Pour la 40e édition du festival de cinéma, les organisateurs avaient choisi d’explorer le thème des frontières. La CCAS et la CMCAS Finistère-Morbihan, partenaires de l’événement, y présentaient deux films : « Revivre ensemble », qui retrace l’aventure de l’accueil de réfugiés dans les centres de vacances, et « Belinda », issu de la sélection cannoise de l’Acid.
Dès la descente du bus qui amène les visiteurs parisiens à Douarnenez depuis la gare de Quimper, le ton est donné : des jeunes gens déambulent avec des sacs à dos, des grappes de cinéphiles remontent des salles de projection disséminées dans la ville en discutant passionnément, d’autres font la queue devant les cinémas… Dans les rues les affiches colorées indiquent l’événement tandis que de grandes photos légendées collées à même les murs nous racontent l’intimité des parcours migratoires de Soudanais, d’Afghans, d’Érythréens ou de Syriens photographiés dans leurs abris de fortune… Leurs visages et leurs mots nous touchent au cœur et forcent le respect envers celles et ceux que l’on a trop souvent tendance à réduire à des chiffres. La petite bourgade bretonne vit au rythme de son festival de cinéma.
Les flonflons nous guident vers la place de la mairie où est érigé le chapiteau rouge qui abrite les débats. Midi et soir, de grandes tables la transforment en joyeux banquet pour ceux qui ont choisi de se restaurer sur place tandis que d’autres se retrouvent dans les crêperies avoisinantes. Ces derniers sont facilement identifiables : s’ils n’ont pas gardé autour du cou leur pass pour le festival, ils ont immanquablement le programme à côté de leur assiette et y jette un œil entre chaque plat… En tendant une oreille indiscrète, on saura quel film aller voir l’après-midi.
Autre point névralgique du festival situé juste à côté de la caravane de la radio associative locale Vos gueules les mouettes, l’espace réservé aux associations et aux partenaires accueille chaque année les bénéficiaires de la CCAS sur le stand que les Activités Sociales partage avec l’association Energay. Et c’est le rire sonore de la pétillante vice-présidente de la commission Loisirs et Culture de la CMCAS, Diane Levesque, qui nous accueille chaleureusement. Cheville ouvrière du partenariat entre la CCAS-CMCAS et le festival, elle n’arrête pas de courir partout, installation des calicots, réservation des repas pour l’équipe, préparation de l’apéro pour les bénéficiaires, interview à la radio… Cette retraitée hyperactive n’en oublie pas moins d’avoir un mot gentil pour chacun. Sa joie de vivre n’a pas échappé à Antony, capitaine de la marine marchande et sauveteur sur « l’Aquarius » qui était présent sur le stand voisin, celui de SOS Méditerranée. Alors la conversation s’engage, d’abord autour de la navigation, puisque Diane est aussi skippeuse et rentre tout juste d’un périple qui l’a menée de Bretagne en Espagne à bord d’un 13 mètres. Puis, lors du déjeuner autour de la grande table commune, Antony raconte les sauvetages de migrants entassés dans des embarcations de fortune, l’indéfectible solidarité des gens de mer pour qui toute vie humaine doit être préservée… Diane lui parle de « Revivre ensemble« , le film sur l’accueil des réfugiés dans les centres de vacances de la CCAS, qui est diffusé l’après-midi même et il devient évident que des liens vont se tisser entre la CCAS et SOS Méditerranée. « Le plus important, ce n’est pas ce qui se passe sur l’écran, mais le fait de pouvoir échanger, réfléchir ensemble, c’est à cela que sert le festival », souligne Yann Stéphant, qui en est le directeur.
