Dounia, Rachid et leurs enfants Sofiane, Yanis et Inès, bénéficiaires de la CMCAS Hauts-de-Seine. ©Charles Crié/CCAS
Être confronté au handicap d’un proche, enfant, parent ou conjoint, est trop souvent synonyme d’isolement. C’est pour le rompre que six CMCAS d’Île-de-France proposent tous les deux ans aux familles concernées une parenthèse solidaire et conviviale, l’espace d’un week-end. Cette année, fin septembre, 45 bénéficiaires ont pris la direction du centre CCAS d’Auberville (Calvados), accompagnés de nombreux intervenants.
« La société crée du handicap » : ainsi s’exprime Georges Nikolaïdis samedi matin, au moment d’ouvrir la journée par un petit déjeuner en musique. Le flûtiste et animateur du collectif d’artistes Gradisca joue en duo avec son ami pianiste Jean-Louis Dussert. Ce dernier, diagnostiqué schizophrène dans l’enfance, a passé vingt-sept ans de sa vie enfermé dans un hôpital avant que quelqu’un finisse par s’apercevoir qu’il était un pianiste virtuose.
Les deux musiciens sont invités à participer au week-end dédié aux familles confrontées au handicap, organisé par la CMCAS Caen et six CMCAS d’Île-de-France (1), au centre de vacances CCAS d’Auberville (Calvados). Une rencontre placée sous le signe du débat et de la convivialité avec au programme : des ateliers de peinture, de cerf-volant, de pâtisserie ou encore de broderie, une fête et des repas en commun. Et enfin, deux matinées d’information et de discussion sur l’inclusion citoyenne des personnes handicapées et l’aide aux aidants.
Dédié aux adultes et enfants touchés par le handicap et à leur famille, le week-end en Normandie proposé par six CMCAS d’Île-de-France était riche en rencontres, jeux et débats qui font du bien à tous. ©Charles Crié/CCAS
Un combat pour arriver à prendre toute sa place
Pour les 45 bénéficiaires présents, ce sont autant de moments propices pour converser et exprimer leurs difficultés et leurs espoirs. Valides ou porteurs d’un handicap, ils livrent au quotidien le combat d’une vie, malgré tout belle et pleine d’avenir. « Les ‘handicapés’, comme on dit, sont valides autrement », aime à préciser Georges Nikolaïdis. Et de constater : « Dans une société normée, le handicap nous assigne d’emblée soit à l’exclusion, soit à la bataille pour subvertir les normes. » Il se trouve en ce mois d’octobre que l’actualité fait écho à son propos : le 1er octobre, la loi sur la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) est entrée en vigueur mais il a fallu en passer par une âpre mobilisation, à laquelle la CCAS a apporté son soutien il y a deux ans.
Georges Nikolaïdis, du collectif Gradisca (à la flûte traversière) et Jean-Louis Dussert (au piano), musiciens. ©Charles Crié/CCAS
Pour les participants, les chagrins et les joies, les défaites et les victoires se mesurent jour après jour. « Il ne faut rien lâcher pour construire un destin à son enfant », reconnaît Thierry, bénéficiaire de la CMCAS Yvelines. Lui et sa compagne se sont battus pour que leur fils, atteint d’autisme, puisse vivre sa passion pour le travail du bois, quitte à ce que ce soit loin de chez eux : « Ne lâchez rien ! », lance-t-il lors du débat du dimanche matin, dédié à l’aide aux aidants.
« Je ne me suis pas construit contre mon handicap mais à travers lui. »
Éric Levallois, responsable de l’Association des paralysés de France Normandie
Du fauteuil où la poliomyélite a cru pouvoir le clouer dès l’enfance, Sadek, bénéficiaire de la CMCAS Seine-et-Marne, admet quant à lui surcompenser (trop peut-être) son handicap par un investissement intense dans sa vie professionnelle et auprès de ses trois grands enfants. Éric Levallois, responsable de l’Association des paralysés de France Normandie, et par ailleurs grand sportif, rebondit : « Je ne me suis pas construit contre mon handicap mais à travers lui. » Celui qui est aujourd’hui cavalier confie : « La sensibilité que j’ai acquise par le handicap [me] donne la capacité de diagnostiquer les faiblesses et les souffrances des chevaux. » Ainsi, cette terrible contrainte l’a entraîné vers des chemins qu’il n’aurait « pas explorés [s’il était] valide ».
