Une décision inattendue. Le Conseil d’État juge valides, protecteurs et utiles les tarifs réglementés de l’électricité, qui étaient attaqués par les opérateurs privés dans une requête déposée le 4 mai dernier auprès de la haute juridiction.
Le Conseil d’État devait statuer sur la requête déposée le 4 mai dernier par l’Anode (Association nationale des opérateurs détaillants) et Engie dénonçant les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRV). Contre toute attente, le Conseil d’Etat a validé vendredi 18 mai le principe de tarifs réglementés pour l’électricité.
18% de contrats chez les fournisseurs alternatifs
Ces tarifs sont fixés une fois l’an par le ministère de la Transition écologique et solidaire, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Leur calcul est basé sur les coûts de l’énergie (prix sur le marché de gros et prix du nucléaire historique), celui de d’acheminement – transport et distribution – et de la commercialisation (voir sur le site de la CRE pour en savoir plus).
Selon le rapporteur public, ces tarifs réglementés, dits « tarifs bleus », qui concernent 30 millions de foyers (ceux dont la puissance souscrite au compteur est inférieure à 36kVA), ne seraient pas conformes au droit européen sur la libre concurrence. Rappelons qu’en France, la concurrence sur le marché des particuliers a été ouverte en 2007, et que, depuis dix ans, le « portefeuille » des fournisseurs concurrents s’est garni des contrats de près de 6 millions de foyers. En électricité, près de 5,9 millions de sites résidentiels, sur un total de 32,4 millions de clients résidentiels, sont désormais en offre de marché (soit 18 %), la quasi-totalité d’entre eux (5,8 millions) ayant choisi un fournisseur alternatif (chiffres CRE, décembre 2017).
Alerte des CCE de l’énergie
Dans un communiqué publié le 17 mai, le comité central d’entreprise d’EDF-SA et l’ensemble des représentants des fédérations rappellent qu’il s’est régulièrement exprimé sur les errements de la libéralisation du secteur de l’électricité, notamment sur la fragilisation de l’outil de production et de l’approvisionnement, ou encore les suppressions d’emplois, et prévient que la « si la suppression des tarifs réglementés était entérinée par le Conseil d’ État, l’ensemble des usagers serait directement concerné ». Un motif supplémentaire pour les fédérations des Industries électriques et gazières d’appeler les salariés de l’énergie à rejoindre les actions prévues dans tous les secteurs d’activités de la fonction publique le 22 mai.
Voir aussi
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Une « énergie non substituable »
Dans sa décision du 18 mai, le Conseil d’ État « admet dans son principe la possibilité de tarifs réglementés de vente de l’électricité ». Le Conseil note que les TRV sont conformes aux directives européennes « à la triple condition qu’elle réponde à un objectif d’intérêt économique général, qu’elle ne porte atteinte à la libre fixation des prix que dans la seule mesure nécessaire à la réalisation de cet objectif et notamment durant une période limitée de temps et, enfin, qu’elle soit clairement définie, transparente, non discriminatoire et contrôlable ». Le Conseil d’État estime que « l’entrave que constitue la réglementation des prix de vente de l’électricité est justifiée, dans un contexte de forte volatilité et s’agissant d’une énergie non substituable constituant un bien de première nécessité, par la poursuite de l’objectif de garantir aux consommateurs un prix de l’électricité plus stable que les prix de marché ».
Un système protecteur
En 2017, à propos d’un recours concernant les tarifs réglementés du gaz, l’UFC Que Choisir, qui ne manque pas de critiquer certains aspects des modalités de fixation des TRV, s’inquiétait toutefois de leur éventuelle disparition. « La fin des tarifs réglementés sur ce marché se traduirait donc par une forte hausse des prix pour l’ensemble des consommateurs français, y compris pour les clients des fournisseurs alternatifs » affirmait l’association, tout en déclarant qu’elle s’opposerait à toute tentative des pouvoirs publics de faire disparaître les tarifs réglementés. « Dans un marché ouvert, le tarif réglementé protège les consommateurs en agissant comme un prix plafond impossible à dépasser pour les offres de marché proposées par les fournisseurs alternatifs, expliquait l’UFC. Au-delà du risque d’augmentation des prix, sa disparition entraînerait la fin d’un référentiel de marché permettant aux consommateurs d’évaluer l’intérêt et la pertinence des offres de marché. »
En France, le prix du kilowatt est l’un des moins chers d’Europe, loin devant le prix que doivent acquitter les usagers britanniques, espagnols, allemands ou italiens. La décision rendue le 18 mai, qui rejoint le combat des salariés de l’énergie, lui offre toutes les chances de le demeurer.
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