Près de 50 000 citoyens de 122 pays ont investi Tunis du 24 au 28 mars à l’occasion du 11e Forum social mondial (FSM). Parmi eux, les participants au premier séjour organisé par la CCAS autour de ce grand rendez-vous militant.
La pluie ne les a pas découragés. De jeunes Tunisiens chantent et dansent joyeusement au rythme des tambours entre les bâtiments de la faculté de droit. Sous le porche qui mène vers la fac de sciences économiques, des hommes et des femmes en chasuble jaune fluo discutent devant une grande banderole où l’on peut lire : « Caravane des sans-papiers et migrants – FSM 2015 ». Sur tout le campus s’alignent stands d’associations, d’ONG, de syndicats. Ici des prises de parole spontanées en public, là des mini-manifestations plus ou moins organisées. Des photos des héros et martyrs de la démocratie sont brandies par une foule scandant l’un des slogans de la révolution tunisienne « Travail, liberté, dignité ». Plus loin, à l’abri d’une haie, un petit cercle de discussion sur le thème des mouvements sociaux s’est formé. Derrière les portes des salles de classe et des amphis, l’autre cœur du forum bat plus discrètement. Mais c’est un véritable laboratoire, un bouillonnement d’idées et de propositions qui préparent les fondations d’un autre monde.
DES PARTICIPANTS venus de tous les continents, plus d’un millier d’ateliers, débats et conférences, des centaines de bénévoles dont 240 interprètes… Au FSM, on discute de tout : citoyenneté et éducation, culture et religion, droits des migrants, justice sociale, transition écologique, droits des femmes, finance et économie. Souvent, l’enjeu est de taille. Exemple : comment faire respecter les droits des travailleurs par les multinationales ? Deux ans après l’effondrement d’une usine textile au Bangladesh, qui a fait plus de 1 100 morts, les familles ne sont toujours pas indemnisées. À Tunis, ONG et syndicats veulent mondialiser le mouvement pour un traité sur le respect des droits humains par les entreprises. « Ici, l’articulation entre sociétés civiles du Nord et du Sud est particulièrement intéressante », note Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif français De l’éthique sur l’étiquette. En France, l’Assemblée nationale vient justement de voter une loi sur le « devoir de vigilance » des sociétés mères et donneuses d’ordre. Une résolution en ce sens a aussi été adoptée par les Nations unies.
LA MULTIPLICITÉ des ateliers et des sujets abordés au FSM rend incontournable le travail de synthèse. C’est le rôle des « assemblées de convergence » qui convergent elles-mêmes en une assemblée des mouvements sociaux. Premier item abordé : la dette. « C’est un outil de soumission des peuples. Il faut briser la dette illégitime ! » s’exclame à la tribune Éric Toussaint, du Comité d’annulation de la dette du tiersmonde (CADTM). Autre question très présente au forum, la question climatique, portée par de nombreux collectifs dont la Coalition climat et le réseau Alternatiba. « Nous voulons pointer du doigt les responsables du dérèglement climatique, mais aussi montrer que nous mouvements sociaux et citoyens avons déjà des alternatives à proposer », entonne Max Rademacher. L’animateur d’Alternatiba appelle à une « mobilisation historique » à Paris et dans toutes les capitales du monde avant la clôture de la COP21, qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris, le Bourget. C’est ensuite au tour de Meral Zin Çiçek de prendre le micro. Porte-parole du mouvement des femmes kurdes, elle parle avec force et passion : « L’un des mouvement sociaux les plus importants de notre époque se trouve au Kurdistan, lance-t-elle à l’assemblée. C’est une révolution menée par les femmes. Nous mettons en place un système anticapitaliste, démocratique, participatif, écologiste. Nous montrons qu’un autre monde est possible. »
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