« La Patience de l’immortelle », enquête corse sur fond de spéculation

Michèle Pedinielli, rencontres culturelles CCAS 2022

Avec « La Patience de l’immortelle », prix France Bleu du polar 2021, Michèle Pedinielli fait partie des auteurs et autrices sélectionné·es par la CCAS pour animer les Rencontres culturelles de l’été. ©Mouloud Zoughebi

« La Patience de l’immortelle » nous embarque pour la Corse, où une détective doit enquêter sur un meurtre dans la vallée du Rizzanese, près de Propriano. Un paysage aux oliviers multicentenaires est menacé par la spéculation immobilière. Un roman de Michèle Pedinielli, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2022.

L’histoire

"La Patience de l’immortelle", de Michèle Pedinielli, éditions L’AubePour enquêter sur le meurtre d’une jeune journaliste corse, nièce de son ancien compagnon, Ghjulia Boccanera, dite Diou, débarque sur l’île, qu’elle a quittée depuis longtemps et dont elle ne maîtrise plus les codes. Dans les montagnes de l’Alta Rocca, elle doit se confronter à des habitants mutiques, encaisser des coups sans sommation et affronter ses propres souvenirs tronqués.

« La Patience de l’immortelle », de Michèle Pedinielli, éditions L’Aube, 2021, 240 p., 13,43 euros (tarif CCAS sur la Librairie des Activités Sociales, au lieu de 17,90 euros).

Ce livre a été choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2022 : commandez-le sur la Librairie des Activités Sociales (avec une participation financière de la CCAS et des frais de port offerts ou réduits).


Michèle Pedinielli : « Un polar, c’est un roman social !

Qu’est-ce qui vous a décidée à vous lancer dans le polar, vous qui êtes journaliste ?

Michèle Pedinielli : Le polar et le roman noir, c’est ce que je lis depuis que je sais lire, grosso modo. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui avaient une bibliothèque assez fournie, avec notamment des séries noires.

Ce que j’aime dans ce genre littéraire, c’est qu’il n’est pas nombriliste. Pour moi, un polar, c’est un roman social, bien plus qu’une enquête policière. Il décrypte la violence sociale, il parle des dysfonctionnements d’un pays, d’une entreprise, d’une ville. C’est ça qui me plaît.

Qui est Ghjulia Boccanera, dite Diou, la narratrice de votre livre ?

C’est une détective privée. Il y a pas mal de policières et d’avocates dans la littérature française mais très peu de détectives privées. Diou a une cinquantaine d’années, elle a choisi de ne pas avoir d’enfants, elle vit à Nice et elle met ses « Doc Martens » là où il ne faut pas.

À qui avez-vous pensé en créant le personnage de la journaliste Letizia Paoli ?

À des jeunes femmes d’aujourd’hui. Letizia est une brillante journaliste d’investigation, en Corse. Elle travaille à France 3 et elle a créé un blog sur lequel elle poste les enquêtes qu’elle ne peut pas toujours faire passer à l’antenne.

Quand je reviens [en Corse], c’est toujours avec beaucoup de plaisir, mais en même temps je me rends compte que je n’en ai plus les codes.

Quel rapport entretenez-vous avec la Corse ?

Je suis un peu comme Diou, le personnage principal. Mon père est corse mais je ne suis plus retournée sur l’île pendant des décennies. Quand j’y reviens, c’est toujours avec beaucoup de plaisir, mais en même temps je me rends compte que je n’en ai plus les codes.

C’est pareil pour Diou : elle ne sait plus décoder les silences. Et Dieu sait si des silences, il y en a en Corse. Il y a aussi des choses que je ne reconnais plus. Il y a trente ans, par exemple, on ne pouvait pas se faire construire une villa les pieds dans l’eau. Maintenant, c’est possible.

Les enjeux de la spéculation immobilière semblent vous tenir à cœur…

En effet. Dans les années 1970-1980, le maire de Sartène, Dominique Bucchini [ancien député européen et président de l’Assemblée territoriale de Corse ayant dénoncé la spéculation immobilière sur l’île, ndlr], a fait un travail incroyable pour préserver toute une zone du côté de Roccapina en la confiant au Conservatoire du littoral. Il a tenu bon malgré des pressions folles. Des groupes hôteliers voulaient y construire des hôtels de luxe. On lui disait : « Ça va créer des emplois. » Maintenant, quand je viens dans la région, je vois des complexes touristiques qui s’érigent un peu partout.

Dénoncer ou pas, parler ou pas, c’est une question centrale de votre roman ?

Tout à fait. Il faut parfois un courage de dingue pour oser parler, pour être lanceur d’alerte.

Les lanceurs d’alerte sont essentiels dans notre société, [mais] ils sont quand même extrêmement mal traités. D’où la tentation de certaines personnes de se faire justice elles-mêmes.

Letizia Paoli et Diou sont-elles les « justicières » dont la Corse a besoin pour se sauver de la violence et des prédateurs qui la convoitent ?

Il faut en tout cas des gens qui dénoncent ce qui ne va pas. Pour moi, les lanceurs d’alerte sont essentiels dans notre société. Malgré tous les statuts qu’on essaie de créer pour les protéger, ils sont quand même extrêmement mal traités. Je pense, par exemple, à Julian Assange ou à Chelsea Manning. C’est à la justice de passer, mais, en général, ça prend du temps.

D’où la tentation de certaines personnes de se faire justice elles-mêmes. Mais souvent, ce sont des journalistes ou des militants qui pointent du doigt ceux qui ne respectent pas les lois. Ceux qui essaient, par exemple, de construire des complexes touristiques sans respecter la loi Littoral.

La nature est très présente dans votre livre. Qu’a-t-elle à nous dire ?

Pour moi, la nature est un patrimoine, un bien commun. C’est aussi vrai pour l’hôpital ou l’Éducation nationale. C’est de la beauté gratuite pour tous, quelque chose qui nous relie. Ce que j’ai du mal à supporter, c’est que ce bien commun soit détruit ou privatisé au profit de quelques particuliers. Un jour, vous voyez un paysage magnifique, et deux ans après il a été rasé, remplacé par des propriétés privées.

Cet été, vous aurez l’occasion de rencontrer les agents et leur famille dans les villages vacances de Corse. Comment abordez-vous ces rendez-vous ?

Je suis absolument ravie que ces rencontres aient lieu en Corse. Je proposerai une lecture musicale de mon livre avec Marcel Bataillard, un artiste niçois qui a une voix magnifique. Avec son groupe I Burtuoni, il mixe des chants traditionnels corses avec une musique contemporaine.


Les Rencontres culturelles

Comme Michèle Pedinielli, des auteurs et des autrices sont choisis chaque année par la CCAS pour partager leur passion de l’écriture et échanger avec vous sur leurs ouvrages, disponibles dans les bibliothèques de vos villages vacances, dans le cadre des Rencontres culturelles.

Retrouvez les Rencontres culturelles de l’été sur
ccas.fr > rubrique Culture et loisirs > Rencontres culturelles

 

Tags:
0 Commentaires

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Votre commentaire est soumis à modération. En savoir plus

Qui sommes-nous ?    I    Nous contacter   I   Mentions Légales    I    Cookies    I    Données personnelles    I    CCAS ©2024

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?