Fadila et Sadek, bénéficiaires de la CMCAS Seine-et-Marne, participants du Weekhand. ©Charles Crié/CCAS
Un temps pour échanger aussi avec les élus
Plusieurs élus sont venus échanger avec les bénéficiaires. « Ce week-end est un moment de repos, de détente mais aussi de rencontre. [Il est essentiel] de partager vos réflexions sur votre quotidien avec tous ceux qui sont confrontés [aux mêmes situations] », souligne Jean-Louis Valette, responsable du secteur action sanitaire et sociale des Activités Sociales d’Île-de-France. Donner toute leur place aux personnes handicapées est « une bataille au long cours », poursuit-il. Et de préciser : « Vos Activités Sociales ne feront pas à la place de l’État, mais seront à vos côtés. »
« Votre participation contribue à la coconstruction de réponses à l’échelle de la CCAS. »
Jean-Marc Tixier, président de la CMCAS Val-d’Oise
Quelques participant·es du week-end. Sur la dernière photo, Laetitia, bénéficiaire des Activités Sociales, venue avec sa mère Dominique, remercie tout le monde pour ce week-end. Au centre, Jean-Marc Tixier, président de la CMCAS Val-d’Oise. ©Charles Crié/CCAS
« Trop de familles sont encore dans l’ombre », regrette pour sa part le président de la CMCAS Val-d’Oise, Jean-Marc Tixier, qui ajoute : »Ces moments d’échanges, votre participation permettent d’ancrer la question du handicap dans l’action des CMCAS. Et de contribuer à la coconstruction de réponses à l’échelle de la CCAS. »
Pour se frayer un chemin vers un destin choisi et une vie digne, les personnes handicapées doivent accomplir quantité de démarches résumées par autant d’acronymes : MDPH, Esat, APA, IME… Leurs proches aidants se retrouvent trop souvent seuls face aux administrations. « On peut dire qu’on ouvre un véritable secrétariat à domicile. Mais, ce qui manque cruellement, ce sont des interlocuteurs humains pour nous accompagner », regrette Dounia, bénéficiaire de la CMCAS Hauts-de-Seine. Et si Sofiane, l’aîné de ses trois enfants, est aujourd’hui collégien, « c’est parce qu’il est soutenu par une assistante en classe, dont nous sommes les employeurs et dont le salaire représente un tiers de nos propres revenus », explique Dounia.
Les Activités Sociales aux côtés des aidants
Comment les Activités Sociales peuvent-elles apporter leur aide aux « aidants » et aux « aidés » ? Joëlle, qui est bénévole à la CMCAS Val-de-Marne, répond : « Bien sûr, nous avons conscience qu’il manque cruellement une cinquième branche de la Sécu dédiée au handicap et à la dépendance. » En attendant, « nous voulons être aux côtés de ceux qui se battent, modestement mais sûrement ». Il s’agit d’entrer en contact avec eux pour accueillir leurs demandes et « participer avec eux à leur combat ». Joëlle l’assure, les personnes handicapées ne doivent pas se résigner, elles doivent « exercer leurs droits à l’échelle des Activités Sociales ».
Dr Dina Bogos-Helfer, médecin conseil à la CCAS, fait partie des professionnels référents dans les Activités Sociales concernant les aides sanitaires et sociales, notamment dédiées aux familles confrontées au handicap. ©Charles Crié/CCAS
Tatiana, technicienne sanitaire et sociale à la CMCAS de Seine-Saint-Denis, rappelle ensuite le périmètre des aides disponibles pour les bénéficiaires : « Nous ne nous substituons ni aux services sociaux, ni aux prestations légales. Mais, soit nous les complétons, soit nous mettons en place un soutien supplémentaire. Quelle que soit la situation, la première démarche pour les bénéficiaires est de se faire connaître auprès de la CCAS. »
Une grande attention portée aux proches aidants
Ici, en ce week-end, tous, enfants et adultes, valides et porteurs d’un handicap exercent leurs droits aux Activités Sociales. Il en est de même lorsque les personnes handicapées font l’expérience des séjours Pluriel, organisés par la CCAS depuis plusieurs décennies pour qu’elles puissent vivre des vacances « normales » dans un séjour « normal » de jeunes ou d’adultes.
Parfois le séjour prend des allures de pari fou : « J’avais beaucoup de réticences quand ma CMCAS m’a suggéré de faire partir Sofiane, se souvient sa mère, Dounia. D’entretien en entretien avec le médecin conseil de la CCAS, en l’occurrence le Dr Dina Bogos-Helfer, médecin conseil à la CCAS, nous avons compris qu’il fallait tenter l’aventure. » Alors ? « Le séjour a été un formidable révélateur des capacités de Sofiane », assure Dounia.
Sofiane (à g.), ici avec son frère Yanis, tous deux bénéficiaires de la CMCAS Hauts-de-Seine, part en colo depuis tout jeune. ©Charles Crié/CCAS
Se consacrer à son rôle d’aidant en réalisant chaque jour des prodiges de patience et de dévouement ne va pas sans risques : l’épuisement et la désocialisation guettent sournoisement les proches. « Ne vous négliger pas, exhorte Dina Bogos-Helfer, le médecin conseil de la CCAS, en s’adressant à eux. Ne culpabilisez pas de prendre soin de vous. »
Ce week-end à Auberville est une rare occasion de rencontrer d’autres aidants et il faut essayer de la reproduire, y compris en s’inscrivant à « des stages de formation autour de la prise en charge et du soin », assure le médecin. Dounia et Rachid le reconnaissent : « Tout notre temps libre est polarisé sur le travail administratif et l’accompagnement. Les amis, la vie associative, les escapades à deux, tout ça, on a mis de côté. »
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Le week-end est beau, les invités aussi : fragiles, vulnérables mais combatifs et joyeux, un peu comme les cerfs-volants qui flottent contre le vent dans le ciel bleu d’Auberville au large des « falaises noires » d’Auberville.
Le samedi, une soirée dansante ajoute aux échanges et à la convivialité la belle énergie du chant et de la danse. ©Charles Crié/CCAS
(1) Les CMCAS organisatrices sont les CMCAS Essonne, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d’Oise et Yvelines.
Handicap : quels sont vos droits ?
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