Sandrine Jousseaume, photographe à hauteur d’œil

Sandrine Jousseaume, photographe à hauteur d’œil | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 92251 Sandrine Jousseaume

Sandrine Jousseaume, photographe, documente chaque année le festival de cinéma Visions sociales. ©Charles Crié/CCAS

Photographe documentaire et plasticienne, Sandrine Jousseaume rend compte chaque année du festival de cinéma de la CCAS, Visions sociales. Crise sanitaire oblige, l’édition 2020 sera privée de son regard. En attendant l’année prochaine, si on en profitait pour mieux la connaître ?

Elle est l’œil de Visions sociales. Ses photos, le plus souvent en noir et blanc, pointent des moments de complicité, d’échange, des invités au naturel, des anonymes en train de prendre la parole lors d’un débat. Chaque fois, les spectateurs sourient face à ces images dans lesquelles ils se reconnaissent, sublimés, ou s’étonnent d’un jeu de miroirs inattendu ou d’un détail anodin, magnifié par le regard de Sandrine…

Ses photos sont projetées sur l’écran avant chaque séance. Presque toujours, l’effet est saisissant : il tient sans doute au contraste entre le chic du noir et blanc qui renvoie au 7e art et aux fameuses images du studio Harcourt, et le naturel qui se dégage de ses images sur lesquelles les personnalités connues sont traitées avec autant d’égards que les anonymes.

Et cette question, récurrente : où était la photographe ? « L’idée est que je sois invisible, c’est ainsi que je suis le plus libre », confie la jeune femme dont seul parfois le rire en cascade trahit la présence dans l’assistance. La démarche de Sandrine Jousseaume est effectivement empreinte d’une grande discrétion. « C’est vraiment très rare que je demande aux gens de poser. Je suis là, avec mon appareil, je regarde, j’écoute, j’appuie sur le déclencheur », explique la professionnelle, qui aime se fondre dans le public.


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Si elle a le contact facile, Sandrine sait cependant que dans le milieu du cinéma et dans certains grands festivals, les photographes sont tenus à distance et qu’il leur est très difficile de prendre des clichés originaux. « Quand tout est trop cadré, on est parqués dans des espaces réservés sans aucune latitude. Dans ces cas-là, on prend tous les mêmes photos, c’est sans intérêt. »

Aussi, Sandrine préfère les festivals à taille humaine comme Premiers plans à Angers, où elle s’est fait une place depuis plus d’une décennie, et bien sûr Visions sociales, où l’équipe organisatrice la présente aux spectateurs et aux invités au début de chaque édition. Là, elle peut donner toute la mesure de son talent. « Plus encore que d’obtenir une quelconque autorisation, l’important est d’être accepté, d’établir une relation de confiance avec les gens et que ma présence leur devienne naturelle, précise-t-elle. Le fait que le public et les invités puissent, dès le premier soir, voir mon travail sur grand écran à la Napoule, est primordial. Après, ils sont plus détendus, une complicité se crée… »

Son travail de photographe documentaire – dans la lignée de celui de Raymond Depardon, l’un de ses maîtres – Sandrine a pour habitude de l’inscrire dans la durée. À Visions sociales, où elle vient chaque année, elle met un point d’honneur à dormir sur place pour pouvoir dégainer son appareil à tout moment, saisir un événement inattendu, mais aussi un rayon de lumière propice, un pan de mur envahi par la végétation ou une spectatrice retournant à son bungalow…

Montrer la réalité sans la magnifier

Sandrine Jousseaume, photographe à hauteur d’œil | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 91908 Visions Sociales 2016

Festival Visions sociales en 2016. ©Sandrine Jousseaume/CCAS

Même quand elle effectue des travaux de commande, que ce soit dans une maison de retraite ou un centre d’hébergement médicalisé pour malades du sida en phase terminale, elle prend du temps, revient souvent. Son but ? Montrer la réalité sans la magnifier ni la travestir en restant très attentive à la dignité des personnes. Une démarche documentaire dont Sandrine fait profiter les étudiants qui suivent ses cours à l’École supérieure des beaux-arts d’Angers où elle enseigne depuis 1997, tout en poursuivant, en parallèle de la photographie, un travail de plasticienne. D’ailleurs les habitués de Visions sociales se souviennent sans doute de cette autre facette de l’artiste : Sandrine avait exposé ses photos lors de l’édition 2017 !

On l’aura compris, Sandrine Jousseaume refuse de se laisser enfermer dans une case. « Parfois, les gens pensent qu’accepter une commande est dévalorisant. Je ne suis pas de cet avis : tout dépend de la manière dont on aborde les choses. Je mets un point d’honneur à travailler avec sincérité et de manière authentique, quel que soit le contexte ! », affirme la jeune femme dont les convictions féministes traversent le travail.

En tant qu’artiste plasticienne, elle s’est intéressée aux représentations des femmes, particulièrement à la campagne, dans un village près de chez elle. Elle questionne aussi l’institution du mariage à travers d’anciennes photos revisitées, et la survivance de traditions sexistes comme « les rosières » en mettant en scène des fleurs moisissant sous cloche… Toujours concernant l’image des femmes, si son travail photographique est moins radical, il n’en est pas moins salutaire au sens où il montre des actrices, réalisatrices ou spectatrices, sans artifice particulier, avec l’éclat d’un regard, l’ampleur d’un geste pris sur le vif pour seule parure.

Sandrine Jousseaume, photographe à hauteur d’œil | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 92115 Visions Sociales 2017

Festival Visions sociales 2017. ©Sandrine Jousseaume/CCAS

C’est sûr, en 2020, ses images du festival manqueront… Mais en attendant de pouvoir retourner sur le terrain, Sandrine donne ses cours aux Beaux-Arts et effectue aussi quelques photos en Bretagne où elle vient d’emménager : « Des voisins ont une ferme bio. Ils avaient besoin de photos pour leur site. Je les ai faites en échange de bons fromages et de légumes. Vive le troc et les circuits courts ! »

À plus long terme, même si Sandrine souhaiterait un « monde d’après Covid-19 » plus humain et plus respectueux du vrai travail, elle n’y croit pas trop : « Je suis aussi syndicaliste en tant qu’enseignante dans une école d’art. Le seul bénéfice de cette crise sanitaire c’est qu’après que nous l’avons interpellé, le ministre de la Culture a semblé prendre conscience de l’existence des artistes plasticiens et de leurs difficultés de survie, en cette période mais pas seulement. C’est un premier pas. Mais il n’est pas certain que cela débouche sur un vrai statut calqué sur celui de l’intermittence, afin de nous laisser du temps pour mûrir nos créations… »


Site internet :

www.sandrinejousseaume.com

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