Réforme des retraites : ce que ça change pour vous

Agents Enedis en intervention.

La réforme des retraites du gouvernement Borne annoncée le 10 janvier 2023 éteint les droits du régime spécial de retraite des agents de l’énergie pour les nouveaux embauchés. ©Charles Crié / CCAS

Le projet phare du second quinquennat d’Emmanuel Macron prévoit de décaler à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite et de fermer le régime spécial de retraite des Industries électriques et gazières aux nouveaux embauchés. Décryptage. 

Élisabeth Borne a présenté mardi 10 janvier 2023 les grandes lignes de la réforme des retraites voulue par le président de la République, la huitième en trente ans. Un projet « de justice », « porteur de progrès social », a martelé la Première ministre. Pourtant, trois des principales mesures annoncées ne vont manifestement pas dans ce sens :

  • le passage de 62 à 64 ans de l’ouverture des droits à la retraite pour tous les salariés, y compris pour les agents des Industries électriques et gazières (IEG) ;
  • l’obligation, dès 2027 (au lieu de 2035 dans la loi précédente), de cumuler 43 annuités pour prétendre à une retraite à taux plein ;
  • la suppression, dès le 1er septembre 2023, des régimes spéciaux de retraite pour les salariés qui entrent dans les IEG, à la RATP, à la Banque de France, au Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que pour les clercs et employés de notaire nouvellement recrutés.

En cas d’application, ces mesures porteront un coup très dur à l’ensemble des salariés des IEG, mais également au modèle de protection sociale en vigueur dans nos entreprises depuis 1946.

Pour les nouveaux embauchés : suppression du régime spécial de retraite des IEG 

Dans la réforme Borne, les agents embauchés à partir du 1er septembre 2023 n’auront plus accès au régime spécial de retraite des IEG.

Les nouveaux embauchés ne seront plus affiliés au régime spécial des IEG, actuellement géré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) pour leur complémentaire retraite. Ils seront entièrement affiliés au régime général de retraite géré par la Cnav et l’Agirc-Arrco. C’est l’application de la fameuse « clause du grand-père », qui s’applique déjà à la SNCF depuis le 1er janvier 2020. Contrairement à leurs collègues statutaires, ces salariés ne pourront donc pas prétendre aux mesures de départ anticipé en raison de la pénibilité de leur travail (service actif : astreinte, travail de nuit, charges lourdes, etc.).

Étant donné que la réforme s’attaque au régime spécial de retraite sans toucher au reste de la protection sociale des électriciens et gaziers, les nouveaux embauchés, une fois arrivés à la retraite, sont censés être couverts par le régime spécial des IEG pour les autres risques de sécurité sociale (maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, décès et invalidité). Mais, en l’état actuel du texte de loi, rien ne le certifie.

Pour les agents actuellement en poste : un impact certain aux contours flous

Avec la réforme Borne, les agents en poste avant le 1er septembre 2023 subiront l’augmentation de l’âge légal et l’allongement de la durée de cotisation, selon un calendrier qui reste à définir.

Si la volonté de l’exécutif est claire à propos des futurs embauchés (il s’agit de les exclure du régime spécial), elle l’est beaucoup moins au sujet des agents déjà en poste. Notamment en ce qui concerne l’application de ses deux principales mesures : le passage de l’âge légal de départ à 64 ans et l’avancement à 2027 (au lieu de 2035 dans la loi Touraine) de la date de passage à 43 années de cotisations nécessaires pour avoir une retraite à taux plein. 

« Le décalage progressif de deux ans de l’âge légal et l’accélération de la réforme Touraine s’appliqueront aux salariés actuels des régimes spéciaux mais en tenant compte de leurs spécificités », affirme de manière sibylline le gouvernement dans son dossier de presse.

Nul ne peut donc dire aujourd’hui ce qu’Élisabeth Borne et son ministre du Travail Olivier Dussopt pourraient (ou non) concéder aux syndicats des IEG dans les semaines ou mois qui viennent afin de faire passer leur projet. Ils prévoient en tout cas de « consulter » les entreprises et les branches concernées en vue de prendre un décret avant l’été. Mais la suppression des régimes spéciaux de retraite (ou les modalités de cette suppression) ne fait pas partie des sujets ouverts à cette « consultation ».

