L’Amazonie, laboratoire du réchauffement climatique

Bruno Hérault © D.R.

Bruno Hérault © D.R.

Chercheur Cirad au Labex CEBA *, centre d’étude de la biodiversité amazonienne basé en Guyane, Bruno Hérault étudie l’impact des changements climatiques sur les forêts tropicales. Il a participé cet été à une conférence internationale de préparation à la Cop 21 .

Que représente la Guyane dans le paysage national en matière de biodiversité végétale et animale?
Si on regarde la diversité des arbres de la forêt, en Amazonie vous avez 16000 espèces et en Guyane plus de 1500. Cela représente une diversité extrêmement forte. Ce qui est d’autant plus remarquable c’est que sur chaque petit morceau de forêt il y a une très forte diversité locale : sur un seul hectare de forêt, on peut avoir entre 150 et 220 espèces. Et ce, quel que soit l’endroit où on se trouve. En comparaison, sur la métropole, on ne compte que quelques dizaines d’espèces d’arbres.

Comment la biodiversité végétale guyanaise a-t-elle évolué ces dernières années?
Il est difficile de répondre à cette question. L’évolution de la biodiversité s’appréhende sur des temps longs. Faire des diagnostics de la biodiversité sur quelques années ou même quelques dizaines d’années, c’est un peu compliqué. Quand on regarde l’évolution du fonctionnement de la forêt, on ne regarde pas forcément les tendances en termes de biodiversité (comptage du nombre d’espèces), on regarde davantage l’effet des changements climatiques ou de l’utilisation des terres ou de la gestion forestière sur la faculté des arbres à se renouveler, à pousser, à se reproduire, ou leur propension à mourir. Ce qui nous intéresse davantage, ce sont les changements en termes de fonctionnement de l’écosystème.

Installation d'une station micro météorologique en forêt amazonienne (Guyane) © Bruno Hérault

Installation d’une station micro météorologique en forêt amazonienne (Guyane) © Bruno Hérault

Concernant le renouvellement des espèces, nous avons justement depuis quelques années des informations fiables.
Oui, on commence à avoir des indications, des certitudes. Il y a deux processus qui comptent vraiment dans la vie des arbres : leur croissance – comment ils poussent – et leur mortalité – à quel moment ils vont mourir, est-ce que c’est une mort naturelle ou une mort accélérée par un stress climatique, hydrique par exemple. Si on regarde l’évolution du climat ces dernières années en Guyane, les deux traits marquants sont : une augmentation de la température depuis 50 ans qui est estimée à 1,3° C ; et une augmentation de l’intensité de la saison sèche (le stress hydrique). On voit que les années les plus chaudes sont celles où les arbres poussent le moins vite. Donc plus la température augmente, plus les arbres ont du mal à pousser. Ensuite on constate à l’échelle amazonienne qu’en 2005 et 2010 la saison sèche a été très forte. Dans certains endroits, on a pu observer des phénomènes de mortalité massive. En Amazonie centrale, dans certaines parcelles, plus de 10% d’arbres sont morts d’un seul coup. Si ce genre de phénomènes se reproduit et est appelé à devenir commun, leurs effets auront un très fort impact sur le fonctionnement et le renouvellement de la forêt.

Le réchauffement climatique est-il responsable de la crise écologique qui touche la forêt amazonienne?
Je ne sais pas s’il faut parler de crise, car ce terme fait un peu peur. Effectivement des choses sont en train de se passer qui sont sous influence de l’action de l’homme. Avec les changements en cours, on s’attend à ce que la forêt amazonienne fonctionne différemment par rapport à son fonctionnement de ces dernières décennies ou siècles. D’une certaine manière, les écosystèmes naturels s’adaptent à un nouvel environnement. Ce qui pose question c’est que c’est une adaptation qui est de notre responsabilité.

* Le Labex CEBA est un Laboratoire d’excellence qui fédère un réseau d’équipes de recherche françaises (Agro Paris Tech, Inra, Cirad, CNRS, IRD, Université des Antilles et de la Guyane).

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