Librairie de la Renaissance : résister, encore

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©Librairie de la Renaissance / Shutterstock

Zoom sur la librairie de la Renaissance à Toulouse, partenaire des Activités Sociales, qui a pu rouvrir ses portes au public le 28 novembre dernier après une intense bataille pour la survie des petits commerces en période de confinement. L’occasion de rappeler le rôle essentiel de ces acteurs de l’éducation populaire et de la médiation culturelle, contraints de fermer leurs portes au public fin octobre.


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« J’en ai les larmes aux yeux » témoigne Roselyne Guterriez, directrice de la librairie de la Renaissance, qui a pu rouvrir ses portes le samedi 28 novembre dernier, après un mois de fermeture imposé par les autorités. Pour ce premier jour, les client·es étaient au rendez-vous : « ils et elles étaient content·es de nous retrouver, et nous nous étions ému·es de voir qu’on avait réussi à créer un réseau autour de nous. »

La plus ancienne librairie de Toulouse a choisi d’aller là où, généralement, on ne va pas, ou alors à reculons. « Depuis janvier 1981, nous avons déménagé du centre-ville, où nous étions installés depuis trente-sept ans, pour aller en plein cœur du Mirail, dans ce qu’il est convenu d’appeler ‘les quartiers' », explique Roselyne Guterriez, qui justifie cet « acte de militantisme par l’envie d’aller vraiment à la rencontre de nouveaux lecteurs ».

Certains lecteurs ont paradoxalement découvert la librairie grâce au cliqué/collecté, qui permettait de réserver et récupérer son choix de livres à distance pendant le confinement. « Ils nous ont dit qu’ils reviendraient dans notre librairie pour avoir des conseils. » Le Mirail offre un vivier de 40 000 lecteurs potentiels… Reste à aller les chercher, et faire en sorte que « le livre devienne pour eux une habitude. C’est plus long, plus compliqué qu’ailleurs ». Un engagement qui reste fidèle aux convictions des débuts.

Des origines résistantes

La librairie a été créée à la libération de Toulouse, en août 1944, à l’initiative de résistants. « Ils étaient portés par le Conseil national de la Résistance et toutes les avancées sociales de cette période, raconte Roselyne Guterriez. Pour eux, le premier geste a été de mettre sur la table des livres qui circulaient clandestinement pendant l’occupation allemande. Ils pensaient qu’un pays se reconstruisait aussi avec sa culture, que la renaissance de la France après la guerre passait par là. » D’où le nom de la librairie !

Ces résistants, des intellectuels et des enseignants, se sont d’abord installés dans un local sommaire, puis ont agrandi la structure petit à petit, jusqu’à ce qu’elle devienne cette librairie de référence, la plus ancienne de la ville, qui se flatte notamment d’avoir reçu Umberto Eco ou André Brink dans son amphithéâtre.


« L’élitisme pour tous »

La Renaissance fait partie des quatre librairies qui approvisionnent les bibliothèques des centres de vacances de la CCAS. « Nous sommes des passeurs, se réjouit la sémillante directrice. Nous avons les mêmes objectifs que la CCAS : proposer la culture et l’élitisme pour tous. » Avec son fichier comptant plus de 1500 auteurs, la librairie aide également les CMCAS locales à monter des événements autour de la lecture.

Les libraires répondent à toutes les sollicitations pour faire découvrir des livres et interviennent régulièrement dans les établissements scolaires, notamment ceux du quartier du Mirail classés en ZEP (zone d’éducation prioritaire), organisent des animations sur des thèmes ou des auteurs. Ils viennent aussi dans les CLAE (Centre de loisirs associés à l’école) de novembre à février pour présenter des livres, afin que les élèves en élisent un et décernent leur prix. La librairie est aussi partenaire du Festival de la littérature jeunesse de Fronton, près de Toulouse.

« Quand un enfant rencontre un écrivain, il ne voit plus les livres de la même manière. »

A cette occasion, les auteurs se rendent dans les classes : « Quand un enfant rencontre un écrivain, insiste-t-elle, il ne voit plus les livres de la même manière. » La librairie participe également au Festival du livre jeunesse Occitanie, près de Toulouse : « Un festival né il y a dix-sept ans, de la volonté d’une association de mettre le livre à la disposition du plus grand nombre, qui a commencé avec des bouts de ficelle avant de devenir une référence. »

Sa plus grande satisfaction : le Festival international des littératures policières organisé avec l’association Toulouse polars du Sud et qui a soufflé ses dix bougies l’an passé. « On a voulu ce festival au sein même de la librairie, car les offres de festivals en centre-ville ne manquent pas. Cette initiative nous tient à cœur, car elle réunit chaque année des milliers de personnes. » C’est l’occasion de travailler avec des auteurs reconnus et de faire découvrir de nouveaux talents. « Depuis le temps que j’exerce ce métier, j’ai toujours l’impression de faire chaque jour des choses nouvelles. »

Un travail qui consiste aussi à nous aider à nous frayer un chemin parmi les 65 000 livres qui paraissent chaque année en France. En cette période de confinement, durant laquelle les librairies ont dû baisser le rideau, l’exemple de la librairie de la Renaissance rappelle que les boutiques indépendantes sont malgré tout restées ouvertes à leurs lecteurs, à distance, grâce au « click and collect » (commande de livres à emporter), et à la réduction exceptionnelle des frais de port pour le secteur (0,01 euro).

Des rencontres déjà programmées

Habituellement, la librairie organise des échanges avec des auteurs, un par mois en moyenne, et attire régulièrement des habitants du centre-ville. « On est très fiers qu’ils prennent le métro pour venir au Mirail. » La librairie compte sept libraires, chacun spécialiste d’un domaine particulier. Sans surprise, les rayonnages reflètent l’état d’esprit de la maison : syndicalisme, féminisme, guerre d’Espagne, BD, science-fiction, documentaire, etc. Une activité stoppée il y a un mois.

La bonne nouvelle de la réouverture des librairies a donc permis de reprogrammer ces rencontres. « Le 19 décembre, nous organisons un débat entre trois auteur·rices locaux, en espérant qu’elle puisse avoir lieu lieu ». Sont invités Maylis Adhémar (autrice de « Bénie soit Sixtine », roman sur la bourgeoisie ultra-catholique), Jean-Louis Marteil (éditeur et auteur de roman historiques) et Baptiste Beaulieu (médecin et auteur du blog « Alors voilà », sous-titré « Journal de soignées/soignantes réconciliées »), pour un débat sur le rapport de l’Église catholique aux femmes. « Débat où l’on verra que… rien n’a changé ! » conclut malicieusement Roselyne Guttierez.

Site internet : www.librairie-renaissance.fr

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