À l’occasion de la sortie du livre anniversaire « CapÉchecs 30 ans », coréalisé avec la CCAS, Robert Textoris, président de l’association CapÉchecs, et auteur de l’ouvrage, nous replonge dans l’histoire des Rencontres nationales et internationales du Cap d’Agde.
Comment analysez-vous les 30 ans de l’événement ?
Robert Textoris – Je pense qu’il faut appréhender CapÉchecs en quelques actes majeurs. Entre 1994 et 2003, la création du trophée en cadence rapide (25 minutes par joueur), le premier championnat d’Europe en 1996, la coupe du monde en 1998 et le premier championnat du monde de partie rapide en 2003 ont donné réellement une dimension et une notoriété internationale à cet événement. En 2006, en accueillant les nouveaux prodiges de la discipline, Magnus Carlsen, Laurent Fressinet, Sergey Karjakin…, nous avons affirmé l’ambition à la fois de nous renouveler et de nous maintenir au top !
Et puis, il y a eu 2008 et la crise économique mondiale, la déréglementation du secteur de l’énergie en France et les répercussions sur le fonds du 1 % de la CCAS, qui est incapable désormais d’assumer seule le financement des Rencontres, dont le prestige est exponentiel. En 2011, la création de l’association CapÉchecs, en charge, entre autres, de gérer des tournois et de trouver des partenariats. En 2012, la fréquence des Rencontres est devenue annuelle, et le trophée a été rebaptisé Trophée Karpov. Nous affirmons à travers ce plateau de huit joueurs mixtes notre volonté de parité. Pour finir, je dirais que, depuis le Covid, les Rencontres ont pris un nouvel élan, avec un rajeunissement patent dans les tournois.
À titre personnel, quels sont les souvenirs marquants de cet événement ?
Si on doit établir une hiérarchie, je dirais sans conteste 2003 et la venue au Cap des légendes des échecs, David Bronstein, Andor Lilienthal et Mark Taïmanov. Des rencontres d’une richesse immense, notamment pour les jeunes en colo, extasiés devant ces « monstres sacrés ». Et ce moment très émouvant, en salle Molière, avec le virtuose Taïmanov au piano.
Ensuite, j’évoquerais 2017 et la rencontre entre scolaires de France et de Russie. En effet, nous avions invité des jeunes Russes, accompagnés des responsables de la fédération de Russie, à se confronter à une sélection d’enfants d’Occitanie… Et lorsque ces mêmes dirigeants d’une fédération aussi prestigieuse vous disent : vous êtes dans l’histoire des échecs ! De tels éloges font réellement prendre conscience de la notoriété des Rencontres. Cela étant, je n’oublie pas la relation privilégiée et entretenue avec Anatoly Karpov. Lequel s’est évertué à être présent à toutes les éditions jusqu’en 2021…
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Pouvez-vous nous parler du livre, de sa genèse, de son esprit ?
Il est rare que des événements échiquéens aient cette longévité. Aussi, il nous paraissait intéressant de nous replonger dans la mémoire des Rencontres et de permettre aux nouvelles générations de comprendre la construction de cet événement unique, ce qu’il est devenu, et le rôle fondamental de la CCAS, sans laquelle il n’existerait pas.
Cet ouvrage doit permettre à tout le monde d’avoir une approche globale des trente ans d’existence des Rencontres, à travers des photos, des portraits des acteurs d’origine, de joueurs qui ont marqué l’événement, des récits, des témoignages, mais aussi le palmarès complet du trophée, des opens, etc. C’est une lecture croisée que l’on propose, de véritables passerelles entre les éditions, dans un document que l’on peut feuilleter et parcourir à son rythme. Nous avons volontairement banni toute idée de chronologie dans la construction du livre.
Trente ans plus tard, l’événement est toujours aussi populaire. Qu’est-ce qui explique ce succès ?
Notre capacité d’adaptation, d’anticipation et d’innovation. En 1994, avec la mise en place des colos, des opens, des régionales CMCAS et des rencontres inter-comités d’entreprise, la structure et l’ossature de l’événement étaient « posées ». Ensuite, nous avons ajouté à chaque édition plusieurs ingrédients qui ont façonné notre singularité. La mise en place des casques dans la salle Molière pour retranscrire les parties du trophée. L’instauration en 1996 et 1998 de parties opposant l’homme à l’ordinateur, entre Nigel Short, huitième mondial à l’époque, ou plus tard Étienne Bacrot plus jeune GMI de France, et le champion du monde des logiciels commercialisés, à savoir Virtual Chess, symbolise bien notre envie de coller à l’époque. Et cette année, la présence de Julien Song, ce Youtubeur de 30 ans, l’atteste ! Au-delà, je pense que la popularité est due à notre niveau d’exigence, qui ne faiblit pas, et au côté exceptionnel de mélanger les joueurs de haut niveau et les amateurs.
Et l’avenir ?
Il sera fait de projets nouveaux… Avec, sans doute, dès 2025, la mise en place de rencontres scolaires entre des jeunes issus du bassin méditerranéen. Il nous faut aussi redonner une dimension locale à l’événement : elle était très prégnante à l’origine. Les CMCAS doivent s’en emparer. Nous devons aussi travailler avec les élus locaux pour inclure la population dans la manifestation. Personnellement, je vais consacrer encore plus de temps à CapÉchecs !
À lire
« CapÉchecs, 30 ans », coréalisé avec la CCAS
400 p., 35 euros
Tags: Activités sportives Article phare CapÉchecs Mémoire