Jean Houssaye : « La colo doit agir en rupture avec l’école »

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Jean Houssaye intervient dans le cadre des formations BAFD (brevet d’aptitude aux fonctions de directeur), ici à la Ville-du-Bois (Essonne), en février 2017. ©C.Crié/CCAS

Pour le pédagogue Jean Houssaye, la colo est une expérience unique et très forte, dans laquelle les jeunes s’exercent à former des projets collectifs. 

Pédagogue reconnu, Jean Houssaye est professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université de Rouen et directeur de centres de vacances pendant trente ans. Il est l’auteur de la théorie dite du « triangle pédagogique », et de nombreux ouvrages en science de l’éducation, notamment « C’est beau comme une colo: la socialisation en centre de vacances » (éditions Matrice, 2005) et « Le triangle pédagogique. Théorie et pratiques de l’éducation scolaire » (3e éd., Peter Lang, Berne, 2000).

Que signifie éduquer ?

Dans la racine latine, « educare » signifie « prendre soin de, nourrir », et « educere », « conduire hors de lui-même ». Il s’agit donc d’un double mouvement un peu contradictoire : dans le fait de nourrir, l’action principale est celle du sujet qui nourrit, et dans conduire hors de, l’action majeure vient de l’autre. On est dans cette contradiction : assister et permettre de se libérer.

Le projet éducatif des Activités Sociales est fondé sur des valeurs. Peut-on éduquer à des valeurs ?

La question est de savoir jusqu’où on peut prétendre avoir un projet éducatif sur quelqu’un. La notion est un peu délicate à manier. Si l’on a plus de mal aujourd’hui à devoir définir un projet éducatif, c’est parce que l’on n’en a plus. Pendant très longtemps, on n’avait pas de projet éducatif parce que ce que l’on voulait faire dans les centres de vacances était clair et net. Aujourd’hui on est dans une sorte de sécularisation du projet, ce n’est plus évident et il faut se justifier d’avoir un projet sur l’autre. Avant on agissait, aujourd’hui on se contente trop souvent d’écrire un projet. Il y a une sorte de contradiction entre la volonté d’avoir un projet et cette possibilité. Et quelle place lui laisse-t-on dans cette définition ?

Quels sont les meilleurs outils ?

Le philosophe et pédagogue américain John Dewey s’élevait contre la pédagogie dite traditionnelle d’imposition et proposait une pédagogie du projet dans laquelle les « éduqués » se prennent eux-mêmes en charge pour établir les projets qu’ils vont avoir à mener. On peut avoir donc le projet de permettre à l’autre d’avoir des projets. Des projets collectifs développés par les enfants, bien sûr.

La colo doit-elle permettre une continuité avec la démarche scolaire ?

Ce n’est pas ma position. La colo est une structure éducative faible par rapport au pouvoir de l’école qui, lui, est énorme. Rechercher à tout prix la complémentarité reviendrait à rester dans l’ombre du grand frère qu’est l’école. La colo doit au contraire mettre en avant sa spécificité, qui est différente de celle des autres institutions que sont l’école ou la famille. Je pense donc que la colo doit agir en rupture avec l’école.

Comment ?

Elle propose de vivre quelque chose que l’on ne peut pas vivre ailleurs. Une expérience nouvelle, très forte, dans un lieu et un temps limité. En colo, les enfants exercent leur pouvoir de décision sur ce qu’ils peuvent faire avec d’autres. On ne peut pas agir ainsi à l’école car il y a un programme, un savoir à acquérir. Ce n’est pas non plus possible en famille car il n’y a pas cet aspect de groupe. Au-delà des activités proposées, il y a donc cette expérience nouvelle de ce que l’on va décider ensemble. C’est aussi une expérience relationnelle très forte car on est en quelque sorte mis en demeure de se sociabiliser. Et plus on est sociable, plus l’on a de relations avec les autres. C’est la raison pour laquelle il faut continuer à promouvoir les colos. Malheureusement, la colo reste une structure marginale un peu dévalorisée. En partie à cause du « familiarisme » ambiant : on ne veut plus se séparer des enfants. Mais grandir, c’est apprendre à se séparer. C’est cela aussi la spécificité de la colo : ce qu’on y apprend, on ne peut pas l’apprendre ailleurs.

En complément : A quoi sert la colo ? En colo, les enfants exercent leur pouvoir de décision sur ce qu’ils peuvent faire avec d’autres. Au-delà des activités proposées, il y a donc cette expérience nouvelle de ce que l’on va décider ensemble. De jeunes colons âgés de 12 à 17 ans racontent leurs expériences. Micro-trottoirs durant l’été 2016, à Granville (Manche) et à la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne)

Quel projet éducatif pour nos Activités sociales ?

Jean Houssaye : "La colo doit agir en rupture avec l’école" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | icone doss ag capLa réactualisation du projet éducatif des électriciens et des gaziers – grand chantier de l’année 2016 – a rendez-vous au Cap d’Agde les 13 et 14 mai prochains. L’occasion de clarifier le regard que portent les Activités Sociales sur la société d’aujourd’hui et de bâtir ensemble des réponses contemporaines.

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