« Il y a une banalisation des violences faites aux femmes »

©P.Arrighi

« Je t’ai quitté, c’était une raison pour me tuer ? » ©P.Arrighi

Vendredi 25 novembre marquait la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Reportage à l’association Du côté des femmes, à Cergy (Val-d’Oise), membre du réseau de la Fédération nationale solidarité femmes, partenaire à venir de la CCAS.

(Article modifié le 6 décembre)

« Quand je laisse ma fille à l’école, après je n’ai pas où aller. » À l’accueil de jour de l’association Du côté des femmes, certaines viennent passer l’après-midi avec leurs jeunes enfants, ou se retrouvent entre elles jusqu’à l’heure de la sortie de l’école. Dans un quartier résidentiel de Cergy, dans le Val-d’Oise, ce sont parfois une cinquantaine de femmes et d’enfants qui viennent quotidiennement pour se laver, cuisiner, laver le linge ou simplement se reposer dans ce qu’elles appellent une « maison de famille ».

Derrière les portes aux noms de femmes martyres et résistantes, des lieux où l’on raconte la violence. Au dehors, des coussins et des jouets accueillent les enfants. ©T.Princep/CCAS

Derrière les portes aux noms de femmes martyres et résistantes, des lieux où l’on raconte la violence. Au dehors, des coussins et des jouets accueillent les enfants. ©Tiffany Princep/CCAS

Certaines sont hébergées à l’hôtel via le Samu social, et font parfois des kilomètres pour se rendre à Cergy. D’autres sont hébergées dans l’un des appartements de l’association, qui dispose de 103 places : les femmes y restent de quelques mois à trois ans, le temps de se retourner, de suivre une formation et une réinsertion dans l’emploi, une alphabétisation parfois. D’autres encore sont dirigées par le Samu social, la police ou des assistantes sociales vers l’une des 18 places de « mise en sécurité », où elles peuvent se réfugier après une scène de violence conjugale, lorsqu’elles ont eu peur pour leur vie.

« On les aide à réfléchir à ce qu’elles veulent, explique Michèle Loup, présidente de l’association Du côté des femmes, qui oeuvre depuis plus de trente ans à la protection et à l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales. Sont-elles mariées, veulent-elles déposer plainte ? On peut donner des conseils, mais on ne fait jamais d’injonction. On aide à la prise de conscience, la mise à distance des violences, mais (…) les choix leur appartiennent. Nous, on leur donne les options. Parfois elles retournent au domicile pour mieux préparer un départ définitif. »


« Quand je laisse ma fille à l’école, après je n’ai pas où aller. » Autour de la préparation du riz au gombo, Magali* raconte son quotidien, entre l’hôtel où elle est logée et l’accueil de jour de l’association Du côté des femmes.


Le continuum des violences de genre

Les violences conjugales sont protéiformes, du dénigrement aux coups, jusqu’au féminicide, c’est-à-dire jusqu’au meurtre. Sur certaines de ces violences, des chiffres existent : chaque année, en moyenne, 223 000 femmes sont victimes de violences conjugales et 84 000 de viol, tentative de viol ou agression sexuelle. L’année dernière, 122 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon.

« Nous utilisons les statistiques non pour essayer de quantifier les blessures, mais pour simplement convaincre le monde qu’elles existent bel et bien. » Andrea Dworkin, militante féministe, automne 1983

Mais certains rapports violents ne sont pas chiffrables. Pire, ils sont intériorisés, jusqu’à devenir banals. C’est que la violence sexiste est une violence spécifique, ancrée, massive et multifactorielle, et se nourrit des inégalités économiques et matérielles entre les femmes et les hommes.

Pour que les récits de ces femmes circulent, les travailleuses sociales et les salariées de l’association Du côté des femmes ont de nombreuses ressources. La parole s’échange lors de réunions collectives, se chante à la chorale de l’association, se construit lors des ateliers d’orthographe, se diffuse grâce aux reportrices citoyennes, auteures du magazine « Les Voix-Zines« , où l’on parle violences économiques, éducation, féminismes et migration. Autant de médias pour se réapproprier la parole, et relever la tête.

Le travail de fond de l’association auprès des femmes qu’elle suit passe aussi par le réapprentissage de leurs droits, des stages de réinsertion dans l’emploi, des permanences juridiques, mais aussi un processus d’ »empowerment » ou d’autonomisation après parfois des années de violences.


« Il y a une banalisation, une minoration des violences faites aux femmes » explique Michèle Loup, présidente de l’association Du côté des femmes et vice-présidente de la Fédération nationale solidarité femmes


Capture d'écran ilsnoustuent.org

Capture d’écran ilsnoustuent.org

Une responsabilité sociale transversale

Vendredi dernier, comme chaque 25 novembre, l’association faisait de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes une occasion de rappeler la responsabilité transversale de la société dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Des dispositifs d’urgence aux mesures d’éloignement ou d’interdiction judiciaire, du travail social et psycho-traumatique aux ateliers culturels… en présence des principaux acteurs locaux de ce combat – élus, représentants associatifs et judiciaires – tous et toutes ont souligné l’effort commun à fournir pour protéger les victimes et réprimer les auteurs.

Pour les milliers de femmes victimes de violence, moins de 5000 places sont dédiées à l’hébergement d’urgence ou de reconstruction. Pour les deux prochaines années, le Ve plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes promet d’ajouter des places aux 1 550 créées depuis 2014, au sein d’un budget doublé par rapport au précédent plan. La Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), pilote d’un réseau d’une soixantaine d’associations, dont Michèle Loup est également vice-présidente, y veillera sans aucun doute. Mais elle insiste sur le besoin de places dédiées spécifiques aux femmes : les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dans lesquels sont placées les femmes victimes de violences conjugales sont ouverts à tous, y compris, comme cela est arrivé, aux conjoints violents eux-mêmes.

De son côté, la CCAS s’est rapprochée de la FNSF, avec trois axes de travail : le renforcement de la responsabilité de l’employeur face aux situations de violence, la sensibilisation des bénéficiaires des Activités Sociales de l’énergie à l’égalité femmes-hommes, et la formation des élus et des professionnels des Activités Sociales pour la prise en charge des situations d’urgence. La CCAS et le Comité de Coordination pilotent actuellement un groupe de suivi égalité femmes-hommes.

*Le prénom a été modifié.

Violence femmes info

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La FNSF gère le 3919 – Violences Femmes Info, service national d’écoute, d’information et orientation pour toutes les violences : violences conjugales, violences sexuelles, mariages forcés, mutilations sexuelles féminines, violences au travail… Anonyme, le 3919 est accessible 7 jours sur 7. Le 3919 reçoit 50 000 appels par an en moyenne.

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