Droits des femmes, rien n’est définitivement acquis

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© Camille Besse

Questions à Françoise Picq, qui a participé au Mouvement de libération des femmes dès ses débuts et au développement des études féministes. Docteure d’État en sciences politiques à l’Université Paris-Dauphine, elle anime différentes associations d’études et de recherches féministes. Dernier ouvrage paru : Féministe encore et toujours (éditions Indigène, 2012).

Quelle est l’origine du 8 mars ?

En commençant à travailler sur ce sujet avec une poignée de jeunes féministes intéressées par la question en 1975, nous avons découvert qu’il y avait un « mythe des origines » : la journée de la grève des couturières new-yorkaises en 1857 mais celle-ci a été totalement inventée. L’idée d’une journée internationale des femmes est une idée socialiste. Elle a été proposée une première fois par Clara Zetkin, en 1910, à Copenhague, lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes. Ensuite, pour Trotsky, les femmes avaient initié les mouvements de la Révolution de 1917, raison pour laquelle l’URSS nouvelle a décidé de célébrer la journée des ouvrières en février, ce qui correspond au 8 mars dans le calendrier grégorien. Lénine a fixé la date en 1921, qui a ensuite été reprise par tous les pays de l’Est, la Chine, etc. Les thèmes mis en avant n’étaient d’ailleurs pas très féministes. Il s’agissait d’inviter les femmes à se mobiliser pour faire triompher la paix et le socialisme. A la demande des pays de l’Est, l’Onu décrète cette journée en 1977. Mais tout de suite après, en France, les féministes ont manifesté contre la récupération de la journée par l’Onu. 

Pourquoi continuer à célébrer cette journée ?

Je trouve que c’est utile. Il arrive que cela apparaisse comme quelque chose de répétitif mais c’est une occasion qu’éventuellement des choses se fassent. C’est aussi le signe d’une bagarre permanente. Dans les années 70, c’était une journée vraiment militante. A partir des années 80, avec Yvette Roudy, c’est devenu institutionnel. Reste que c’est une journée très internationale, qui ressortir à certains moments une mobilisation. Dans certains pays, des manifestations très importantes et courageuses ont eu lieu comme, en 1956, à Alger.

Quels domaines vous semblent prioritaires ?

Pointer les différences de salaire, c’est regarder par le petit bout de la lorgnette car celles-ci résultent de différences bien en amont. Ce qui a avancé avec la parité, c’est la place des femmes en politique. Avec l’élection de François Hollande, tant qu’il y a eu un Ministère du droit des femmes beaucoup de choses ont bougé. Toutes les actions volontaristes lancées notamment dans le domaine de l’éducation et de l’égalité étaient porteuses de projets de changements profonds. Depuis, ce Ministère a rétréci jusqu’à devenir un secrétariat d’État. De ce point de vue, il y a une régression, on a perdu la dynamique. Même si la nouvelle génération de féministes fait bouger les mentalités, il y a en même temps une régression avec le développement de courants contraires. On l’a vu avec la Manif pour tous. Je lisais récemment une étude du Cevipof auprès des lycéens : pour un tiers d’entre eux le rôle des femmes est de faire des enfants et le ménage. Un retour en arrière du point de vue idéologique étonnant. De même, dans les débats à la télévision, on voit très peu de femmes invitées en tant qu’expertes. C’est impressionnant…

Le rapport sur l’égalité de 2015 du Ministère des affaires sociales, de la Santé et des droits des femmes montre qu’il n’y a que 25% de metteuses en scène, 4% des cheffes d’orchestre et… 1% de compositrices. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Face à ce retard, il y a cependant des initiatives comme HF par exemple. D’où viennent les barrages, des hommes ou des femmes ? Peut-être un peu des deux. C’est pour cela que les lois sur la parité, que je n’approuvais pas au départ, ont finalement une efficacité. Là où il n’y a pas d’obligation, il n’y a pas d’avancée et on a tendance à revenir au point d’équilibre précédent.

Elles ont construit notre histoire

Il n’y a pas que Camille Claudel, Marie Laurencin, Elisabeth Vigée Le Brun, Colette… Les femmes artistes sont plus nombreuses mais peu mises en valeur. Depuis 2014, l’association HF Île-de-France a lancé le projet Matrimoine. Par la création d’un site Internet et l’organisation de manifestations, l’association veut promouvoir la mémoire des créatrices du passé et la transmission de leurs œuvres.

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