Ingénieur dans le nucléaire à EDF, Jean-Christophe Huchard, 53 ans, conjugue depuis plus de vingt ans son activité professionnelle avec son engagement à Électriciens sans frontières (ESF), organisation de solidarité internationale dont les Activités Sociales sont partenaires.
Une seule occasion suffit à vous mettre le pied à l’étrier. Début des années 2000, pour son projet « 1000 classes au pays des 1000 collines », Électriciens sans frontières (ESF) cherche un profil susceptible de faciliter les échanges. Membre d’ESF depuis 1999, Jean-Christophe Huchard maîtrise plutôt bien l’anglais, ce qui le conduira – un peu par hasard – à accepter sa première mission en Afrique du Sud.
Accompagné d’une cheffe de projet et d’un technicien d’ERDF, Jean-Christophe s’envole alors vers une région déshéritée, le KwaZulu-Natal. Sur place, pendant quinze jours, lui et son équipe forment des jeunes à l’électrification des écoles, définissant avec leur partenaire local The Valley Trust – et en associant les habitants –, les différents besoins en matière d’éclairage.
Inspirés de l’adage « mieux vaut apprendre à quelqu’un à pêcher plutôt que de lui donner un poisson », les membres d’ESF initient la population locale aux rudiments de l’électricité : tirer des fils, poser un disjoncteur, brancher un luminaire. “Il ne faut pas oublier que l’électricité apporte de la sécurité.”, rappelle justement Jean-Christophe. “Mettre un point lumineux pour éclairer la nuit, ça ne sert pas qu’à rassurer.”
La priorité reste cependant accordée aux écoles sud-africaines : “L’électricité constitue un marchepied essentiel au développement, d’où notre volonté de placer l’éducation en tête de nos actions.”. Comme par exemple, éclairer une salle de classe pour pouvoir dispenser des cours du soir. Au passage, Jean-Christophe n’oublie pas de saluer l’implication remarquable de la communauté éducative locale (parents, enseignants, élèves) au cours de sa première mission : “Ils savent trouver des solutions dans des situations très compliquées, avec trois fois rien !”. Ainsi, grâce au projet d’ESF, 1033 classes ont été équipées, à la plus grande joie des enseignants qui peuvent désormais utiliser l’informatique comme outil pédagogique.
À ce premier voyage en terre africaine a succédé un second pour Jean-Christophe, afin de s’assurer du bon fonctionnement des installations et former de nouveaux électriciens. “À mon retour, l’école était devenue l’épicentre de la vie sociale, des matches de foot jusqu’aux mariages ! J’ai trouvé cela fantastique ! On donne un simple coup de pouce et derrière les gens font des choses incroyables !”, s’enthousiasme-t-il. Un vrai baume au cœur, quand la passion laisse parfois place au découragement. « On se dit que ce qu’on fait n’est qu’une goutte d’eau. Mais lorsqu’on voit le sourire des gens, on ne se pose plus la question… Comme le colibri qui essaie d’éteindre l’incendie, on est heureux d’apporter notre contribution, même si elle est infime.”
En mission d’urgence, il faut avoir le cœur bien accroché
De ses premiers voyages en Afrique du Sud, Jean-Christophe a appris » l’optimisme et la volonté d’avancer contre vents et marées. » Une décennie plus tard, il s’en souviendra quand, envoyé à Haïti après le désastreux séisme du 12 janvier 2010, il se rendra au secours des populations sinistrées. À son arrivée à Port-au-Prince, une première équipe d’Électriciens sans frontières était déjà là depuis trois semaines, mobilisant moyens humains et matériels. Première urgence : l’alimentation et la sécurisation des installations électriques des structures de santé. Jean-Christophe atterrit en pleine phase de transition. Tour à tour, il intervient aux côtés d’ONG, comme Médecins Sans Frontières, pour aider à la mise en place d’hôpitaux de campagne ; puis, avec des acteurs locaux, afin de distribuer des lampes, électrifier des camps de réfugiés. Il se retrouve, tantôt en totale improvisation, tantôt sur des missions plus structurées. En tant que coordinateur, il définit les besoins et joue le rôle d’entremetteur avec les autres organisations caritatives, locales et internationales, dépêchées sur place.
À Haïti, le tremblement de terre a tué 300 000 personnes, et, en a jeté sept fois plus à la rue. Dans ces conditions, il s’agissait pour Jean-Christophe, au-delà du seul soutien technique et logistique, d’apporter un soutien moral à la population en protégeant d’abord les plus faibles : les enfants, mais aussi les femmes, fréquemment victimes de viols dans les camps de réfugiés. « Pour leur sécurité, nous avons installé des lampes près des toilettes où avaient lieu les agressions.”, explique-t-il.
Face aux familles endeuillées, aux blessés, à la montée de l’insécurité, notamment alimentaire, pas toujours facile pour les bénévoles d’ESF de garder la tête froide. “En mission d’urgence, il faut avoir le cœur bien accroché !”, reconnaît Jean-Christophe. Savoir conserver sa lucidité s’avère essentiel pour mener simultanément différents chantiers. Avec un double objectif : assurer la pérennité des installations dans une logique de transfert de compétences. C’est dans ce souffle qu’en dix mois, près de deux cent sites ont été alimentés ou sécurisés par Électriciens sans frontières en Haïti.
Quand ils le veulent, les humains parviennent toujours à se comprendre
Car, si elle est primordiale pour ses usages, l’électricité l’est aussi dans son pouvoir émancipateur. C’est tout le sens du nouveau projet en Afrique du Sud, auquel Jean-Christophe participe depuis 2017. Dans un township (quartier pauvre) de Johannesburg, ESF concourt à l’élaboration d’un programme de soudage pour des lycéens. L’objectif ? Doter les élèves d’une formation approfondie et combler un manque cruel de compétences dans le secteur manufacturier. En étroite collaboration avec Alstom Ubunye – l’une des joint-ventures de la multinationale française présente en Afrique du Sud – et le ministère de l’Éducation sud-africain, Jean-Christophe et ses camarades d’ESF interviennent dans le champ d’application technique du lycée. D’abord, avec la mise en place de systèmes d’électricité dans les salles de classes, énergétiquement dimensionnés, pour permettre la bonne pratique du soudage. Ensuite, par l’accompagnement des élèves impliqués tout au long de leur cursus, en s’assurant de la qualité des enseignements dispensés.
Au sortir du cycle de formation, d’une durée de trois ans, 16 premiers jeunes ont obtenu leur diplôme : “Ils vont pouvoir trouver du boulot sans problème !”, se réjouit Jean-Christophe. Tout en regrettant un taux d’échec élevé de 50 %, qui exhorte à travailler davantage sur le soutien scolaire et extra-scolaire, afin d’éviter les décrochages. Insatisfait de ce bilan, c’est avec d’autant plus d’abnégation qu’il souhaite chaperonner les différentes promotions : “Ces enfants sont adorables, j’ai envie qu’ils aient cette chance que moi j’ai eue, d’avoir accès à l’éducation, à la scolarité, au travail.”.
Cette relation de complicité et de bienveillance qu’il a développée avec ses étudiants n’est pas sans lui rappeler son premier voyage en Afrique Sud et l’un des souvenirs heureux qu’il en a gardés : “Un technicien d’ESF formait un jeune de 20 ans. Comme il ne parlait pas anglais, il m’appelait pour faire la traduction. Mais au fil du temps, ils se sont passés de moi, ils baragouinaient dans un langage inventé et ils rigolaient à tout va. C’est l’image que je retiens de mon engagement, car elle prouve que les humains, quand ils le veulent, parviennent toujours à se comprendre.”
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