La droitisation de l’opposition au Front populaire

De gauche à droite: MM. Costantini, Déat, Delincke et Doriot. Archives "Le Matin". © Wikimedia

De gauche à droite: MM. Costantini, Déat, Delincke et Doriot. Archives « Le Matin ». © Wikimedia

On se souvient souvent de l’époque du Front populaire comme d’une période d’unité, de fraternité et de communion nationale. L’image n’est qu’en partie juste. Car le gouvernement de Léon Blum n’eut pas, loin de là, que des partisans. Il est même à l’origine d’une droitisation de l’opposition, allant pour certains partis jusqu’au choix délibéré de la violence politique. C’est le dixième épisode de notre chronique de 1936. 

On ne peut aujourd’hui lire sans dégoût les articles de la presse d’extrême-droite attaquant sans relâche le Front populaire, mêlant anticommunisme, antisémitisme, haine de la franc-maçonnerie et attaques « ad hominem ». Avec respectivement 650 000 et 400 000 exemplaires diffusés, « Gringoire » et « Candide » sont des titres qui comptent dans le paysage de la presse des années 1930. Ces journaux donnent libre cours à leur antisémitisme, n’hésitant pas à publier de longues listes de députés ou haut-fonctionnaires juifs ou supposés tels. Pour cette droite qui préfère Hitler au Front populaire, tous les coups sont permis dans le combat politique, même la pire calomnie. Le ministre de l’Intérieur Roger Salengro, qualifié de « Grensalo » ou « Proprengro », est accusé d’avoir déserté le combat pendant la Première Guerre mondiale. La hiérarchie militaire et le gouvernement ont beau montrer l’inanité de l’accusation, le mal est fait. Fragilisé par un deuil familial, Roger Salengro met fin à ses jours dans la nuit du 17 au 18 novembre 1936. Son enterrement à Lille, ville dont il était maire, donne lieu à une imposante manifestation populaire.

La violence à son comble

L’extrême-droite française avait il est vrai, depuis le début des années 1930, une forte propension à la violence de rue, qui avait culminé dans la tentative de prise d’assaut de la Chambre des députés par les ligues d’extrême droite le 6 février 1934. Cette tentative de coup de force avait été à l’origine de la puissante manifestation de la gauche unie trois jours plus tard, ce qui avait marqué le début du processus politique menant à la formation du Front populaire. En février 1936, encore, Léon Blum avait été victime d’un attentat organisé par un sympathisant du quotidien antisémite « L’Action française ». Quelques mois plus tôt, un membre dissident de l’organisation, l’ingénieur militaire Eugène Deloncle, avait créé l’Organisation secrète d’action révolutionnaire nationale, plus connue sous le nom de La Cagoule, groupe terroriste anti-communiste.

Vers des partis de masse

L’arrivée au pouvoir du Front populaire donne un nouvel élan à cette nébuleuse d’extrême droite. En plein cœur des grèves du printemps 1936, un ancien communiste, Jacques Doriot, crée le Parti populaire français, véritable parti fasciste dont les milices font le coup de poing dans les rues avec les militants de gauche. Il revendique vite près de 100 000 membres. Au même moment, le colonel de la Rocque, ancien dirigeant d’une des ligues d’anciens combattants qui avaient tenté de renverser la République le 6 février 1934, crée le Parti social français, qui ne tarde pas à réunir 600 000 membres. Ces partis de masse entendent contester aux socialistes et aux communistes leur domination de la rue en organisant d’impressionnants défilés.

Deloncle et Doriot seront sous l’Occupation les auxiliaires les plus zélés de l’occupant allemand. Seul de la Rocque, résistant déporté, saura sauver l’honneur de cette droite extrême qui avait, elle aussi, le vent en poupe au temps du Front populaire.

Chronique de l’année 1936

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Quatre-vingts ans après l’arrivée au pouvoir du Front populaire, le Journal en ligne entame une chronique de cette période qui a marqué l’histoire, et se révèle aujourd’hui pleine d’enseignements.

Voir l’ensemble de la chronique 

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