Vive la sécu !

Gilles Perret, réalisateur de La Sociale (2016) - DR

Gilles Perret, réalisateur de La Sociale (2016) – DR

D’où vient-elle, comment a-t-elle été créée, que pourrait-elle devenir ? Nous connaissons mal son histoire et pourtant la Sécurité sociale bénéficie à 60 millions de personnes. Questions à Gilles Perret, réalisateur de « La Sociale » projeté à Visions Sociales, lundi 16 mai à 10 heures.

Résumé. En 1945, un vieux rêve séculaire émanant des peuples à vouloir vivre sans l’angoisse du lendemain voyait enfin le jour : la Sécurité sociale. Le principal bâtisseur de cet édifice des plus humanistes qui soient se nommait Ambroise Croizat. Qui le connaît aujourd’hui? Soixante-dix ans plus tard, retour sur cette belle histoire de « la Sécu ». Histoire d’une longue lutte vers la dignité et portrait d’une institution incarnée par ses acteurs du quotidien.

Pourquoi raconter l’histoire de la création de la Sécurité sociale ?

Cela fait suite à mon précédent film Les Jours heureux dans lequel on racontait la naissance du programme national de la Résistance et le programme politique rédigé dans la clandestinité. La mesure phare de ce programme était la création de la Sécurité sociale. J’ai assisté à beaucoup de projections en France avec Les Jours heureux, quelque 500 soirées débats, et je me suis rendu compte que l’immense majorité des gens ne connaissait pas l’origine de la Sécurité sociale. Y compris dans des salles d’art et d’essai auprès de publics sensibilisés aux questions sociales. Cela m’a donné envie d’écrire sur cette histoire : il n’y a pas grand-chose de plus humaniste que la Sécurité sociale qui donne à tous accès aux soins de la naissance à la mort. C’est grave que cette histoire se soit perdue et en faisant ce film je voulais compenser ce manque.

Des témoins racontent que la mise en place de la Sécurité sociale a été difficilement acceptée par les classes dirigeantes de l’époque. Comment cela s’est-il traduit ?

Penser que le peuple et les ouvriers prennent en main leur protection était insupportable parce que totalement nouveau. Il y avait aussi, derrière cette invention, la montée de la CGT et du Parti communiste, c’était donc plus une question d’enjeu de pouvoir. La médecine libérale, les mutuelles, les chrétiens, les patrons, tous voyaient cela d’un très mauvais œil. La Sécu avait à peu près tout le monde contre elle, sauf les ouvriers qui ont montré qu’ils étaient capables de s’organiser par eux-mêmes. Peu de gens y croyaient et un discrédit a été jeté sur son instauration. Tout le monde pariait sur sa faillite au bout de quelques mois.

En allant chercher les traces d’Ambroise Croizat jusque dans l’Ecole nationale supérieure de Sécurité sociale, le film montre qu’il est complètement oublié de l’Histoire…

Il y a eu une volonté délibérée de ne pas raconter son histoire, avant tout pour des raisons politiques. L’Histoire a mis en avant Pierre Laroque qui a permis l’installation technique de l’institution mais elle a complètement oublié Ambroise Croizat sans qui la mise en application des principes de la Sécurité sociale n’aurait pas été possible. Ambroise Croizat était un ministre communiste et c’est cela qui été occulté. Le pouvoir gaulliste a toujours mis en avant Pierre Laroque. Pourtant, même si De Gaulle a fait beaucoup de choses, les questions sociales ce n’est pas son histoire. A cela s’ajoute le fait qu’Ambroise Croizat est mort jeune, à 51 ans. Pour les dates anniversaires, c’est souvent à Pierre Laroque que l’on faisait appel.

Dans les bureaux du ministère du Travail, l’historien Michel Etiévent parle des 82 ministres qui se sont succédé dans ces lieux dont « aucun n’a connu la misère ouvrière sauf Ambroise Croizat »…

Oui, cette séquence peut faire sourire, mais elle raconte autre chose et dit beaucoup sur l’état de la France aujourd’hui. Elle parle de cette déconnexion totale des élites, de ces partis de notables qui ne portent plus rien, ne connaissent même pas leur histoire, l’histoire sociale et qui n’ont pas du tout la volonté d’avoir cette connaissance. J’espère que la sortie nationale du film en novembre va contribuer à faire connaître cette histoire et qu’elle pourra contribuer au mouvement social et participer au débat politique.

Affiche du fim La sociale, 2016

Affiche du fim La sociale, 2016

Sortie nationale : 9 novembre 2016.

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