L’ONG de sauvetage en mer, dont les Activités Sociales sont partenaires, tire la sonnette d’alarme, alors que des centaines d’hommes et de femmes en quête d’avenir périssent en mer.
Un soleil oméga se lève sur les eaux turquoise de la Méditerranée. À quelques miles des côtes libyennes, une petite embarcation manque de se briser, coupée par des vagues en forme de lames. À son bord, une cinquantaine d’hommes, de femmes, d’enfants entassés. Cap vers l’ouest. Un esquif parmi tant d’autres, une histoire tristement banale et des images qui tournent en boucle. Certains de ces exilés toucheront terre. D’autres, malheureusement, périront en mer.
La Méditerranée est aujourd’hui la route migratoire la plus empruntée au monde. Mais également la plus meurtrière. D’après les chiffres de l’Organisation internationale de la migration (OIM), plus de 20 000 personnes seraient mortes en tentant de rejoindre les côtes européennes.
« En 2020, et dans l’indifférence quasi générale, hommes, femmes et enfants périssent aux portes de l’Europe », s’indigne Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée. Et de préciser que cette ONG, fondée en 2015 pour porter secours à celles et ceux qui risquent leur vie en mer, a été créée « en réaction au manque de considération, ainsi qu’à l’absence de dispositif institutionnel. Nous avons décidé de nous organiser afin de porter assistance aux naufragés et aux bateaux en difficulté. »
Appel aux dons
Aujourd’hui SOS Méditerranée lance un appel aux dons pour l’aider à financer les opérations en mer.
650 bénévoles réparties dans 17 villes de France mènent au quotidien des actions de sensibilisation, pour informer de la situation en mer et mobiliser un maximum de citoyens à leurs côtés.
En cinq ans d’existence, SOS Méditerranée a secouru 31 799 personnes, « dont le quart était des mineurs non accompagnés », pour près de 270 interventions. Le credo de l’association : appliquer et faire appliquer la réglementation internationale du secours en mer.
« Malheureusement, tout est fait pour que les personnes n’arrivent pas jusqu’à nos côtes. C’est un véritable cercle vicieux, regrette Sophie Beau. L’arrivée de plus de 600 000 migrants, entre 2014 et 2017, a créé une forte pression sur le gouvernement italien, conduisant ce dernier – qui refuse d’assumer pleinement l’accueil des réfugiés – à concevoir une politique de ré-externalisation des flux migratoires, notamment vers la Libye. Depuis 2018, nous avons affaire à de nombreuses entraves à nos actions de sauvetage », dénonce-t-elle.
Après l' »Aquarius », l' »Ocean Viking » immobilisé
En point d’orgue, la mise sous séquestre, courant 2018, de l’ »Aquarius » – ce navire affrété entre février 2016 et décembre 2018 par l’association SOS Méditerranée – pour non-conformité au règlement sanitaire. C’est le moment qu’ont choisi les autorités italiennes pour transférer la responsabilité de la coordination des sauvetages en mer aux garde-côtes libyens.
« Nous pouvons aujourd’hui affirmer que cette coordination n’a pas eu lieu, révèle Sophie Beau. Des dizaines d’embarcations disparaissent chaque semaine sans même qu’on le sache. C’est dramatique. Il est impératif d’agir ! » Alors qu’au moins cinq migrants, dont un bébé (dont la poignante vidéo de la mère a circulé sur les réseaux sociaux), ont encore péri mi-novembre, au large des côtes libyennes, les responsables de SOS Méditerranée réclament une flotte européenne de sauvetage en mer, comme en Italie, en 2013 et 2014, avec l’opération Mare Nostrum.
« Depuis, malheureusement… plus rien », s’inquiète la représentante de l’ONG. Pire encore, d’après elle, « toutes les opérations militaires qui avaient lieu dans la région, dans la zone la plus mortelle de Méditerranée centrale, ont été repoussées plus loin par les États européens, pour éviter de se porter au chevet des embarcations en détresse ».
« Les ONG de sauvetage ont été désignées comme boucs émissaires. »
Aujourd’hui c’est l’ »Ocean Viking », navire de SOS Méditerranée remplaçant l’ »Aquarius », qui est retenu en Italie par les autorités qui réclament des aménagements dits de sécurité. « Nos navires ne seraient pas habilités à ramener autant de passagers à terre », explique la représentante. Le mot « passager » est très important, puisque, dans le droit maritime, les personnes secourues en mer ne sont pas des passagers mais des naufragés. L’assistance en mer n’a pas besoin d’être habilitée pour transporter des centaines de passagers. « C’est une action humanitaire d’urgence, afin de sauver des vies. Nous estimons que les Italiens jouent sur cette interprétation du droit maritime. »
C’est sur cet argumentaire que les bateaux auraient été arrêtés, les uns après les autres, estime Sophie Beau. « Des procès nous sont intentés, on bloque nos navires, et on cherche à nous museler, à travers de nombreuses campagnes de dénigrement (…) les ONG de sauvetage ont été désignées comme boucs émissaires, dans un sujet largement instrumentalisé politiquement. » Parti en mer pour sa première mission le 4 août 2019, l' »Ocean Viking » a permis de secourir 2 276 personnes, jusqu’à sa rétention administrative en juin 2020.
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