cofondatrice de l’association Hand’Aptitudes. Même si, poursuit-elle, « la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap a fait beaucoup en vingt ans ». En 2023, le handicap occupait encore la première place des saisines (21 %) adressées au Défenseur des droits selon l’association.
« Les mots aussi en disent long. Dans les années 1970, on parlait des enfants “inadaptés”. Ils étaient placés dans des établissements spécialisés, loin des regards », se souvient Marianne Boyer, pétillante octogénaire qui a consacré trente-huit ans de sa carrière à l’intégration des personnes en situation de handicap.
En 1969, âgée de 27 ans, elle rejoint l’équipe des médecins-conseils de la CCAS. René Le Guen, qui est alors président et directeur général de cette dernière, missionne la jeune femme pour réaliser une étude sur « l’intégration des enfants inadaptés dans les colonies de vacances pour enfants normaux ». Une révolution à l’époque. « Il n’y avait qu’à la CCAS que l’on pouvait se lancer dans un tel projet : selon la réglementation en vigueur, seuls les enfants déclarés “sains” après une visite d’aptitude étaient admis en colonie. »
Des colonies de vacances expérimentales
Au début des années 1970, la psychiatrie était fortement marquée par un courant de désinstitutionalisation qui visait à sortir les malades mentaux des grandes structures asilaires et à les réinstaller dans la cité. Les adultes polyhandicapés, eux, séjournaient soit en famille, soit en hôpital psychiatrique dans des conditions désastreuses. C’est dans ce contexte qu’intervient le Dr Kipman.
Le psychiatre-conseil à la CCAS avait remarqué que certains enfants dits inadaptés passaient entre les mailles du filet et progressaient beaucoup plus dans les colonies ordinaires que les enfants envoyés dans les colonies sanitaires de la CCAS ainsi que dans les colonies spécialisées de Nonette et Mirefleurs, dans le Puy-de-Dôme, deux instituts médico-pédagogiques (IMP) gérés par la CCAS.
« Les enfants en situation de handicap progressaient en autonomie grâce à la stimulation des autres, mais le regard qu’ils portaient sur eux-mêmes évoluait aussi : ils étaient des enfants comme les autres. »
Marianne Boyer, ancienne médecin-conseil à la CCAS, à l’origine du dispositif Pluriel
Durant l’été 1970, une douzaine d’enfants, tous handicaps confondus, partent donc en colonie ordinaire. Direction Port-Navalo (Morbihan) pour les 6-11 ans et Cheviré-le-Rouge (Maine-et-Loire) pour les 12-13 ans. Pour préparer ces « colonies expérimentales », Marianne Boyer rencontre les enfants et les familles, épluche les informations transmises par les institutions spécialisées, et se fixe des règles : ne prendre qu’un nombre restreint d’enfants en situation de handicap (de quatre à six par colonie au maximum ; aujourd’hui le nombre d’enfants en dispositif « Pluriel » est de trois au maximum lors d’une colo) ; les répartir dans les équipes ; traiter ces enfants le plus normalement possible, mais en prenant toujours en compte leur handicap.
Les enfants sont confiés à des équipes d’animatrices et animateurs rôdés et sensibilisés au handicap. En parallèle, un système d’astreinte 24 heures sur 24, tenu par le médecin-conseil, est mis en place pour chaque colonie. L’expérience s’avère plus que concluante : « Les enfants en situation de handicap progressaient en autonomie grâce à la stimulation des autres, mais le regard qu’ils portaient sur eux-mêmes évoluait aussi : ils étaient des enfants comme les autres. Quant aux autres participants, ils devenaient beaucoup plus tolérants », témoigne Marianne Boyer.
Un dispositif pionnier qui a modifié toute la société

Innovant il y a plus de 50 ans, le dispositif Pluriel continue de permettre aux enfants en situation de handicap ou présentant des troubles de santé de partir en colonie avec leurs copains et copines. Photo : convoyage depuis la Courneuve (93) vers la colo 6-8 ans de Verneuil, été 2022. © Julien Millet/CCAS
Petit à petit, les colonies expérimentales deviennent « centres témoins », pour attester de la réussite de l’expérience, puis séjours Pluriel jeunes. Dans toute la France, des séjours sont ouverts à d’autres tranches d’âge, les 14-16 ans, puis les 16-18 ans.
Parallèlement, en 1972 pointe le projet d’ouvrir un centre pour adultes et adolescents handicapés à La Haye Bérou (à Guichainville, Eure). Le projet verra le jour six ans plus tard. Au cours de l’été 1978, la CCAS organise dans le centre de vacances familial de Seignosse (Landes) l’un des premiers séjours Pluriel adultes.
Le dispositif a eu un effet sur la société tout entière… Dès 1975, le ministère de la Jeunesse et des Sports décide de modifier sa réglementation pour ouvrir les centres de vacances et de loisirs à tous. Plus de vingt ans plus tard, en 1997, la CCAS, aux côtés de l’Iforep (Institut de formation, de recherche et de promotion de la CCAS) et de la confédération Jeunesse au Plein air, est à l’initiative de la signature de la première Charte de déontologie pour l’accueil des personnes handicapées dans les structures de vacances et de loisirs non spécialisées.
« Nous restons innovants et pionniers parce que nous travaillons sur l’inclusion en proposant des activités très variées, mais aussi parce que nous y mettons les moyens. »
Frédéric Costa, médecin-conseil à la CCAS
« Les grands principes du dispositif Pluriel initié par Marianne Boyer n’ont pas changé. Les séjours ont pris progressivement de l’ampleur, souligne Frédéric Costa, actuel médecin-conseil de la CCAS, qui développe aujourd’hui de nombreux outils de formation et d’information au service des animateurs. Nous restons innovants et pionniers parce que nous travaillons sur l’inclusion en proposant des activités très variées, mais aussi parce que nous y mettons les moyens. Nous sommes aujourd’hui les seuls à proposer le format des séjours Pluriel adultes. »
L’an dernier, la CCAS a organisé 642 séjours à dispositif Pluriel dans toute la France. Un grand pas pour une société plus inclusive, quand on sait qu’aujourd’hui, selon le Conseil national des loisirs et du tourisme adapté, 50 % des personnes vivant en institution ne partent toujours pas en vacances.
Handicap, troubles de santé : les dispositifs d’accueil en vacances à la CCAS
Avec les Activités Sociales, les enfants présentant des troubles du comportement mineurs ou majeurs (tocs, phobies, énurésie…), des troubles dys (dyslexie, dyspraxie…), des maladies chroniques stabilisées (diabète, mucoviscidose, épilepsie…), des troubles du spectre de l’autisme, ou en situation de handicap moteur, sensoriel ou mental peuvent être accueillis en colo, au milieu des autres enfants.
Une seule condition pour un départ serein : connaître sa situation en amont du séjour ! Chaque situation est étudiée en lien avec la famille, la CMCAS, les professionnels de santé de la CCAS et les équipes d’accueil. Alors, n’hésitez pas : contactez votre SLVie ou votre CMCAS, pour préparer le futur séjour de votre enfant.
En savoir plus :
- dans la brochure Séjours Pluriels, des vacances pour tous !
- sur ccas.fr > rubrique Vacances et séjours > Vacances à mon rythme