Les prochaines élections au Parlement européen du 26 mai prochain coïncident avec quasiment vingt ans de déréglementation du secteur de l’électricité et du gaz. Retour sur ces années de bouleversement.
Dans la grande diversité des architectures des systèmes électriques et gaziers des pays européens, la France, depuis 1946, a fait le choix d’un service public de l’énergie qui intègre en son sein les activités de production, de transport, de distribution, de commercialisation, de recherches et d’innovations. Il s’appuie sur le principe de l’égalité de traitement de chacun des consommateurs et la péréquation tarifaire, c’est-à-dire un prix unique du kilowattheure, quelle que soit la zone géographique desservie, îles comprises.
La production française est une des plus décarbonées d’Europe et le prix du kilowatt-heure, un des moins chers. L’électricité est devenue un bien de première nécessité. La Commission européenne et les majorités néolibérales d’Europe, durant ces vingt dernières années, n’ont poursuivi qu’un seul objectif : construire un marché unique de l’électricité et du gaz, via l’édification d’un marché libéralisé.
Les comités d’entreprise mobilisés
À l’annonce de la mise en oeuvre du « quatrième paquet énergétique », concocté par la Commission et le Parlement européen l’an passé, les comités d’entreprise d’EDF, d’Enedis, de GRDF et d’Engie ont dénoncé la volonté affichée de « transformer profondément la gouvernance énergétique au profit d’une libéralisation maximale du secteur ».
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Et de lancer un appel : « Nous, élus des différents comités d’entreprise, vous invitons à défendre un projet de société qui passe par un vrai service public de l’énergie, garant de la cohésion sociale, de l’égalité de traitement, de la solidarité et de l’optimum économique pour la meilleure qualité au moindre coût. » La précarité électrique et gazière touchait 3,8 millions de ménages en France en 2018, soit 5 % de plus qu’en 2017, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique.
En juin 1996, dix ans après l’Acte unique de 1986, est adoptée la directive 96/92 du Parlement européen et du Conseil, qui marque une première étape dans la réalisation du marché intérieur par la libéralisation du secteur des industries électriques et gazières. Elle contient une ouverture minimale à la concurrence pour les gros consommateurs et l’accès des tiers aux réseaux (la possibilité de faire circuler sur les réseaux des productions autres que celle d’EDF).
En 2003, un règlement « fixe des règles équitables pour les échanges transfrontaliers afin d’améliorer la concurrence sur le marché intérieur ». Le libre-échange électrique est institué. De 2004 à 2007, successivement les marchés des gros et moyens industriels et des consommateurs résidentiels s’ouvrent à la concurrence. Avec l’obligation de séparation comptable puis juridique des réseaux et certaines obligations de service public et de service universel.
Monopoly Néolibéral
En 2004, EDF et GDF deviennent des sociétés anonymes. Un an plus tard, l’État cède 15 % de sa participation dans l’électricien national et 12% dans le capital du gazier. En 2006, le débat parlementaire sur la fusion de GDF et de Suez débute, pour se conclure par une fusion. Dans la corbeille, GDF, dont l’État ne détient plus qu’un peu plus du tiers des participations, apporte 31 000 km de de gazoducs, 185 000 km de canalisation, douze méthaniers, douze sites de stockage et trois terminaux. En 2015, l’entreprise privatisée prendra le nom d’Engie.
La directive du 13 juillet 2009 pose le principe de dissociation comptable des réseaux de transport et de distribution, réglemente les objectifs, missions et compétences des autorités nationales de régulation. Est alors instituée une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer), dotée de la personnalité juridique.
Mais, pour des raisons à la fois techniques et économiques, la concurrence peine encore à s’installer. Poweo (aujourd’hui disparu) et Direct Énergie (racheté récemment par Total) sont les tout premiers commercialisateurs privés d’électricité. Aujourd’hui, la part des tarifs concurrentiels représente, au 4e trimestre 2018, 22 % des sites résidentiels et 23,3 % des non résidentiels.
Le 1er juillet 2011, la loi Nome, votée par 294 députés sur 506, franchit un cap dans cette volonté d’installer des adversaires au service public, en l’obligeant à vendre un quart de sa production électrique nucléaire (100 TWh), à prix fixe. Une aubaine quand les prix de gros se mettent à grimper sur les bourses de l’électricité.
Un prix d’une grande complexité
Ce qui s’est effectivement produit cet automne, après trois ans de prix du MW inférieur à celui de l’Arenh (Accès régulé à l’énergie nucléaire historique). Le prix de l’électricité est devenu d’une extrême complexité. Les correctifs du marché s’empilent : taxe carbone, certificat d’économie, de capacité, de garanties d’origines renouvelables. Les tarifs régulés ont augmenté d’environ 36 % depuis 2010.
Aujourd’hui, ils grimpent, car ils sont affectés par le prix des marchés européens de l’électricité, ce que dénonce l’Autorité de la concurrence. Enfin, la récente mise en demeure par la Commission européenne faite à huit pays de l’Union d’ouvrir à la privatisation leurs barrages électriques vient couronner de manière autoritaire vingt années de tentatives de libéralisation soldées par un demi-échec et une augmentation des tarifs.
Quant à la récente annonce du « découpage » du groupe EDF, le secrétaire CGT du comité d’entreprise d’EDF, François Dos Santos, déclarait dans « le Monde » du 15 avril : « Ni la CGT ni le comité central d’entreprise ne sont favorables à un montage qui vise à accroître la part privée du capital. Nous allons réfléchir à la mobilisation dès maintenant ; quand le plan aura été adopté par Macron et vendu à Bruxelles, ce sera trop tard. »
Tags: À la une EDF Engie Europe Précarité Syndicats
Vous avez dit élection le 26 mai. Il ne s’agit pas de lire ou écouter les professions de foi des candidats, regardez plutôt depuis 1946 qui a fais quoi, et qui a démoli et continu à démolir.
il faudrait que les usagers soient bien plus conscient qu’ils, elles ne le sont de ce que l’Europe peut être néfaste sur les services public. Le 26 Mai il faut voter, voter bien.
A lire, aux éditions UTOPIA, les voleurs d’énergie qui résume bien la situation….:)
Oui il faudra bien lire les programmes des différents candidats aux élections Européennes et voter pour ceux qui défendront le service public car après, vous avez bien raison, ce sera trop tard.