Pour les syndicats de la branche des IEG, tous unis contre la réforme, l’heure n’est ni à la consultation ni à la main tendue. « Ces derniers mois, le gouvernement ne nous a proposé aucune concertation en intersyndicale sur les régimes spéciaux au niveau des fédérations », regrette Véronique Bouysset, administratrice CFE-Énergies de la Cnieg. De fait, ce projet de réforme apparaît comme une véritable provocation aux yeux des syndicats.

Ce qui changera avec la réforme Borne pour les agents en poste au 1er septembre 2023

Avant la réforme Après la réforme
Âge légal
Les agents sédentaires nés en 1962 et après peuvent partir à la retraite à partir de 62 ans. L’âge légal de départ à la retraite reculera d’un trimestre par an à partir de 2025 pour passer à 64 ans en 2030.
Départ anticipé
Aujourd’hui, les départs anticipés sont possibles à 57 ans pour les agents ayant 17 ans de service actif, insalubre ou militaire. Les départs anticipés seront progressivement repoussés de 2 ans pour ces agents malgré la pénibilité de leur travail.
Durée de cotisation
Dans la loi actuelle (réforme Touraine), 43 annuités et 172 trimestres seront nécessaires à partir de 2035 (pour les agents nés à partir de 1973) pour avoir une retraite à taux plein. Avec la réforme, 43 annuités seront nécessaires dès 2027 (pour les agents nés à partir de 1965) pour avoir une retraite à taux plein.
Décote
Même s’ils n’ont pas toutes les annuités nécessaires, les agents des IEG, comme les autres salariés, peuvent partir à la retraite à 67 ans sans décote. En principe, l’âge de fin de la décote ne change pas malgré l’augmentation de l’âge légal de départ. Mais, à ce jour, le projet de loi n’apporte pas de précisions sur ce point.

Outre l’impact sur la retraite des agents, les syndicats dénoncent les graves effets pervers qu’engendrera cette réforme à court et long terme, notamment :

La cohabitation entre deux statuts. La fin du bénéfice du régime spécial de retraite des IEG  « est totalement injuste pour les nouveaux embauchés, qui devront effectuer les mêmes tâches au sein d’un même service. Un monteur anciennement embauché, par exemple, bénéficiera d’un départ à la retraite anticipé, mais ce ne sera pas le cas de son jeune collègue [recruté après le 1er septembre 2023, ndlr]. Deux statuts dans une même entreprise, ce n’est pas sain ! », fustige Soraya Lucatelli, administratrice (FNME-CGT) de la Cnieg. La question de la pénibilité peut illustrer cette problématique : aujourd’hui, elle est prise en compte en fonction du poste, demain, elle le sera par agent et à titre individuel pour les nouveaux embauchés.

Le déséquilibre du régime. Avec la suppression du régime spécial de retraite, les entreprises des IEG risquent fort de connaître les mêmes déboires que des entreprises publiques comme France Télécom, dont le régime de retraite a été fermé aux nouveaux embauchés : la baisse relative du nombre de cotisants par rapport au nombre de pensionnés va très vite créer un déséquilibre financier au sein du régime des IEG, alertent d’une même voix Soraya Lucatelli et Véronique Bouysset.

Les organisations syndicales de la branche des IEG voient dans cette réforme des retraites l’ouverture d’une brèche inédite dans le statut des électriciens et gaziers, brèche qui ne pourra que s’élargir. La FNME-CGT, la CFE-Énergies, la FCE-CFDT et la FNEM-FO, n’ont qu’une idée en tête : le retrait pur et simple d’une loi qu’ils jugent injuste, inutile et dangereuse.


Vous êtes agent statutaire et souhaitez connaître vos droits à la retraite ?

Rendez-vous sur le site de la CNIEG

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