Laurent Carbonneaux : « On peut changer le sort des enfants migrants »

Laurent Carbonneaux : "On peut changer le sort des enfants migrants" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 82921

Laurent Carbonneaux, secrétaire général de la CMCAS Bourgogne, et son “fils adoptif” Ibrahima, 17 ans, jeune réfugié guinéen. ©Julien Millet/ CCAS

Laurent Carbonneaux milite depuis longtemps pour rendre ce monde meilleur et plus juste. Depuis longtemps, il a épousé la cause du plus faible. Touché par la situation des migrants mineurs, le secrétaire général de la CMCAS Bourgogne a décidé d’agir. Voilà une année qu’il a recueilli Ibrahima, un jeune réfugié guinéen.

« Je voudrais lancer un appel aux agents, à leur générosité et à leur solidarité », annonce Laurent Carbonneaux, 51 ans, secrétaire général de la CMCAS Bourgogne et du syndicat Ufict Côte d’Or. « L’État français ne respecte pas l’ordonnance de 1945 qui stipule la protection et l’assistance aux mineurs sur le sol de France, s’emporte-t-il. Aucun enfant ne devrait être dans la rue ! »

Lui ne prétend pas donner la leçon, il veut simplement attirer l’attention de ses compatriotes sur le sort des migrants mineurs, livrés à eux-mêmes. Et réclame un peu de compassion et d’humanité envers eux.

C’est en septembre 2018 qu’Ibrahima, jeune refugié de 17 ans, arrivé de république de Guinée, intègre le foyer des Carbonneaux. Laurent milite alors à SOS Refoulement. L’association caritative dijonnaise, qui aide les migrants dans leurs démarches administratives, recherche des familles pour accueillir des mineurs pendant une quinzaine de jours. « Nous avons hébergé Ibrahima pendant quinze jours. Et puis il est resté ! », raconte l’agent.

Objectif de Laurent Carbonneaux : accompagner Ibrahima dans la construction d’un avenir, ici ou dans son pays d’origine.

Aussi simple que cela ! Chez les Carbonneaux, la porte est toujours ouverte à qui en a besoin. Une tradition familiale, « c’est naturel, dans nos gènes. On ne laisse jamais un voyageur sur le bord de la route », en sourit Laurent. L’intéressé confie avoir, au gré des rencontres, hébergé des auto-stoppeurs, ou encore avoir offert gîte et couvert à des catholiques qui marchaient vers le chemin de Compostelle.

Braver l’interdit

« Accueillir un enfant réfugié, c’est illégal », confirme Laurent. Mais l’abandonner sans défenses, l’exposer à tous les dangers, à la violence, est-ce bien réglementaire  « Est-ce normal, en France, au XXIe siècle, de laisser des enfants à la rue ? », s’indigne-t-il.

Laurent et Emmanuelle, son épouse, ont donc décidé de braver l’interdit. Ils estiment pallier les défaillances des autorités locales, les carences de l’État français. « L’État n’assume même pas ses missions de base, tempête l’agent, dont celle d’assurer la sécurité de ces enfants ! »

L’urgence fut d’abord de scolariser Ibrahima, qui intègre une classe de 3e au collège de Vitteaux, grâce au soutien du directeur de l’établissement. Il apprend le français, se familiarise avec sa nouvelle vie. Le couple s’attache à lui offrir la vie normale d’un ado de 17 ans. En septembre dernier, Ibrahima est entré dans un lycée professionnel de Dijon, en internat, pour y préparer un CAP de menuiserie ébénisterie.

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L’élu de la CMCAS Bourgogne s’engage dès 2016 auprès des réfugiés, lorsque la CCAS leur ouvre certains de ses centres de vacances. ©Julien Millet/ CCAS

Si Emmanuelle et Laurent lui ont apporté la sécurité et la sérénité, les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Sans papiers, Ibrahima est expulsable à tout moment. « C’est inextricable, Ibrahima n’est pas considéré comme mineur – la préfecture refuse de valider son acte de naissance – mais pas non plus comme majeur, s’étrangle Laurent. Du coup, il n’a pas aucun droit, pas même la CMU (couverture maladie universelle). » L’agent pointe l’absurdité d’un système qui laisse pourrir la situation, dénonçant « l’absence de volonté politique de prendre en charge ces enfants délaissés ».

Le parcours du combattant

Rien ne le prédestinait à s’orienter vers un engagement politique et syndical. Mais on ne naît pas révolutionnaire, on le devient… Laurent arrive au monde à Reims, quelques jours avant les événements de Mai 1968. L’enfance et la jeunesse en Champagne. Après un DUT de mesures physiques à Reims, il obtient un diplôme universitaire en commerce international à la fac de Troyes. Il y rencontre sa belle, la suit en Bourgogne. Valentin et Zoé naîtront de cette union. Après dix ans comme commercial en matériel électrotechnique dans une PMI, Laurent rejoint EDF-GDF à Chalon-sur-Saône en 1999.

Lors de sa formation, le nouvel embauché fait la connaissance des représentants syndicaux, « découvrant par la même occasion le syndicalisme ». C’est « le concept démocratique, basé sur l’écoute et la consultation des salariés » qui lui font préférer la CGT, pour laquelle il s’engage. « Venant du privé, j’avais des a priori sur EDF-GDF, mais j’ai découvert des agents formidables avec le service public chevillé au corps », se rappelle-t-il.

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La solidarité chevillée au corps. Ici en juin 2018, pour la course de soutien à la recherche contre le cancer du sein avec l’association Odysséa, partenaire de la CMCAS. ©Joseph Marando/ CCAS

Parallèlement, l’intéressé entrevoit l’amplitude des Activités Sociales dont « le modèle de gestion, extraordinaire et unique », par les salariés, le séduit. Dès 2001, il assume divers mandats en CHSCT, en CMP (comité mixte à la production), de délégué syndical national, secrétaire général de l’Ufict de Côte d’Or puis président de la CMCAS Bourgogne jusqu’en 2014. Aujourd’hui, fidèle à ses convictions, Laurent a décidé de laisser la place aux jeunes militants, et réintégrera GRDF en janvier prochain. Mais le combat continue.

Grandi par son expérience avec ce « fils adoptif », Laurent souhaite en parler, la partager, « dire que c’est possible de changer le sort de ces enfants migrants ». « Personne n’a envie de partir de chez soi ! Ce sont la peur, la faim, la soif, la guerre, l’horreur qui obligent les gens à quitter leur pays », souligne-t-il.

Sans doute, Ibrahima a eu la chance de croiser deux bonnes fées, Emmanuelle et Laurent Carbonneaux sur sa route. L’agent, lui, estime qu’il est de son devoir de tendre la main à quelqu’un dans la misère. En participant à offrir à Ibrahima un avenir, Laurent ne lui assure pas que le gîte et le couvert, il lui restitue sa dignité.

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2 Commentaires
  1. Gisèle SAINT-ANDRE 4 ans Il y a

    Félicitations pour cet engagement auprès des jeunes immigrés. Une leçon pour moi.

  2. GUILON 5 ans Il y a

    Bravo et MERCI pour lui et les autres VRAIMENT

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