Rencontre avec Thierry Mercadier, retraité d’Enedis et bénévole à Énergies sans frontières, partenaire de la CCAS. L’ancien cadre expert revient du Sénégal où l’association forme des jeunes et réalise avec eux des projets d’accès à l’électricité et à l’eau.
L’énergie n’a pas de frontières. La solidarité non plus. De retour de Dakar après trois semaines passés au pays de la « terranga » (l’hospitalité, en wolof), Thierry Mercadier est un jeune retraité d’Enedis qui ne s’ennuie pas. « À la direction régionale du sillon rhodanien, où j’ai fini ma carrière comme cadre expert, j’animais beaucoup de formations. Quand j’ai pris ma retraite en juillet dernier, j’avais très envie de partager avec ceux qui en ont vraiment besoin tout ce que j’ai appris pendant ces années d’activité ».
C’est avec Énergies sans frontières (ESF), association de solidarité internationale rassemblant de nombreux agents des Industries électriques et gazières – la plupart en inactivité – que Thierry Mercadier décide de s’engager, deux ans avant de quitter son entreprise.
« Tous nos projets comportent un chantier école »
Le 29 novembre dernier, il s’envole pour la capitale sénégalaise, en compagnie de Patrick Beluze et Jacques Clauzel, également retraités d’Enedis. Objectif : poursuivre la formation (installation électrique domestique, conception de générateur photovoltaïque, pompage solaire) entamée quatre mois plus tôt au sein de l’Association sénégalaise d’aide à la formation et à l’insertion des nécessiteux (Asafin), centre de formation situé dans un quartier pauvre de Dakar.
« On commence par former les professeurs d’Asafin, puis on forme les jeunes qui n’ont pas les moyens de se payer des cours et cherchent un boulot dans le domaine de l’électricité », précise le jeune sexagénaire, en charge du projet. ESF associe toujours la pratique à la théorie, l’apprentissage à la réalisation d’installations très concrètes. « Tous nos projets comportent un chantier école mené avec les acteurs locaux. Car c’est eux qui vont devoir entretenir l’installation électrique que nous construisons ensemble. L’idée centrale, c’est de pérenniser ces installations et de rendre les gens autonomes. »
De l’électricité pour les enfants défavorisés
Sur les rives du fameux lac Rose (à une heure de la capitale), joyau national déserté par les touristes en raison de la pandémie, la petite centrale photovoltaïque achevée il y a un mois, et flanquée d’une installation de pompage « au fil du soleil », a fière allure. Ce mécanisme, idéal en site isolé, permet de pomper l’eau d’un puits avec l’énergie solaire.
Réalisée par ESF, des apprentis électriciens et des professeurs d’Asafin, et cofinancée par la Fondation EDF, cette installation a permis à l’association Bok Xalat du lac Rose (qui accompagne les enfants défavorisés) d’avoir accès à l’eau et à l’électricité.
En mai prochain, une autre association riveraine du lac Rose (Village pilote, qui recueille des enfants abandonnés) va à son tour pouvoir bénéficier de l’expertise des bénévoles d’ESF. L’objectif est de reconstruire le générateur défectueux qui alimente la menuiserie.
Des actions sur l’ensemble de l’Afrique de l’ouest
Asafin est au cœur d’un large dispositif qu’ESF commence à déployer. « Ce centre de formation va nous permettre de former des gens pour réaliser des projets sur l’ensemble de l’Afrique de l’ouest, pas seulement au Sénégal. Nous allons recenser des villages où l’on nous demande d’installer des générateurs et des pompages au fil du soleil. »
Pour l’heure, plusieurs projets sont en gestation dans des zones particulièrement isolées du pays. L’un d’entre eux concerne cinq villages situés à une bonne journée de route de Dakar, à la frontière mauritanienne. « Chacun de ces villages a une case dédiée à la santé. Nous pourrions y mettre un générateur photovoltaïque avec des batteries, un régulateur, un onduleur… pour alimenter un frigo et tenir au frais des vaccins et des médicaments ».
« Recréer des liens, ça fait du bien »
L’action d’ESF s’inscrit dans un pays paralysé par les conséquences économiques de la pandémie, où l’état d’urgence a fait son retour la semaine dernière. « À part les bénévoles des ONG, on ne voit plus de toubabs [nom donné aux Européens en Afrique de l’ouest] ! », constate Thierry Mercadier. Une catastrophe pour les très nombreux Sénégalais qui vivent du tourisme. Hôtels, taxi, restaurant, musées, excursions à l’intérieur du pays : tout tourne au ralenti.
Conséquence : les jeunes se tournent vers d’autres métiers. « On est très sollicités par des gens qui veulent apprendre les métiers de l’électricité », confirme le retraité d’Enedis qui ne manquera certainement pas la prochaine mission d’ESF prévue en mai au Sénégal. Au-delà de l’aide technique, il insiste sur la dimension humaine de son engagement dans cette période difficile : « Recréer des liens et des espaces où on peut se retrouver, ça redonne du sens, ça fait du bien. »
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Énergies sans frontières
Basée à Izeron, près de Grenoble (Isère), ESF a été créé en 1988 par cinq agents EDF et un médecin. Aujourd’hui présidée par Jean-Pierre Charrin, retraité de GDF, elle compte 220 adhérents – agents des IEG pour la plupart – et réalise des chantiers école dans de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du sud.
Vous pouvez aider l’association en y adhérant ou en faisant un don.
Pour en savoir plus : energies-sans-frontieres.org
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