Éducation : « L’empathie a une action directe sur le cerveau de l’enfant »

Pédiatre spécialisée dans le soutien à la parentalité, Catherine Gueguen a exercé à l’Institut hospitalier franco-britannique de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). ©Sylvain Gripoix

Pédiatre spécialisée dans le soutien à la parentalité, Catherine Gueguen a exercé à l’Institut hospitalier franco-britannique de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). ©Sylvain Gripoix

Pour la pédiatre Catherine Gueguen, non seulement l’empathie, l’écoute, l’attention à soi et aux autres s’apprennent, mais ont des effets à long terme sur notre cerveau. Et deviennent ainsi des enjeux de société. 

Catherine Gueguen s’intéresse depuis toujours au développement de l’enfant et à son bien-être. Dès le début de ses études de médecine, elle découvre que des enfants maltraités qui étaient hospitalisés pouvaient mourir ou avoir des complications cérébrales importantes. Ces questions de maltraitance et de bientraitance la conduisent à s’interroger sur l’éducation. Elle est convaincue que lorsqu’un enfant est maltraité, il faut d’abord s’occuper de son entourage. Et de fait, elle s’est attachée durant plus de trente ans à aider et accompagner les parents maltraitants. « Une société qui tient à ses enfants doit veiller sur leurs parents », commente-t-elle.

L’apport des neurosciences affectives

Formée en communication non violente et en haptonomie, pratique qui accorde à la relation affective et notamment au toucher (« haptein », en grec) un rôle prépondérant dans l’accompagnement thérapeutique, Catherine Gueguen anime des groupes de travail pour les médecins, les psychologues, les éducateurs, les sages-femmes sur l’accompagnement des adultes dans leur relation à l’enfant à la lumière des neurosciences affectives. Elle propose des conseils éducatifs pour les parents et les professionnels. Ses ouvrages et ses conférences sont de véritables plaidoyers en faveur d’une éducation bienveillante qui remet en cause nombre d’idées reçues. « Malgré de bonnes intentions, trop d’adultes ont encore recours à une forme d’éducation blessante, humiliante, voire maltraitante qui altère le développement du cerveau de l’enfant », explique la pédiatre, qui s’appuie sur de récentes recherches en neurosciences affectives et sociales.

 

« Les neurosciences affectives et sociales (NAS) sont très récentes, elles datent de la toute fin du XXe siècle, explique la pédiatre. Elles s’intéressent à ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous éprouvons des émotions, des sentiments ou lorsque nous sommes en relation avec les autres. Les neurosciences, l’ensemble des disciplines qui étudient le fonctionnement du cerveau, ont donné naissance, dans les années 1970, aux neurosciences cognitives, qui analysent les mécanismes cérébraux de ce qui est cognitif, intellectuel : l’attention, la mémoire, la pensée, le langage, etc. L’étude des NAS bouleverse notre compréhension des besoins de l’enfant et constitue un apport considérable dans la connaissance du développement de l’être humain. »

« Le cerveau de l’enfant est vulnérable »

Pour Catherine Gueguen, ces découvertes faites sur le cerveau des enfants permettent de repenser l’éducation et bouleversent notre compréhension de leurs besoins. « Le cerveau de l’enfant est vulnérable et extrêmement fragile. Encore immature, il est malléable. Tout ce que l’enfant va vivre dans son enfance et dans son adolescence aura des effets extrêmement profonds sur son cerveau. Tout ce qu’on dit, tout ce qu’on fait est important. Rien n’est anodin. Parents et professionnels de la petite enfance jouent donc un rôle fondamental dans le développement de l’être humain. »

Le cerveau est un organe complexe avec ses cent milliards de neurones et ses neurotransmetteurs, molécules chimiques qui transmettent des informations d’un neurone à un autre. Les NAS ont démontré qu’il est aussi dévolu aux relations sociales et aux émotions. « Elles nous disent que c’est l’empathie, le soutien, l’encouragement qui permettent son développement », affirme la pédiatre en s’appuyant sur des études scientifiques, dont celle de la chercheuse néerlandaise Rianne Kok qui prouve que « l’empathie a une action directe sur le cerveau de l’enfant, en augmentant sa substance grise par un épaississement du cortex préfrontal ».

Dans ses travaux, Catherine Gueguen s’appuie sur d’autres études qui montrent notamment que « le stress, la maltraitance, les humiliations verbales et physiques font sécréter le cortisol qui, en attaquant les neurones, altère, voire détruit des structures cérébrales, des circuits neuronaux dans le cerveau de l’enfant et provoque des troubles du comportement (anxiété, dépression, suicide), des maladies psychiatriques, de la délinquance, des addictions, etc. On pouvait l’imaginer mais il n’y avait pas de preuves scientifiques. Aujourd’hui on le sait ».

« Cercle vertueux » pour la société

« Quand un enfant est élevé avec empathie, lui-même devient empathique et il n’y a plus de comportement agressif et antisocial. Cela change toute la société. C’est un cercle vertueux. » Dans ses livres comme dans ses conférences, Catherine Gueguen cite souvent cette phrase : « Pourquoi appelle-t-on agression le fait de frapper un adulte, cruauté le fait de frapper un animal et éducation le fait de frapper un enfant ? »

En 2018, 53 pays dans le monde disposaient d’une loi contre les humiliations et les punitions corporelles dont 32 pays européens, mais pas la France. « C’est dramatique. Pour que les enfants deviennent bienveillants et empathiques, il faudrait que les adultes le soient eux-mêmes. Repenser nos relations avec les enfants est donc un enjeu essentiel pour améliorer leur bien-être et transformer le monde de demain. » La France, patrie des droits de l’homme, deviendra-t-elle, un jour, un pays qui protège les enfants ?

Pour aller plus loin

Catherine Gueguen est l’auteure de plusieurs ouvrages :

Éducation : "L’empathie a une action directe sur le cerveau de l’enfant" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 59192 Heureux d’apprendre a l ecole encadre

« Heureux d’apprendre à l’école. Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation »
Les Arènes/Robert Laffont, 2018, 342 p., 20,90 euros.

« Vivre heureux avec son enfant. Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives », éd. Pocket, 2017, 312 p., 7,50 euros.

« Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau », éd. Pocket, 2015, 368 p., 7,90 euros.

 

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