Le Mans, capitale des « peuples premiers »

Salon du livre la 25e heures au Le Mans © Sophie Chyrek/ccas

Salon du livre La 25e heure, Le Mans © Sophie Chyrek/ccas

Du 10 au 11 octobre dernier, la 25e heure du livre proposait rencontres, débats, forums lors d’un salon généraliste accueillant plus de deux cents auteurs. Comme chaque année, un salon thématique donnait la parole à des représentants des « peuples premiers ». Extraits.


« Je vis dans la forêt, grâce à la forêt. Si la forêt disparaît, je disparais aussi. » Le chef Papou Mundiya Kepanga (1), l’un des invités du grand débat du week-end intitulé « La rencontre des peuples premiers », parle d’une voix profonde. « Je viens de très loin. Il y a 860 tribus dans mon pays. Et le changement climatique arrive aussi chez nous. Jusqu’à il y a quelques années, de petits nuages venaient régulièrement nous apporter la pluie. Aujourd’hui ils ne viennent plus. Avec l’augmentation de la température, de petits vers s’installent chaque année dans nos plantations et rongent nos récoltes. Au moment où je vous parle, les gens de mon pays ont faim. »

Le Chef Papou Mundiya Kepanga © Sophie Chyrek/ccas

Le Chef Papou Mundiya Kepanga © Sophie Chyrek/ccas

C’est, depuis 2002, la volonté de la ville et de son maire, Jean-Claude Boulard, d’offrir une tribune à ces peuples des glaces, de la savane, du désert ou des grandes plaines dont les cultures longtemps restées essentiellement orales. Ils sont Touaregs, Dogons, Apaches, Mongols, Papous… A l’initiative des nouvelles générations, leurs cultures s’écrivent désormais pour former les littératures du monde. Qu’elles prennent la forme d’histoires, de romans, de contes, de poèmes.

Co-auteur avec Corinne Sombrun de Sauver la planète, aux éditions Albin Michel, l’Indien Surui Almir Narayagoma milite lui aussi pour la protection de sa terre natale, l’Amazonie. C’est l’un des plus grands activistes autochtones d’Amérique du Sud. Il est réfugié en Californie depuis 2007, date où sa tête a été mise à prix au Brésil par des exploitants forestiers illégaux. Diplômé de biologie, il a signé un partenariat avec Google Earth permettant aujourd’hui une surveillance plus efficace des régions illégalement déboisées. Près d’un cinquième de la forêt amazonienne a disparu en 50 ans. Pour laisser la place aux pratiques intensives d’élevage, d’agriculture et de production de bois responsables de 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Ce qui définit mon peuple, c’est sa relation avec la nature, déclare-t-il. La nature pour nous, c’est tout. La forêt c’est notre spiritualité. Sans forêt, mon peuple n’existerait pas. La nature dans laquelle vous vivez, c’est la même que la nôtre. Sur ce point, nous sommes tous égaux. Nous ressentons tous les mêmes effets du changement climatique. Nous devons donc tous penser ensemble pour voir comment il est possible d’utiliser la forêt avec une vison à long terme… »

L’écologie et le chamanisme dominent les débats de ce salon thématique. Mais il ne s’agit pas du chamanisme devenu tendance depuis quelques années. On « ne devient pas chamane en 48 heures » prévient Corinne Sombrun, musicienne, ancienne documentariste à la BBC devenue chamane à la suite d’un reportage en Mongolie. Ces « étincelles chamaniques » continuent d’intriguer les chercheurs en sciences cognitives. www.univ-paris-diderot.fr/Mediatheque

Harlyn Géronimo Arrière petit fils du Chef Apache Géronimo © Sophie Chyrek/ccas

Harlyn Géronimo, arrière petit-fils du Chef Apache Géronimo © S.C/ccas

Harlyn Geronimo, arrière petit-fils du chef Apache Geronimo, raconte comment il se sert « des plantes pour entrer en contact avec le monde spirituel, et c’est ce monde qui me guide. » Il rapporte qu’ « au Nouveau-Mexique, il y a désormais beaucoup de pluies et d’ouragans. C’était une région aride, ça ne l’est plus. L’érosion cause l’écroulement de pans entiers de montagne. Cela a bien sûr un impact négatif sur les réserves indiennes. »

Présent de Mongolie jusqu’aux Andes, le chamanisme n’est parfois plus visible. C’est le cas chez les Inuits mais il existe encore, témoigne à son tour Michèle Therrien (2), spécialiste d’ethnolinguistique inuit à l’Institut national des langues et des cultures orientales de Paris (Inalco). Elle cite un dicton : « Tant que le chasseur ne gaspille pas, les esprits animaux viendront l’alimenter ». Puisse l’esprit « premier » répandre sa sagesse sur la conférence mondiale à venir…

(1)Auteur de Au pays des Hommes blancs, éditions Niugini (2012).
(2)Auteure de Les Inuits, éditions Les Belles lettres (2012).

Pour en savoir plus: www.lecerclepolaire.com

Le musée du Quai Branly en résidence au Mans
Du 5 décembre 2015 au 13 mars 2016, le musée d’archéologie et d’histoire du Mans accueillera l’exposition Masques, beauté des esprits. Quelque 70 masques issus des sociétés traditionnelles des cinq continents issus des collections du quai Branly. Carré Plantagenêt. Tél. : 02 43 47 46 45
L’exploration inversée
Le chef papou est à Rouen jusqu’au 22 octobre (voir l’évènement). À l’invitation du Muséum d’histoire naturelle, Mundiya Kepanga assistera, aux côtés du photographe Marc Dozier, à la projection du documentaire dont il est le héros, L’exploration inversée. En 2007, le grand reporter emmène le chef papou dans un voyage à travers la France.  Un film de 100 minutes plein d’humour et de philosophie.
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