La 83e édition de la Fête de l’Humanité s’est achevée dimanche 16 septembre. La CCAS a choisi d’y encourager la réflexion sur le handicap et l’accessibilité, lors d’un débat au Forum social, qui a notamment porté sur l’accès aux transports, condition d’un départ en vacances serein.
À la Fête de l’Huma, on peut s’amuser, assister à des concerts, rencontrer des amis, et réfléchir. Mais on y fait surtout vivre des valeurs, un idéal. Plusieurs milliers de jeunes et de moins jeunes s’y croisent, s’écoutent et échangent pendant trois jours. L’une de leurs interrogations : comment rendre le monde meilleur ? et comment le rendre plus juste ? C’est aussi ce que se sont demandé les intervenants du débat sur le handicap organisé par la CCAS au Forum social, traduit en langue des signes.
Des situations au quotidien encore trop compliquées
« Nous vivons dans un monde de valides avec des handicapés, et pas l’inverse », a lancé d’emblée Gérard Masson, président d’honneur de la Fédération française handisport, partenaire historique des Activités Sociales. Le constat est implacable. Le débat devait initialement porter sur « les vacances, les loisirs, la culture et le handicap ». Finalement, l’ancien champion de tennis de table détaillera longuement les situations aberrantes que vivent au quotidien certaines personnes en situation de handicap, en termes d’accessibilité, qui conditionne tout déplacement… et donc potentiellement l’accès à la culture, aux loisirs et aux vacances.
On n’y songe pas si l’on est valide : retenir sa vessie est l’un des tourments que peuvent connaître les personnes en fauteuil roulant lorsqu’elles souhaitent voyager. « Je sais que je n’ai pas le choix, que je ne pourrai pas aller aux toilettes », explique Gérard Masson, qui a dû lui-même revivre cette épreuve pour arriver jusqu’au parc Georges-Valbon à La Courneuve, en région parisienne [il vit dans le Sud-Ouest, ndlr].
Eh non, en 2018, les toilettes des TGV ne sont pas accessibles aux personnes en fauteuil roulant. « C’est vrai qu’on n’y pense pas forcément. C’est peut-être encore tabou aujourd’hui mais c’est un problème fondamental », confirme Emmanuelle Assmann, présidente du Comité paralympique et sportif français. Comment imaginer que de simples toilettes puissent être un facteur d’exclusion aussi puissant ?
« La contrainte des sanitaires empêche beaucoup de personnes d’être des citoyens, ajoute Gérard Masson, et surtout les femmes, qui, elles, ne peuvent pas compter sur un urinal. » Emmanuelle Assmann confiera même que certains évitent de boire pour écarter tout risque.
« La réflexion de la direction de la SNCF est aujourd’hui davantage tournée sur le remplissage des trains plutôt que sur l’accessibilité », confirme Céline Simon, secrétaire du comité central du groupe public ferroviaire (CCGPF), le comité d’entreprise de la SNCF. Comment envisager de partir en vacances quand la question élémentaire des toilettes n’est même pas réglée ?
Un manque de volonté politique certain
La justification apportée est, comme souvent, budgétaire. « C’est toujours l’argent le problème, on nous dit sans arrêt que ça coûte cher », lance avec une pointe d’écœurement Jennifer Lesage-David, codirectrice de l’International Visual Theatre (IVT), qui articule le théâtre avec l’enseignement de la langue des signes française. Certes, installer des infrastructures dans des villes imaginées pour des personnes valides a un coût important. « En réalité, c’est un problème de positionnement politique », affirme Jennifer Lesage-David. « C’est difficile d’imaginer un monde 100 % accessible à tous, nuance Gérard Masson, économiquement, c’est impossible. »
Dans un contexte de coupes budgétaires général, il n’est pas étonnant que des moyens ne soient pas investis pour le monde du handicap. D’autant plus que ce dernier n’est pas vraiment représenté dans les sphères de pouvoir. Si se rendre aux toilettes relève de l’impossible dans certaines situations courantes, on comprend alors pourquoi accéder au gouvernement se révèle complexe…
Emmanuelle Assmann préfère, elle, être optimiste. Elle note d’énormes progrès. « À Athènes, en 2004, il n’y a eu aucune image des Paralympiques à la télévision française. Pour les derniers Jeux olympiques à Pyeongchang (Corée du Sud), 14 millions de personnes étaient devant la télé pour le handisport« . Elle est d’ailleurs convaincue, tout comme Gérard Masson, que les JO 2024 seront un formidable moyen d’améliorer la situation des personnes en situation de handicap en France.
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« La CCAS a été précurseur en matière de handicap et de vacances »
Nicolas Cano, président de la CCAS
« La CCAS a été précurseur en matière de handicap et de vacances. Nous avons même été hors cadre réglementaire. Dans les années 1970, la loi ne permettait pas d’accueillir des enfants en situation de handicap dans des colos. Nous avons décidé de les intégrer en nous appuyant sur des assistants sanitaires, qui n’existaient d’ailleurs pas officiellement à l’époque. Bien sûr que cela coûte de l’argent. Mais il ne faut pas avoir une simple vision comptable. Nous avons toujours voulu mettre des moyens. Certes, on ne fera pas disparaître le handicap mais il ne doit en aucun cas être une barrière. »
« On ne fera jamais du 100% accessible à tous »
Gérard Masson, président d’honneur de la Fédération française handisport, ancien champion de tennis de table
« Il est difficile d’imaginer tout rendre accessible un jour. Économiquement, c’est impossible. Nous avons un tel passé architectural. Les États-Unis sont en avance, par exemple. Mais le pays n’a pas les mêmes barrières architecturales. Les personnes en situation de handicap doivent aussi être tolérantes. On ne fera jamais du 100 % accessible à tous pour tous les handicaps qui existent. »
« À EDF, on m’a dit : ‘On va s’adapter’ »
Emmanuelle Assmann, présidente du Comité paralympique et sportif, agente EDF, ex-championne d’escrime
« J’ai le sentiment que la minorité la plus difficile à porter était celle d’être une femme dans le monde du sport, plutôt qu’une personne handicapée dans le monde professionnel. Quand je suis entrée à EDF, on m’a dit : « Si tu prends le poste, on s’arrangera, on va s’adapter. » J’ai souvent eu peur d’être choisie pour remplir des quotas et non pas pour mes compétences. »
Ont participé au débat (de g. à dr.) : Stéphane Gravier, rédacteur en chef du Journal des Activités Sociales de l’énergie et animateur du débat, Jean-Marc Cador, secrétaire du CRE RATP, Gérard Masson, président de la Fédération française handisport, Céline Simon, secrétaire du CCGPF (SNCF), Nicolas Cano, président de la CCAS, et Jennifer Lesage-David, codirectrice de l’International Visual Theatre.
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