La transition énergétique en débat jusque fin juin

La centrale nucléaire de Gravelines (Nord), à l’origine de 8,3 % de la production nucléaire française en 2017. ©EDF- Jean-Louis Burnod

La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fixe la politique énergétique pour les dix prochaines années, est au cœur d’un grand débat national, en ligne et dans des dizaines de villes en France. L’occasion de se prononcer sur les objectifs fixés par la loi de transition énergétique.

Depuis le 19 mars, les questions énergétiques, souvent considérées comme complexes et techniques, sont largement débattues en France grâce à l’organisation d’un débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cet instrument créé par la loi sur la transition énergétique de 2015 vise à consulter largement avant d’établir la PPE du pays pour les dix années à venir. Selon le ministère de la Transition écologique, l’enjeu principal du débat est « la répartition de la production d’électricité entre filières (le mix électrique) » avec trois objectifs fixés par la loi : fermeture des centrales à charbon (très émettrices de gaz à effet de serre) d’ici à 2022, réduction de la part du nucléaire dans la production électrique au-dessous de 50 % d’ici à 2025 et enfin taux d’électricité d’origine renouvelable supérieur à 40 % en 2030. Tout l’enjeu du débat public est donc de savoir comment, et à quel rythme, atteindre cet objectif.

Une grande consultation nationale

La commission chargée d’organiser le débat, neutre et indépendante, a fait les choses en grand. Un site Internet a été ouvert, qui permet à tout citoyen de poser des questions à la commission comme au ministère (tous deux s’engageant à répondre sous quinze jours), mais surtout de fournir une contribution, plus ou moins libre sur la forme. Sont actuellement proposés :

Il est également possible de déposer un avis « argumenté, documenté et structuré », rédigé sous forme de « cahier d’acteurs » limité à quatre pages. Ces cahiers d’acteurs sont à la mi-juin au nombre de 146, et proviennent d’entreprises, de syndicats, d’ONG, d’organismes de recherche ou encore de particuliers. À cette réflexion en ligne s’ajoutent plusieurs dizaines de débats organisés dans toute la France. Le premier a eu lieu à Douai le 26 mars, et des dizaines d’autres ont suivis, comme à Lewarde, dans le Nord, où nous nous sommes rendus.

Carte des débats publics prévus jusqu’au 30 juin
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Pour Jacques Archimbaud, président de la Commission nationale du débat public, « cela se passe bien. Les débats ne sont pas polarisés sur les sujets qui fâchent. Les assemblées ne sont pas houleuses ». Enfin, 400 citoyens tirés au sort se sont prononcés le samedi 9 juin sur la PPE à l’Assemblée nationale, après avoir été informés de ses enjeux. Il reviendra enfin à la commission d’organisation de synthétiser ces débats après une séance de clôture prévue le 29 juin au Conseil économique social et environnemental. Charge ensuite au gouvernement d’arrêter, début 2019, la PPE pour la prochaine décennie.

Sur le fond, une échéance douteuse

Il est trop tôt pour tirer les conclusions de ce débat, mais une chose frappe d’ores et déjà : il semble très improbable que l’objectif affiché par la loi de 2015 de réduire la part du nucléaire à moins de 50 % de la production électrique en 2025 soit tenu. De fait, presque aucun contributeur ne se réfère à cette échéance, si proche. RTE propose ainsi deux scénarios qui verraient la fermeture de 11 ou 18 réacteurs, ce qui conduirait la part du nucléaire respectivement à 56 ou 46 % du mix électrique… mais en 2035. De plus, ces scénarios sont fragiles car ils ne reposent pas sur des hypothèses d’évolution de la demande d’énergie. Tout juste postulent-ils une diminution de la consommation d’électricité.

À l’inverse, EDF, dans sa contribution au débat, table sur une hausse très modérée, inférieure à 0,5 % par an, de la consommation d’électricité nationale durant les deux prochaines décennies, mais avec une diminution de la demande globale en énergie. « Les solutions électriques sont très souvent synonymes d’efficacité énergétique et permettent à la fois de diminuer les consommations d’énergie et de sortir des fossiles », note l’énergéticien dans sa contribution, qui cite les exemples des pompes à chaleur en remplacement des chaudières à fioul ou des véhicules électriques.

Un arrêt progressif des centrales ?

Sur la question très débattue du nucléaire, EDF affirme qu’il n’est pas possible, en l’état actuel des connaissances, de prolonger la durée de vie des centrales, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté du nucléaire, au-delà de soixante ans. Conséquence pratique : « L’essentiel du parc actuel aura donc été arrêté d’ici à 2050 » souligne Cédric Lewandowski, directeur exécutif du groupe EDF en charge de l’innovation, de la stratégie et de la programmation. Mais cet arrêt se devra d’être progressif. « Il nous faut donc anticiper des arrêts avant l’échéance des soixante ans, nécessairement à l’échéance d’une visite décennale » poursuit Cédric Lewandowski, qui précise que « le nucléaire de 2050 sera du nucléaire nouveau, dont il serait présomptueux de vouloir planifier la quantité aujourd’hui ».

Mais EDF a profité du débat public sur la PPE pour lancer l’idée de la nécessité, pour assurer la continuité de la production électrique, de construire, autour de 2030, un nouveau réacteur de type EPR sur le site de Gravelines (Nord). Gageons que cette proposition n’a pas fini d’être débattue.

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