Aide aux migrants : la Roya, vallée rebelle

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Cédric Herrou (au centre avec lunettes) avec des réfugiés qu’il accueille chez lui. ©J.Marando/CCAS

Cédric, Félix ou Sylvain font partie des citoyens français condamnés, poursuivis ou inquiétés par la justice pour délit de solidarité avec des migrants. Leur détermination est à l’honneur de la vallée de la Roya, à la frontière franco-italienne.

À Nice comme à Vintimille, à la frontière italienne, vous pouvez nourrir les pigeons. Mais gare à vous si vous décidez de venir en aide à un de ces milliers de migrants qui, après avoir été ballottés sur un esquif au beau milieu de la Méditerranée, avoir survécu on ne sait comment, grelottent et meurent de faim sur un bord de trottoir. Au mois de mars, trois personnes, deux Français et un Britannique, ont été interpellées de l’autre côté de la frontière alors qu’elles participaient à une distribution de nourriture aux migrants. Emmenées au commissariat de Vintimille, on leur a signifié qu’un arrêté municipal interdisait ce type de distribution. Elles encourent jusqu’à trois mois de prison ! Les trois faisaient partie de l’association Roya Citoyenne, du nom de cette vallée empruntée par les migrants, un passage qui les mène de l’Italie jusqu’en France.

La CCAS a choisi de soutenir l’association Roya citoyenne lors de son festival de cinéma Visions sociales. La participation (de 5 €) au buffet d’ouverture du festival, le 20 mai 2017, lui sera reversée.

Défendre les citoyens du monde

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Fleuve de la Roya près du pont où s’abritent les migrants de la vallée de la Roya à Vintimille. ©J.Marando/CCAS

Créée à l’origine pour promouvoir une intercommunalité de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, cette association a été réactivée en mai 2016 « suite à l’affluence de plus en plus massive des personnes les plus vulnérables dans la Roya », comme l’explique son site Internet. Les habitants de la Roya ont donc été de plus en plus nombreux à se mobiliser contre cette situation terrible et ont décidé de s’organiser au point de mettre maintenant en avant « la défense des citoyens du monde ». À l’heure où certain.e.s dirigeant.e.s politiques ne prônent que le repli sur soi et le rejet de l’autre, l’initiative a quelque chose de rassurant. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, n’estime-t-il pas que « la France est trop généreuse » avec les migrants ? Le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, n’est pas en reste, lui qui s’est vanté d’avoir signalé à la justice l’organisation, par « une poignée d’activistes », du « passage clandestin d’étrangers à la frontière franco-italienne ».

Depuis plus d’un an maintenant, des dizaines de bénévoles s’activent pourtant pour venir en aide à ces réfugiés-migrants, dont beaucoup de mineurs. L’hiver a été particulièrement rude, froid, neigeux, pluvieux. Et quand on ne parle pas la langue, qu’on est sans abri, la mort est souvent au rendez-vous. Alors, lorsqu’on pose la question à ces habitants du pourquoi de cet engagement, ils vous regardent comme si vous débarquiez de la planète Mars. « Quand vous voyez des familles avec des bébés, des mineurs dans les rues, en situation d’hypervulnérabilité face aux réseaux en tous genres, vous faites quoi ? Vous passez votre chemin ? », demande ainsi Cédric Herrou, un agriculteur de 37 ans, qui vit de la vente d’olives et d’œufs sur les marchés.

En août 2016, Cédric Herrou a été arrêté avec huit Érythréens à bord de son véhicule. D’abord relâché sans poursuite, il a été mis en examen à la mi-octobre. Poursuivi pour aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière, il a été condamné à 3 000 euros d’amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Nice, le 10 février. À la barre, il a ainsi justifié son action : « Je le fais parce qu’il faut le faire. Des gens sont morts sur l’autoroute, un État a mis des frontières en place et n’en gère absolument pas les conséquences. »

Un préfet condamné

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Abris de fortune du pont où s’abritent les migrants de la vallée de la Roya à Vintimille. ©J.Marando/CCAS

Un État qui, via le parquet de Nice, a fait appel de cette condamnation bien plus faible que la peine requise par le procureur de la République (huit mois de prison avec sursis) ! L’État encore : début décembre 2016, la mairie de Breil-sur-Roya a mis à l’ordre du jour une délibération pour créer un centre d’accueil provisoire. Mais la préfecture a indiqué au maire qu’elle ferait invalider cette initiative devant le tribunal administratif. Mais un État qui subit aussi des revers. Le tribunal administratif de Nice, saisi du cas d’une famille érythréenne empêchée de demander l’asile en France, a tranché le 31 mars en faveur de ces migrants, estimant que le préfet des Alpes-Maritimes avait porté une « atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile ». Un préfet condamné, ce n’est pas si fréquent ! Cerise sur le gâteau, ces migrants étaient logés chez… Cédric Herrou.

Détermination sans faille

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Distribution clandestine à la nuit tombée de nourriture à l’insu de la police italiennes par les membres de l’Association ‘La Roya citoyenne’. ©J.Marando/CCAS

Félix Croft, de Cagnes-sur-Mer, est également un cas emblématique du combat mené. La justice italienne a requis 3 ans et 4 mois de prison ferme et 50000 euros d’amende contre lui pour avoir tenté de faire passer la frontière franco-italienne à une famille soudanaise originaire du Darfour, qui comprenait notamment une femme enceinte de six mois et ses deux enfants de 3 et 5 ans. « Je suis un citoyen de la république française et j’obéis à ses préceptes : fraternité, c’est le fondement d’une société, égalité, liberté », dit simplement Félix.

Comme d’autres, Sylvain Gogois, ancien élu communiste et professeur de sport à la retraite, a lui aussi aidé les migrants. Il en a hébergé jusqu’à onze chez lui. En attendant de trouver des solutions, « on les aide à continuer leur route », souligne-t-il. Via des routes secondaires, il les mène dans des gares ou chez Hubert Jourdan, dont l’association Habitat et Citoyenneté organise leur covoiturage vers d’autres départements.

Les pétitions en ligne se multiplient pour soutenir ces bénévoles traînés en justice comme de vulgaires délinquants. Une justice aux ordres qui ne viendra pas à bout de la détermination de ces battants de la Roya qui ont une autre idée du monde, un monde plus juste, plus libre et plus fraternel. L’honneur de cette vallée rebelle de la Roya.

Roya citoyenne

Site internet / Page Facebook de l’association « Roya citoyenne »

Sur change.org : pétition pour la défense des citoyens solidaires des réfugiés.

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