La valeur du point d’indice dans le calcul des pensions pose de nouveau de nombreuses interrogations sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, comme celui des Industries électriques et gazières, engagée par le gouvernement.
La réforme des retraites sera le gros dossier social des mois à venir. Le gouvernement d’Édouard Philippe, appliquant le programme du candidat Macron qui souhaitait qu’ »un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé », en a lancé le chantier dès septembre 2017, avec la nomination de l’ancien ministre de la Fonction publique, Jean-Paul Delevoye, au poste de haut-commissaire à la réforme des retraites. Une concertation est en cours, qui devrait déboucher sur un projet de loi examiné au Parlement à l’été 2019. Un point est d’ores et déjà certain : les régimes spéciaux de retraite, comme celui des électriciens et gaziers, risquent de faire les frais de cette réforme.
42 régimes spéciaux pour 5 millions de salariés
Il existe aujourd’hui en France 42 régimes spéciaux de retraite, dont bénéficient quelque 5 millions de salariés. Ils sont le produit de l’histoire, des luttes des salariés des générations antérieures. Ils ne font souvent que reconnaître une pénibilité du travail, en permettant un départ plus jeune à la retraite, comme chez les cheminots… ou les danseurs de l’Opéra de Paris.
Le régime spécial des électriciens et gaziers, défi ni dans le cadre de la loi de nationalisation de l’énergie portée par Marcel Paul en 1946, est aujourd’hui géré par la Caisse nationale de retraite des Industries électriques et gazières (Cnieg). Il permet un départ à la retraite à 60 ans ou à 55 ans pour les salariés ayant accompli quinze ans de service actif ou dix ans de service insalubre (âge qui va progressivement aller vers 62 ans et 57 ans pour les générations nées après 1957). La pension de retraite à taux plein est calculée sur la base de 75 % du dernier salaire (hors primes), alors que le régime général est indexé, depuis la réforme Balladur de 1993, sur les 25 meilleures années. Ce mode de calcul compense des taux de cotisations plus élevés dans la branche des IEG que dans la moyenne du secteur privé.
Vers une homogénéisation des pensions
C’est à ces régimes spéciaux de retraite que le gouvernement entend s’attaquer, comme l’a redit Emmanuel Macron à l’occasion de son entretien télévisé du 15 avril. Officiellement, l’heure est toujours à la concertation. Les organisations syndicales, le groupe EDF, principal employeur de la branche des IEG avec 137 000 salariés dont 82 % dépendent du régime spécial de retraite, et les organisations patronales seront entendus cet automne. Les projets gouvernementaux sont d’ores et déjà explicites. Il s’agit d’instaurer un système de retraite par points. Chaque salarié cumulerait durant sa carrière professionnelle des points donnant droit à une pension. Le montant de cette dernière serait alors déterminé par le produit du nombre de points cumulés et de la valeur du point. Ce système a pour lui l’apparence de l’équité : il conduirait à une homogénéisation des pensions entre salariés, quelle qu’ait été leur carrière professionnelle.
La retraite, une variable d’ajustement ?
Si l’on y regarde de plus près, le système de retraite par points sape dans ses fondements même l’idée de retraite par répartition. Aujourd’hui, le montant de la pension est indexé sur le salaire perçu durant la période d’activité professionnelle. C’est là une garantie pour le salarié. Mais qu’en sera-t-il si le montant de la pension devait être indexé sur une valeur du point de retraite fixé par le gouvernement ? L’exemple de la fonction publique, dont la valeur du point d’indice n’a pas été revalorisée depuis des années, est dans tous les esprits.
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On peut craindre que la valeur du point de retraite ne devienne une variable d’ajustement de la politique économique de l’État. Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, expliquait ainsi devant le Sénat le 19 avril que le « vrai sujet » était pour lui que « le système de demain soit adaptable soit aux périodes de tempête soit aux périodes de croissance ». Manière de dire que les périodes de récession économique pourraient impliquer une diminution de la pension versée aux retraités.
Une autre critique que l’on peut formuler à l’encontre du système de retraite par points est qu’il méconnaît la complexité des itinéraires professionnels. Il n’est pas rare que des périodes de salariat alternent avec des périodes de chômage, de formation ou de congés pour raisons personnelles, toutes périodes durant lesquelles aucun droit à la retraite ne sera acquis selon le système par points. Les femmes en seront clairement les premières victimes. Comme y invite la Cnieg, il est temps pour les salariés d’exprimer leur opinion sur la réforme qui se profile, par exemple sur le site participez.reforme-retraite.gouv.fr.
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