« Les aidants ne se reconnaissent pas comme tels »

"Les aidants ne se reconnaissent pas comme tels" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 65462 Blandine Bricka

Blandine Bricka est l’auteure d’une « trilogie » de témoignages consacrée à la question de l’aide en France : « Des vies (presque) ordinaires », 2016 ; « Un métier (presque) ordinaire », 2017 ; « Des liens (presque) ordinaires », 2018, parue aux éditions de l’Atelier. ©Joseph Marando/CCAS

Ils seraient 11 millions en France, soit 1 français·e sur 6. Dans une série d’entretiens, Blandine Bricka dévoile les « vies (presque) ordinaires » de proches confrontés à une situation d’aidance. Elle nous livre quelques-unes de ses réflexions à l’occasion de la Journée nationale des aidants, le 6 octobre.


Bio express 

Auteure et rédactrice indépendante, membre du collectif Étonnants travailleurs, Blandine Bricka accompagne des projets d’écriture dans des domaines divers, notamment celui de l’entreprise. En 2018, elle a publié « Électrique. Les femmes et les hommes d’EDF », recueil d’entretiens avec 28 agents EDF.

Voir les ouvrages de la série sur les aides en France
Lire notre article : « Électrique » : au cœur d’EDF avec ceux qui « font le boulot


Le gouvernement a mis en place un droit à un congé de trois mois pour les proches aidants. Qu’en pensez-vous ?

Il faut prendre cette goutte d’eau comme positive, même si elle est, je crois, encore loin de la reconnaissance des besoins que j’ai entendu s’exprimer tout au long de mon enquête auprès de ces aidants et de ces aidantes, qui jouent un rôle social et économique très important – mais insuffisamment évalué – dans notre société.

Comment devient-on, un jour, un « aidant » ?

Ce n’est pas si brutal, mais plus insidieux. On le devient quand on est confronté à la dégradation d’une situation de perte d’autonomie d’un proche, qu’elle résulte d’une lente progression, d’une convalescence après un accident ou du handicap d’un enfant. Au fond, l’un des problèmes des aidants, vis-à-vis de ce qu’ils déploient comme efforts auprès du ou des « aidés », c’est qu’ils ne se reconnaissent pas en tant que tel.

Les aidants ne se rendent pas compte que ce qu’ils font auprès de leurs proches va au-delà de ce qui est attendu d’un parent, du temps et de l’investissement personnel qu’il y consacre. Peu à peu, cet engagement auprès de leur proche les conduit à accomplir des choses, des gestes, qui ne sont plus tout à fait ceux d’un parent.

Ce n’est pas dans l’ordre « normal » de s’occuper de la toilette intime d’un membre de sa famille, ou d’organiser dans le détail son quotidien. Or, souvent, parce qu’elles le font par devoir, affection et amour, ces personnes ne se reconnaissent pas comme « aidants », et donc, par exemple, ne sollicitent pas les aides auxquelles elles auraient droit. Il y a beaucoup de culpabilité à demander une reconnaissance sociale de ce qui est perçu comme étant du domaine privé. Cela peut aboutir à des situations d’épuisement qui les font craquer, voire pire… C’est la part sombre de ces situations très difficiles à assumer.

Vous citez dans le livre cette formule d’une personne qui s’occupe de ses deux parents dépendants : « on devient les parents de nos parents ».

Oui, les places sont redistribuées, questionnées, des bouleversements psychologiques s’opèrent. Dans le livre, les témoignages montrent des personnes qui ont maitrisé ces difficultés, et qui en ont parfois même tiré un enrichissement interpersonnel, dans la relation avec leur proches, et qui peuvent en parler. Mais il faut bien dire que c’est loin d’être le cas de tous les aidants, parfois dépassés, épuisés, isolés.

On estime qu’il y a 11 millions d’aidants aujourd’hui, dont beaucoup vivent dans un grand isolement.

Vos témoins parlent également du rôle des associations qu’ils ont rencontrées sur leur parcours d’aidants.

Oui, c’est très important. On estime qu’il y a 11 millions d’aidants aujourd’hui, dont beaucoup vivent dans un grand isolement. Celles et ceux qui ont rencontré des associations disent à quel point cela les a aidés.

Le premier soulagement, c’est de ne plus se sentir seuls. Ils peuvent y rencontrer d’autres aidants, forts d’une expérience et d’une compétence riche qu’ils peuvent partager. Il existe autant d’associations que de situations différentes auxquelles sont confrontés les aidants.

Revenons sur l’isolement social des aidants, lié notamment à leur emploi du temps chargé, vis-à-vis de la vie professionnelle, des amis, des voisins, du cercle familial aussi.

Dans le livre, je cite le témoignage de Clothilde, dont la fille a été victime d’un grave accident de la circulation. Elle a interrompu son activité salariée pendant un an. À son retour au travail, plus un collègue ne lui adressait la parole ; on ne lui confiait plus de responsabilités. C’était elle qui était devenue handicapée. Jusqu’au jour où un nouveau patron a pris conscience de toutes les compétences que Clotilde avait su mettre en œuvre auprès de sa fille, de sa force aussi, et a su valoriser son expérience au sein même de son activité professionnelle.

Quelles compétences développent les aidants ?

Les aidants, au fil de leur parcours, accumulent de solides connaissances, confrontés qu’ils sont aux arcanes de l’administration et du montage de dossiers. Ils deviennent experts en gestion de l’emploi du temps : celui des professionnels qui se succèdent presque quotidiennement au foyer de la personne dépendante, les rendez-vous médicaux, et leur propre agenda. Il y a aussi ceux qui ont acquis des compétences sanitaires ou médicales, qui seront capables de changes des sondes urinaires ou gastriques. Bref, des compétences très importantes.


Pour aller plus loin

► Les associations et plateformes d’écoute

► Le congé « proche aidant »

Ouvert à tout salarié, le congé « proche aidant » permet de s’occuper d’une personne dépendante avec laquelle le salarié entretien une relation familiale (conjoint, ascendant, descendant) ou des « liens étroits et stables ».
En savoir plus

► Invalidité, dépendance : les contrats prévoyance de la CCAS

Couverture complémentaire en cas de décès, d’infirmité et d’invalidité (IDCP), aides financières pour le maintien à domicile ou l’hébergement dans un établissement spécialisé (dépendance) : renseignements au 0 800 00 50 45 (appel gratuit depuis un poste fixe) ou auprès de votre CMCAS.
Plus d’infos sur ccas.fr > rubrique Assurances, prévoyance, prêts > Prévoyance

 

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