La colo est propice aux activités de toute sorte et à la rigolade avec les copains. Au centre de Lion-sur-Mer (Calvados), les petits de 9 à 11 ans s’en donnent à cœur joie. Avec la mer à deux pas, c’est un vrai paradis ! Voile et sports tous azimuts sont au programme des sessions de juillet. Mais la lecture et l’initiative prix Chronos Vacances sont également intégrées au projet pédagogique du centre.
Manon est catégorique, elle est incapable de se prononcer. « Je ne pourrai pas choisir. C’est compliqué, les quatre livres sont tous bien ! Je n’arrive pas à me décider », conclut la fillette de 11 ans. Ici, à Lion-sur-Mer, la colo participe, comme une soixantaine d’autres centres, au prix Chronos Vacances dont la CCAS est partenaire depuis onze ans. Les enfants, après avoir lu les quatre albums de littérature jeunesse sélectionnés par l’Uniopss (voir encadré), doivent désigner celui qu’ils préfèrent.
Plus d’une soixantaine de centres de vacances CCAS dans toute la France prennent part, cet été, au prix Chronos Vacances 2019. Une majorité de colos mais aussi des centres adultes et familles volontaires se sont engagés dans cette initiative soutenue par la CCAS depuis 2008.
Cette année, la sélection est de grande qualité : « Pie Chat Hibou », « Une grand-mère formidable », « D’une petite graine verte » et « Vieux Jules » sont en compétition. Ces récits abordent des sujets délicats, parfois graves et douloureux, comme la solitude, la maladie, la vieillesse, en valorisant l’entraide, les relations entre les générations et la transmission du savoir.
« Ça nous apprend de nouveaux mots !’
Lire est « un vrai plaisir » pour Manon : « En plus ça nous apprend des nouveaux mots. » Tandis que certains colons ont mis les voiles pour s’adonner aux jeux de plage, d’autres s’affairent à peindre une fresque. L’idée est de représenter de différentes façons l’histoire des quatre livres du prix Chronos. « Nous, on peint l’histoire de « Pie Chat Hibou », trois animaux copains qui se chamaillent puis redeviennent amis, annonce Garance, 11 ans. Mais d’autres créent des marionnettes ou font une vidéo. »
« Pie Chat Hibou » parle de « l’injustice », selon Manon, « le hibou ne peut rien faire parce qu’il n’a pas de bras. C’est pas une raison pour que la pie et le chat, ses amis, l’abandonnent, fait-elle remarquer. Tout le monde est utile à la collectivité. » Corentin, 11 ans, s’applique à colorer la fresque. Lui retient de ce récit l’amitié entre les animaux : « Un ami reste un ami, revendique-t-il. On doit penser aux amis qui ont des problèmes et pardonner à ceux qui agissent mal. » Penser à ceux qu’on aime… Justement, Corentin vient de recevoir une carte – un chat, son animal préféré – de son papy Jean-Jacques et de sa mamie Catalina. « Moi, j’ai trois grands-mères », déclare-t-il fièrement.
Ces chers aïeux
De grands-parents, il en est question dans « Vieux Jules » et dans « Une grand-mère formidable », qui remporte un vif succès auprès des gamins de Lion-sur-Mer. « Les enfants aiment cette histoire parce qu’elle est heureuse, c’est la joie de vivre à deux. Ça leur rappelle leurs grands-parents », en déduit Charlotte, 12 ans. « J’aime bouquiner. Quand tu lis, tu imagines », commente Aminata, 10 ans. Elle votera pour « Une grand-mère formidable ».
Car c’est le principe du prix Chronos, les petits votent à bulletin secret pour leur coup de cœur. « Ce qu’il y a de bien à la CCAS, c’est qu’on donne son avis. Car quand on est enfant, on n’est pas trop écouté », glisse Aminata. Entre « Une grand-mère formidable » et « Vieux Jules », le cœur de Léa balance. « Jules perd la mémoire. Je trouve que c’est une vraie belle histoire, pas inventée, comme dans la réalité », décrypte la gamine de 12 ans. « Les mamies nous apprennent beaucoup de choses. Je m’entends bien avec elles. Plus tard, je ferai un métier où l’on s’occupe des personnes âgées », confie-t-elle.
Désacraliser la lecture
Fleur, qui adore bouquiner – « ça me calme, ça me change les idées quand je suis triste, énervée ou quand j’ai peur » –, hésite également. À 11 ans, la demoiselle aime par-dessus tout lire les histoires à haute voix, comme le lui a appris sa maman, pour ses copines de chambrée qui, elles, ne lisent pas. « Quand on met le ton, on comprend mieux l’histoire », assure-t-elle.
Donner le goût des livres est aussi l’ambition de la directrice, Marion Gravelle. « L’idée est de désacraliser la lecture. Les ouvrages sont à disposition partout dans la colo », explique-t-elle. La démarche du prix Chronos Vacances offre un prétexte rêvé pour développer toute sorte d’animations. Ainsi, les amateurs de littérature lisent les récits du prix Chronos à ceux qui peinent à ouvrir un bouquin. Dès lors, tout le monde est impliqué dans la démarche, et chacun pourra voter à la fin du séjour. N’est-ce pas là la démocratie ?
La CCAS remettra le prix Chronos Vacances 2019 à l’auteur plébiscité par les enfants, le 12 octobre prochain au centre de La Ville-du-Bois (Essonne), lors du festival Les jeunes et les enfants d’abord ! et s’engage par ailleurs à informer chaque juré, par courrier, du nom du lauréat dès le résultat du vote connu.
Prix Chronos Vacances : inciter à lire et réfléchir
Créé en 1996 par la Fondation nationale de gérontologie, le prix Chronos Vacances est porté par l’Uniopss* depuis 2014. Il a pour vocation de stimuler le goût de la lecture chez les plus petits, de développer leur réflexion sur des sujets graves, parfois même sombres, et libérer l’expression de leur ressenti sur des questions délicates, souvent taboues, que les adultes ne savent ou n’osent évoquer avec eux.
Le prix Chronos Vacances ambitionne, par ailleurs, de les éduquer à la citoyenneté. D’abord par le biais des thématiques évoquées – il y est toujours question de l’autre avec ses différences –, puis par l’acte sacralisé du vote individuel.
* Uniopss : Union nationale interfédérale des œuvres et des organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.