Philippe Stierlin : « Nous sommes au XXIe siècle et le travail est maltraité ! »

Philippe Stierlin : "Nous sommes au XXIe siècle et le travail est maltraité !" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 75489 Philippe Stierlin ecrivain et auteur beneficiaire

Distingué par la CCAS en 2018 en tant qu’auteur bénéficiaire des Activités Sociales, Philippe Stierlin, agent Engie, présentera son polar cet été dans vos centres de vacances. ©Bertrand de Camaret/ CCAS

Cadre supérieur chez Engie, Philippe Stierlin s’appuie sur une connaissance fine des grandes entreprises pour l’enquête de son commissaire, Jasper. Un plongeon dans l’univers tyrannique des multinationales, où la recherche effrénée du profit est devenue l’alpha et l’oméga. Puisque « les morts sont sans défense », il faut bien que quelqu’un rende justice aux outragés… À découvrir cet été dans vos centres de vacances.

Bio express. Philippe Stierlin a toujours voué une appétence prononcée à la littérature et à l’écriture. Parallèlement à sa carrière de cadre supérieur chez Engie, l’ancien élu à la mairie du 3e arrondissement de Paris écrit des chroniques pour différentes revues. Puis finit par publier son premier roman policier, « Une mort si tranquille », où il met en scène son commissaire Jasper que l’on retrouve dans « Les morts sont sans défense ». Site Internet : www.philippestierlin.com

L’histoire. Lorsque Dominique Aguila fait un vol plané mortel depuis son bureau, situé dans une tour de la Défense, Énergies du Monde, la multinationale dont il était vice-président, est bien embarrassée. Suicide ? Pas son genre ! Assassinat ? Pas non plus envisageable pour l’image de l’entreprise. Accident ? Le commissaire Jasper s’évertue à dénouer l’écheveau et débrouiller l’imbroglio de cette histoire. Fouinant dans le monde secret et gangréné des affaires, où règne en maître l’omerta, Jasper remonte aux sources pour élucider le mobile de cette mort troublante. Une intrigue policière captivante, pleine de rebondissements qui transporte le lecteur d’île en île à travers le monde.

Le héros de votre roman, Clément Amadieu, est obnubilé par l’injustice. C’est aussi l’une de vos préoccupations ?

L’injustice est effectivement le fil rouge de mon roman, et mes personnages ont tous quelque chose à voir avec des humiliations qu’ils ont subies. Je pourrais parler de « fil jaune », en référence à l’actualité (sourire) : les gilets jaunes, quoi que l’on pense de leurs revendications, ont au cœur la justice sociale. Ils subissent une violence qui n’est pas entendue.

L’injustice dont nous sommes victimes nous poursuit ; on éprouve un besoin de réparation. Réparer l’injustice : là se trouve l’intimité de mon livre. La lutte pour la justice est l’un de mes moteurs, tout comme la liberté.

Jusqu’à la vengeance ?

L’avantage d’un polar, c’est que l’on peut tuer quelqu’un sans risques (rires). Ça peut même faire du bien. Néanmoins, l’auteur a une responsabilité. Et j’ai aussi voulu montrer l’ambivalence qu’il y a à vouloir rendre justice soi-même.

À travers l’entreprise Énergies du Monde, symbole du capitalisme décomplexé, vous dénoncez les pratiques frauduleuses des multinationales et la maltraitance infligée aux salariés…

Énergies du Monde est un kaléidoscope de ce qui peut se produire dans ces grandes entreprises. Je n’ai pas forcé le trait. Je me suis inspiré de plusieurs affaires récentes dans des groupes du CAC 40 et des entreprises dites « publiques ». On connaît par exemple l’existence de l’évasion fiscale, nommée à tort « optimisation fiscale ».

L’obsession des dirigeants de ces groupes est également de réduire les coûts, les effectifs, de conquérir des parts de marché à tout prix, d’augmenter les dividendes des actionnaires. Leur juge de paix est la valeur de l’action. Ils opposent gains de productivité et emploi. Pour cela, ils ont développé un système et des méthodes qui peuvent broyer les gens, voire les conduire au suicide.

