Les stratégies énergétiques en recomposition

Les stratégies énergétiques en recomposition | Journal des Activités Sociales de l'énergie | entreprises mutation

Éoliennes du Cap Fagnet près de Fécamp en Normandie. ©Getty Images/Thomas Roche

La transition énergétique est une affaire de grandes manoeuvres capitalistiques. Des entreprises que l’on croyait solides s’effondrent. D’autres se lancent dans des secteurs où on ne les aurait jamais attendues. Tour d’horizon des bouleversements en cours dans le secteur, qui ne seront pas sans conséquences sur l’évolution du statut des électriciens et des gaziers.


Chantiers internationaux hasardeux (comme les réacteurs EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni), inflation des coûts (comme ceux de la construction de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande, qui devrait entrer en service l’an prochain avec neuf ans de retard), doutes sur les provisions financières nécessaires à l’entretien du parc (55 milliards d’euros pour le grand carénage du parc électronucléaire français)… Toutes ces critiques si souvent entendues à juste titre ces derniers mois contre Areva et EDF s’appliquent parfaitement à un de leurs grands rivaux internationaux : le japonais Toshiba.

En 2006, Toshiba avait racheté, pour 5,4 milliards de dollars, son concurrent américain Westinghouse. Dans le monde du nucléaire civil, la marque était des plus prestigieuses. La compagnie avait été fondée en 1886 dans le secteur de l’industrie électrique, exploitant notamment des brevets issus d’inventions du célèbre Nikola Tesla. Depuis les années 1950, Westinghouse a construit 90 réacteurs dans le monde ; et le parc électronucléaire français fonctionne pour l’essentiel sous licence de technologies de l’entreprise. C’est cette compagnie emblématique du nucléaire civil qui vient d’être mise en faillite, le 29 mars dernier, par Toshiba, tant ses pertes s’accumulaient.

Jusqu’à la dernière goutte

« C’est au fond la même histoire qu’Areva, commente Yves Marignac, directeur de Wise-Paris, agence d’information proche du mouvement antinucléaire, avec un nouveau design de réacteur – l’AP1000 d’un côté, l’EPR de l’autre –, des promesses sur les coûts, et des difficultés à construire. Et comme pour Areva, l’ampleur des pertes et du risque pris sur la construction de réacteurs est telle que cela menace l’activité de toute une entreprise, alors que certaines de ses activités – dans les services – sont profitables. »

Les recompositions en cours des grands groupes de l’énergie ne se limitent pas au nucléaire. Les vieux spécialistes de l’extraction des hydrocarbures sont eux aussi à la manoeuvre. Certes, aux États-Unis, Exxon et Chevron, les deux plus gros producteurs de brut du monde, ont rejeté en mai 2016 les pressions de certains de leurs actionnaires leur demandant d’adapter leurs activités à la lutte contre le réchauffement climatique. Les deux firmes n’entendent pas se diversifier, et comptent, encouragées en cela par la nouvelle administration américaine, pomper les hydrocarbures jusqu’à la dernière goutte.

La tonalité est bien différente en Europe. Total, à travers sa filiale SunPower, compte par exemple « devenir un leader mondial du solaire ». Du Salvador à la Californie, de l’Afrique du Sud aux Émirats arabes unis, la compagnie pétrolière française a multiplié les investissements dans les fermes photovoltaïques, développant des technologies nouvelles comme celles des centrales à concentration thermique reposant sur des miroirs paraboliques. La transition énergétique en cours, dans le monde entier, remodèle les contours des grandes entreprises de l’énergie. Et donc nécessairement, dans les pays qui en disposent, ceux du service public de l’énergie.

Nucléaire concentré

La concentration est de plus en plus marquée dans le secteur du nucléaire civil, après le retrait de fait d’industriels importants, comme l’allemand Siemens, qui avait développé la technologie de l’EPR avec Framatome, ou l’américain General Electric. Le PDG de la firme américaine estimait que le nucléaire civil est « un business de souveraineté », à savoir trop dépendant des aléas politiques. Restent, outre Areva et Toshiba, les Coréens, les Russes et les Chinois. Les premiers ont choisi de développer une filière par modules, inspirée de la construction navale qui est un secteur d’excellence du pays.

Mais leur technologie, en dépit de succès spectaculaires comme lorsqu’elle a été choisie en 2015 par l’Arabie saoudite contre sa concurrente française, aura besoin d’être testée hors des frontières nationales. Les seconds viennent de raccorder au réseau les premiers VVER-1200, aux technologies, comme l’EPR, de troisième génération. Les offres d’achat (Finlande, Hongrie, Turquie, Inde…) sont nombreuses, mais mettent du temps à se concrétiser. En Chine, enfin, une vingtaine de réacteurs sont en construction, mais les deux champions nationaux chinois n’ont pas encore pu vendre leur savoir-faire hors d’Asie.

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