Bruno Rathouit, le président de la CMCAS Finistère-Morbihan, est très satisfait d’avoir pu insérer un film réalisé par les équipes de la CCAS au sein de la programmation : « La thématique des frontières était parfaitement propice à la diffusion du film que nous avons réalisé sur l’accueil des migrants dans nos centres de vacances. En plus les images avaient été tournées pour partie dans la région, ce qui a permis aux personnes impliquées dans cette aventure collective de venir témoigner et échanger avec les bénéficiaires. Le débat était vraiment très riche, on a même manqué de temps, les gens ne voulaient plus partir… Cette initiative nous donne envie de proposer encore plus de contenu au sein du festival. Ce partenariat prend vraiment corps et mobilisent tous les élus de la région. »
D’ailleurs, Jean-François Coulin, le président du Comité de Coordination des CMCAS connaît bien le festival. Ancien président de la CMCAS Finistère-Morbihan, il a été l’un des artisans du partenariat et n’aurait, pour rien au monde, raté le 40e anniversaire de l’événement et mener le débat après la projection du film. Il se dit heureux de voir que les liens tissés il y a des années se renforcent et souligne l’ambiance exceptionnelle qui règne dans ce lieu ouvert où l’on parle sans tabou de sujets graves : « J’ai rencontré une équipe de bénévoles et de personnes très impliqués et très en phase avec ce festival dont le fil rouge est la défense de toutes les minorités. On se retrouve tous autour de valeurs communes et cela permet d’échanger librement et avec humour sur des sujets sérieux qui vont des parcours migratoires à l’insertion sociale et professionnelle des sourds ou des personnes homosexuelles ou intersexuelles. Une belle leçon de vie et d’ouverture à tous les mondes… »
En ce sens, le mercredi 23 août, la CCAS avait aussi choisi de présenter aux bénéficiaires « Belinda« , un film issu de la sélection de l’Acid, partenaire des Activités Sociales. Ce documentaire au long court est l’œuvre de Marie Dumora, qui, depuis près de quinze ans, filme une même famille haute en couleurs de Yéniches alsaciens (une branche du peuple gitan). Belinda, l’héroïne de ce nouveau film, apparaît à l’écran à 9 ans, elle vit avec sa sœur Sabrina dans un foyer pour enfants, sous l’égide d’un tuteur attentionné. Les deux petites filles turbulentes sont inséparables, mais doivent pourtant se quitter quand la seconde est transférée dans un autre établissement. Dans le deuxième chapitre, à 16 ans, la jeune fille aide aux préparatifs pour le baptême de son neveu, mais son père, emprisonné, ne peut assister à la cérémonie. Enfin, à 23 ans, elle attend que Thierry, son amoureux, sorte lui aussi de prison, pour l’épouser. Dans l’existence enfumée de Belinda, il y a toujours quelqu’un qui manque, que ce soit une sœur, un père, un frère ou un mari…
À l’issue de la projection, les spectateurs ont, comme souvent à Douarnenez, « pris une claque. »
C’était un film à la fois dur et poignant. On réalise qu’on n’a pas tous les mêmes chances au départ », commente Pierre, un habitant de Douarnenez venu en voisin. Il a pris son pass au tarif bénéficiaire et en profite pleinement : « Ma femme et moi, on voit au moins un film par jour durant le festival. En plus, on croise des gens que l’on n’a pas l’habitude de voir, c’est le monde qui vient à nous. »
Un bel enthousiasme que Diane Levesque tient à cultiver et à faire partager à encore plus de monde l’an prochain : « Cette année, nous n’avons pas péché par manque de communication, notre présence au festival était annoncée dans tous les centres de vacances, tous les vacanciers de la région ont reçu une invitation et la presse a été un excellent relais, mais le début du festival coïncide avec les premiers jours de beau temps après un été catastrophique…
Alors c’est normal que les estivants préfèrent aller à la plage plutôt que de s’enfermer dans une salle ! Mais on sent néanmoins un frémissement en terme de fréquentation et surtout d’implication des bénéficiaires qui ont témoigné un vif intérêt lors du débat qui a suivi la projection du film sur l’accueil des réfugiés dans nos centres de vacances. C’est pourquoi, l’année prochaine nous allons proposer un autre concept avec des séances en fin d’après-midi suivies d’un fest-noz le soir. J’ai bien l’intention de travailler plus étroitement avec l’Acid et les Activités Sociales pour proposer un programme cohérent et encore plus attractif !»
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