Comme le dit La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient touchés. » Songez que près de 40 salariés se sont tués rien qu’à France Télécom en 2008 et 2009 ! Sans que les patrons, dont l’ancien PDG, Didier Lombard, n’en ressentent le moindre remords.

L’un de vos personnages, Alexandre Herzog, affirme : « Le travail est malade. » Qu’entendez-vous par là ?

J’ai voulu aborder la question du travail et de sa place dans les entreprises. Nous sommes au XXIe siècle et le travail est maltraité ! Il a perdu son sens. L’entreprise exige de ses cadres qu’ils sachent tout sur tout, mais non qu’ils pensent. Les actionnaires, eux, font la pluie et le mauvais temps pour exiger plus de productivité. Ils se fichent du travail pourvu qu’il leur rapporte. La qualité du travail, sa créativité sont contrariées, absorbées par une seule idée : le business.

Le salarié qui relève la tête, s’oppose, résiste, est proscrit ou mis au placard. À l’image du personnage d’Alexandre Herzog, celles et ceux qui sont ainsi broyés peuvent plonger. D’autres, victimes de plans sociaux, sont sacrifiés. Mon livre raconte la violence exercée à l’encontre des salariés et vise aussi à éveiller les consciences. J’y ai réussi, je crois. C’est un roman policier, noir et rouge. Sur le mode de l’humour. Avec plein de voyages en bandoulière.

Parlez-nous du titre de ce polar, « Les morts sont sans défense ».

« Les morts sont sans défense » est une phrase de la résistante Elsa Triolet, gravée sur la tombe où elle repose avec Aragon, au moulin de Saint-Arnoult-en-Yvelines. J’ai évidemment joué sur l’ambiguïté du site de la Défense, dans les Hauts-de-Seine [où se trouvent les sièges de plusieurs multinationales et des entreprises des IEG, ndlr]. Ce titre rend hommage aux suicidés du travail, à ces salariés oubliés qui ne peuvent plus se défendre.

« Écrire est une bataille, une façon de donner un sens à sa vie, de la poétiser », écrivez-vous…

J’ai toujours aimé lire et écrire. Enfant, je lisais des récits puis en réinventais les histoires. J’éprouve du plaisir à écrire, malgré les exigences de l’écriture. On est aussi, en l’occurrence, son propre tyran ! Mais l’écriture offre une vraie liberté. Elle est un mode original et affectueux de rencontre entre deux personnes, un auteur et ses lectrices et lecteurs. Enfin, quand par ailleurs nos luttes politiques et syndicales butent et n’aboutissent pas, écrire est une autre façon d’agir. On se dit : j’aurai fait ce que j’ai pu.

Et la poésie ?

J’ai voulu un polar avec une qualité littéraire, un style. C’était mon ambition. J’y ai mis de la poésie, des références et des clins d’œil littéraires. Notamment à Louis Aragon et à Arthur Rimbaud. Ces grands écrivains et poètes du passé sont pour moi des lumières éclairant l’avenir.


Rencontres avec l’auteur

Philippe Stierlin : "Nous sommes au XXIe siècle et le travail est maltraité !" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Les Morts sont sans défense couv

« Les morts sont sans défense », de Philippe Stierlin
éditions Arcane 17, 2018, 300 p., 21 euros.

Rencontrez Philippe Stierlin du 22 au 27 juillet dans les centres de vacances du Sauze, du Monêtier-les-Bains, de Val-d’Isère, Megève-Le Hameau et Morillon, dans le cadre des rencontres culturelles de la CCAS. Et retrouvez son livre dans toutes les bibliothèques des centres de vacances !


Pendant vos vacances : cet été, 1200 rencontres culturelles vous attendent dans les centres de vacances et les colos de la CCAS

Programme complet à découvrir sur ccas.fr, rubrique Culture et Loisirs, et dans la brochure ci-dessous.

 Rencontres culturelles 2019

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