Arras : un salon du livre et de la convergence des luttes

Arras : un salon du livre et de la convergence des luttes | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 146097

Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale, le 1er Mai 2024 à Arras (Pas-de-Calais). ©Julien Millet/CCAS

Chaque 1er Mai, le Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale ouvre ses portes aux visiteurs sur la Grand-Place de la ville d’Arras (Pas-de-Calais). L’occasion pour beaucoup de militants de se retrouver, et l’occasion pour la rédaction de prendre le pouls des luttes qu’il est impératif de mener.

En cette journée du 1er Mai, sur la Grand-Place de la ville d’Arras, et sous un soleil plus que bienvenu, des centaines de personnes déambulent dans les allées du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale. Pour cette 23e édition organisée par l’association Colères du présent, partenaire des Activités Sociales, les collectifs, associations, artistes auteurs et bouquinistes ont investi la place emblématique ceinturée de maisons à l’architecture baroque flamande, si singulière.

La thématique de cette année s’articule autour des « Langages » et de l’expression sous toutes ses formes. L’éducation populaire est également portée par Colères du présent. L’association y rappelle sur son stand que toute l’année elle réalise des débats, des ateliers d’écriture ou de conception de livres, autant de façons de « permettre à tous de faire entendre sa voix, de se saisir de ses ‘armes de construction massive’ que sont l’écriture et la lecture », selon l’association.

« L’éducation populaire est pour l’association Colère du présent et moi-même un véritable vecteur de création et de transformation sociale, témoigne Stéphanie Delcloque, directrice de l’association Colère du présent. Dans le sillage du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale, nous menons des actions toute l’année sur Arras et la région. Entre les conceptions collectives de livres, l’animation d’atelier d’écriture et de débats avec les habitants des quartiers, nous sommes un peu sur tous les fronts, mais c’est ce qui nous donne de la force. C’est aussi le moment pour chacun d’exprimer ses colères pour lutter contre le sentiment de résignation. Je pense que l’on est tous capable de raconter et d’écrire une histoire pour favoriser l’expression et la transmission chez les jeunes comme chez les moins jeunes. »

À dr., Stéphanie Delcloque, directrice de l’association Colère du présent, organisatrice du Salon du livre d’Arras. ©Julien Millet/CCAS

D’ailleurs la première conférence sur les banlieues et la culture urbaine vient tout juste de démarrer. C’est un musicien, Loulou Dedola qui retrace au micro ses aventures en banlieue, loin des stéréotypes. « Tu as pris de quoi noter ? » lance Florence à sa fille Pauline, qui s’empresse de lui répondre avec ironie : « Nous sommes le 1er Mai, maman. On peut se détendre un peu. » Première revendication mise sur la table ?

Quoi qu’il en soit, des militants de tous horizons et de tous âges se retrouvent sur le salon. Pour eux, c’est le moment de porter leurs messages revendicatifs mais aussi de se retrouver pour s’épauler et se redonner de la force.

Un avant-goût des luttes en cours et à mener

Sans surprise, la question de la réduction des droits des chômeurs et des plus précaires en général, est préoccupante. C’est devant un petit stand tenu par La Brique, un journal lillois indépendant qui relate l’actualité sociale, que les discussions sur la réforme de l’assurance-chômage se cristallisent : « le gouvernement va encore prendre une décision unilatérale avant l’été et encore taper sur les demandeurs d’emploi, c’est insupportable ! » dénonce René, syndicaliste et membre de l’association Attac. Ce qu’évoque le militant, c’est un nouveau décret de modification de la convention de l’assurance chômage qui sera publié ce 1er juillet. Bien que le contenu de ce décret soit encore inconnu, le Premier ministre, Gabriel Attal a prévenu qu’il durcira encore l’accès aux indemnités des chômeurs dont seulement un sur trois est indemnisé.

En face du journal indépendant, c’est un collectif féministe arrageois qui vient tout juste de poser sa dernière pancarte sur son stand. Statistiques fortes à l’appui comme le nombre des 134 féminicides commis sur l’année 2023 en France, selon l’association Nous Toutes et contenus pédagogiques pour alerter sur les violences sexistes et sexuelles (VSS), sont à disposition des visiteurs. « Notre collectif se veut vraiment là pour sensibiliser et interpeller les habitants d’Arras sur la cause féministe. On est convaincu que par la pédagogie, les lignes peuvent bouger même si le combat pour l’égalité en droit entre les femmes et les hommes est loin d’être gagné. » expliquent Romane et Eloïse, toutes les deux militantes du collectif.

Patricia Houéfa Grange, autruce

Patricia Houéfa Grange, autrice. ©Julien Millet/CCAS

Un peu plus loin, on rencontre Patricia Houéfa Grange, autrice de « Métisse et alors ? », militante antiraciste et féministe. « Dans mon livre, témoigne la militante, je parle de mon histoire personnelle en tant que femme noire métisse. Je crois avoir toujours bien vécu mon métissage de façon générale, même si les remarques racistes peuvent survenir dans mon quotidien. La question de la discrimination raciale est éminemment présente dans le livre, où je rappelle qu’aux origines, le métis désignait un enfant issu d’une union jugée honteuse et menaçant l’ordre établi entre les races. Aujourd’hui, pour lutter efficacement contre le racisme, se mélanger n’est pas suffisant. Pour que ce dernier disparaisse, nous devons mettre l’accent sur l’éducation et ne plus invisibiliser l’histoire coloniale française. Se rencontrer et se parler pour mieux se comprendre sont essentiels surtout dans le climat actuel de crise qui s’illustre par la montée de l’extrême droite ou le repli identitaire. »

Éducation et écologie sur le pied de guerre

De nombreux professeurs se baladent sur la Grand-place. De leur côté, c’est la réforme du choc des savoirs et la mesure des « groupes de niveau » qu’ils dénoncent. Une modalité qui prévoit de mettre les élèves les plus « faibles » entre eux pour les mathématiques et le français dès la 6e.

« L’école est là pour émanciper nos élèves, pas pour leur rappeler en permanence qu’ils n’ont pas les mêmes capacités que les autres et les trier socialement », déplore Bruno, professeur d’allemand au collège. L’enseignant se dit également inquiet de cette réforme qui selon lui ne peut qu’être vecteur de harcèlement.

La cause écologique est également abordée sous le stand du syndicat Solidaires en présence de quelques militants d’Alternatiba, association écologiste. Le mot d’ordre est unanime : « On ne peut pas penser la transition écologique sans l’impact social qu’elle soulève. Ce n’est plus possible que les travailleurs et travailleuses tombent malade au travail parce qu’ils sont exposés à des produits hautement toxiques et néfastes pour l’environnement », s’accordent les militants.

Malgré toutes ces colères et luttes qui peuvent s’avérer exténuantes, des motifs d’espoir sont permis. Interrogés à ce sujet, les militants se gardent de tomber dans un fatalisme contre-productif. « On voit tout de même que de plus en plus de personnes qui se bougent, c’est toujours très positif. Malgré tout, les gens ne baissent pas les bras » se réjouit Bertrand, journaliste bénévole pour la Brique.

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